Mohamed Chouikh, un cinéaste résistant

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Né à Mostaganem, le 3 septembre 1943, il a onze ans en 1954, quand débute la guerre d’Algérie. En 1962, l’indépendance est proclamée. Dans sa ville natale, Mohamed Chouikh devient acteur

au sein d’une troupe de théâtre qui deviendra le Théâtre National Algérien. 

En 1965, il joue dans l’une des premières grandes réalisations algériennes, « L’Aube des damnés » de René Vautier et Ahmed Rachedi. Un an plus tard, il interprète le rôle de Lakhdar (le fils) dans « Le vent des Aurès » de Mohamed Lakhdar Hamina. Le film obtient le prix de la première oeuvre à Cannes

Jusqu’en 1970, Mohamed Chouikh se consacre essentiellement à sa carrière d’acteur au théâtre et au cinéma. Il est le héros de « Hors la loi » de Tewfiq Farès en 1969. Le film de Michel Drach « Elise ou la vraie vie » d’après le roman de Claire Etcherelli, dans lequel il incarne le partenaire tragique de Marie José Nat, le révèle au public Français.

1972 constitue pour lui une étape décisive : parallèlement à sa carrière d’acteur, Mohamed Chouikh se confronte à l’écriture et se forme aux métiers du cinéma en participant à divers tournages. Comédien sobre et sensible, il fait alors preuve de réelles qualités de cinéastes. 

II réalise « L’Embouchure » (1972) et « Les Paumés » (1974) pour la télévision algérienne, deux films traités différemment, qu’il juge, avec du recul, comme des créations de recherche. « Rupture », en 1983, est son premier long-métrage pour le cinéma. En 1989, « La Citadelle » décrit une journée particulière dans la vie d’un village du Sud oranais. Cette farce tragique sur la solitude des uns et la polygamie des autres, révèle l’histoire de deux sociétés séparées par un mur, celle des hommes et celle des femmes. Ce film remporte une vingtaine de prix internationaux. En 1993, « Youcef, la légende du 7e Dormant », l’histoire d’un combattant qui se croit toujours prisonnier de l’armée française, est présentée à Berlin et à Venise. 

« L’Arche du désert », en 1997, est projeté dès sa sortie à Locarno. « Je suis pour les traditions qui unissent, qui donnent la vie, déclare Mohamed Chouikh après une diffusion en Algérie. Pas pour une culture qui tue et se replie sur elle-même. Mon film est l’autopsie de la haine, du cycle de la violence clos par la mort. Après Locarno, il a été projeté à Sarajevo ». Le film dépeint la vie dans un village du désert qui bascule dans l’intolérance face à l’histoire d’un couple dont les membres appartiennent à deux groupes différents. « Le Douar de femme » (2005), sa dernière réalisation tournée l’été 2004 entre Alger et Béjaïa, est le fruit d’un travail familial. II est en effet produit et monté par Yamina, la femme du réalisateur, elle-même réalisatrice de « Rachida » (2002). L’une des filles de Mohamed Chouikh y est actrice et sa soeur est première assistante. Le film inaugure l’année cinématographique 2006 en Algérie.

Soutenue par les médias et en particulier à la télévision (coproductrice majeure de l’oeuvre), l’avant-première a connu un succès considérable dans une salle bondée. 

Vingt-cinq ans après « La Nouba des femmes du mont Chenoua » de Assia Djebar, notait El Watan au lendemain de la projection, l’absence des hommes valides dans « Douar de femmes » permet de mesurer combien la résistance des personnes dites du sexe faible a permis à l’Algérie de rester debout. Les actrices viennent tour à tour jouer leur part du rôle avec des répliques parfois très audacieuses qui font peu à peu voler en éclats les tabous coutumiers. 

Contrairement à « La Citadelle » ou à « La légende du 7e Dormant », Chouikh se base essentiellement sur une mise en scène du verbe plutôt que sur l’action. Le film appartient en cela à cette longue tradition que s’est forgée le cinéma algérien d’être un cinéma féministe au masculin. Sachant la difficulté de monter un film par les temps qui courent, on ne peut que rendre hommage à Mohamed Chouikh pour leur contribution à la survie du cinéma en Algérie