Non, l’extrême droite ne veut pas lutter contre la mondialisation

Réponse au Monde, suite à son sujet ci-bas.

Par le Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP).

Le 22 décembre 2010.

POUR LIRE L'ARTICLE DANS SON CONTEXTE

Dans Le Monde daté du 7 décembre 2010 est paru l’article intitulé « L’économie vaudou du protectionnisme ». Cet article typique de l’idéologie néolibérale veut faire croire qu’une partie de la gauche de gauche est pour le protectionnisme, et qu’elle reprend donc les idées de Le Pen.

D’abord malheureusement, une grande partie de cette gauche reste marquée par l’idéologie du libre-échange, bien qu’il soit incontestable que les idées protectionnistes progressent. Elle ne devrait pas laisser à l’extrême-droite le monopole du protectionnisme économique.

Décryptons les positions du FN : il est pour un protectionnisme aux frontières de l’Union européenne. Mesure démagogique, car les délocalisations se font aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union.

Ensuite, le FN est pour la sortie groupée de l’euro. Ce parti qui se dit nationaliste n’envisage pas que la France puisse seule décider sa sortie de l’euro. En fait il la refuse, car une sortie concertée est du domaine du rêve.

Autre exemple : le FN demande à juste titre que la France retrouve sa souveraineté monétaire, il s’insurge contre la loi inique reprise par une directive européenne qui interdit à l’État d’emprunter à la Banque centrale, l’obligeant ainsi à emprunter sur les marchés financiers. Mais il propose que le contribuable paye les intérêts de cette dette, ce qui augmenterait encore les mesures d’austérité. Le M’PEP veut le défaut sur le capital et les intérêts.

Ainsi le FN se sert de problèmes très réels pour développer un discours dans lequel il se fait passer comme ennemi de la mondialisation. Mais ses propositions concrètes sont volontairement inopérantes ou vont dans le sens de la défense de l’intérêt de l’oligarchie qui dirige le monde, aux dépens de celui des classes populaires.

Revenons à l’article du Monde. Tout en qualifiant le protectionnisme d’économie vaudou, il déplore hypocritement qu’il soit impossible de parler de protectionnisme à Paris, il devrait dire à Paris et à Bruxelles car l’Union européenne a institué le libre-échange en dogme.

L’article reconnaît quand même qu’historiquement il y a eu des gouvernements protectionnistes et d’autres libre-échangistes. En 1914, toute l’Europe continentale était protectionniste, seule la Grande-Bretagne était libre-échangiste. Lors de la guerre de sécession, la bourgeoisie industrielle du Nord des Etats-Unis était protectionniste, alors que la bourgeoisie esclavagiste du Sud était libre-échangiste. Ce fut même la cause de la guerre car le Nord voulait développer son industrie à l’abri de la concurrence anglaise, tandis que le Sud voulait profiter du prix bas de sa main d’œuvre servile pour inonder le monde de son coton. Le Nord protectionniste l’a emporté, et personne n’a jamais prétendu que l’économie américaine devenue en 1918 la première économie du monde était issue d’une économie vaudou.

Pourquoi affirmer « qu’un protectionnisme hexagonal serait une énorme fadaise » ? Serions-nous tombés si bas que nous ne soyons pas capables de reconstruire une industrie derrière des barrières douanières ? Les mesures protectionnistes que propose le M’PEP ne signifient pas l’autarcie. La France de gauche que nous voulons continuerait à faire du commerce, mais elle refuserait que dans les supermarchés, le travail de ses travailleurs soit mis en concurrence avec celui des travailleurs chinois payés 20 fois moins ou des travailleurs roumains payés 5 fois moins, tout cela pour le plus grand profit des multinationales.

Le « plus d’Europe » réclamé par l’article existe déjà : c’est l’application de la directive services anciennement Bolkestein, le droit pour les entreprises des pays de l’Est de faire travailler en Allemagne des travailleurs polonais ou roumains à des tarifs polonais ou roumains. L’auteur veut probablement que cette mesure soit appliquée en France à grande échelle, que des travailleurs expatriés aient des salaires inférieurs à leurs camarades français. Cette Europe, en instaurant le principe du droit du pays d’origine a délibérément choisi la concurrence entre travailleurs et elle fait le lit du Front National.

Il existe un grand nombre de Français qui se demandent pourquoi le gouvernement se couche devant le MEDEF et ne fait rien pour lutter contre les délocalisations et recréer en France une industrie et une agriculture. Pourquoi les peuples devraient-ils accepter pour toujours que leur politique économique soit décidée par l’OMC et l’Union européenne et non par eux-mêmes ?

Ce n’est pas être xénophobe que d’estimer que les pays à fort excédent commercial comme la Chine et l’Allemagne pourraient distribuer cet excédent à leurs populations au lieu d’exiger d’elles « la compétitivité ». Le commerce international doit-il être synonyme de guerre économique alors qu’il pourrait être synonyme de coopération, comme le prévoyait en 1948 le projet mort-né de Charte de la Havane ? Le principe de cette Charte était l’équilibre des balances des paiements. L’application de mesures protectionnistes par les pays déficitaires était un moyen pour atteindre cet équilibre. Le but de telles mesures n’était évidemment pas que les pays excédentaires obtiennent des avantages supplémentaires dans la guerre économique, comme c’est le cas aujourd’hui.

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LES SYMBOLES CONNUS DE l'EXTREME-DROITE

L’économie vaudou du protectionnisme

LEMONDE | 06.12.10 | 13h48 • Mis à jour le 06.12.10 | 18h19

« Une petite musique monte ces jours-ci en France, qui préfigure le climat de la campagne pour l’élection présidentielle du printemps 2012. Elle voudrait nous faire croire qu’une bonne partie de nos difficultés ont une cause principale et une seule : l’euro - voire, plus largement, notre appartenance à l’Union européenne (UE). On l’entend parfois sur les violons de la gauche de la gauche, cette musique, et tous les jours jouée avec allégresse sur ceux de la droite de la droite. C’est le cœur du discours économique et social que tient le Front national (FN), ce parti qu’on a trop tendance à oublier entre deux échéances électorales.

Il n’est jamais trop tôt pour dire la dangerosité de ce "programme" et dénoncer la part d’illusionnisme qu’il recèle.

La vice-présidente du FN, Marine Le Pen, fait ces jours-ci salle comble en stigmatisant "l’Union européenne totalitaire", en prônant "une sortie groupée et concertée de l’euro", enfin en lançant un mot d’ordre : "le protectionnisme !" (voir Le Monde du 4 décembre). En matière de totalitarisme, on souhaite à Mme Le Pen de n’avoir à connaître dans sa vie, et dans la nôtre, que celui qu’incarnerait la lente et laborieuse édification de l’Europe communautaire.

Pour organiser une sortie "concertée" de l’euro, ensuite, encore faudrait-il qu’il y ait des candidats : ni l’Espagne ni la Grèce, gouvernées par des sociaux-démocrates, ni l’Irlande, pilotée au centre, n’en ont émis le vœu, alors que ces pays sont astreints à de drastiques mesures d’austérité budgétaire.

Reste le protectionnisme, dans le triptyque cher à Mme Le Pen. Ici, pas de fondamentalisme idéologique : le débat nous paraît légitime. Curieusement, on peut en discuter à Londres et à Washington, pas à Paris, où, à peine le sujet est-il esquissé qu’on interrompt la discussion d’un péremptoire : "Le protectionnisme, c’est la guerre." Historiquement, rien n’est plus faux : l’Europe très libre-échangiste du début du XXe siècle a connu la Grande Guerre, et celle, plus protectionniste, de la fin des années 1930, le deuxième conflit mondial.

Mais la réalité de la France de 2010 est celle d’un pays où un salarié sur quatre travaille pour exporter et dont l’essentiel du commerce extérieur se fait au sein de l’Union européenne. Autant dire qu’imaginer un protectionnisme hexagonal destiné à préserver l’emploi en France est une énorme fadaise. Cela relève de l’économie vaudoue et se traduirait par des centaines de milliers de chômeurs en plus.

Ce qui est vrai, c’est que la Chine, l’Inde, le Brésil, bref les économies émergentes, sont des marchés qui, eux, se protègent, quand leurs produits envahissent les nôtres à des prix qui doivent beaucoup à une politique de subventions plus ou moins déguisée. Les Etats-Unis osent menacer de répliquer - s’il le faut en prenant d’horribles mesures protectionnistes. Pas l’UE. Elle a tort. C’est à ce niveau, celui de l’Union, qu’il faut se battre pour des conditions de concurrence loyales. Ce qui suppose, Mme Le Pen, plus d’Europe, pas moins. »