Les investissements chinois, une réelle menace pour la sécurité américaine ? (ANALYSE)

Les États-Unis ont bloqué à plusieurs reprises les investissements de société chinoises pour des motifs de sécurité nationale, une manoeuvre protectionniste qui ne fera que nuire à leurs propres intérêts, estiment les analystes.

Huit députés américains ont récemment demandé à l' administration Obama d'examiner un accord entre le géant chinois des télécoms Huawei et l'opérateur américain Sprint Nextel pour des raisons de sécurité nationale.

Ce n'est pas la première fois que les tentatives de Huawei pour mettre le pied sur le marché américain sont contrecarrées. Sa tentative antérieure de racheter la compagnie 3Com avait été rejetée de manière lapidaire par le gouvernement américain.

Citant là encore des préoccupations de sécurité nationale, un groupe bipartisan de 50 députés avait demandé que le gouvernement examine un projet d'investissement de la compagnie chinoise Anshan Iron and Steel Group (Ansteel), quatrième producteur sidérurgique de Chine, qui envisageait d'établir une co-entreprise avec un partenaire américain au Mississipi pour la fabrication de barres d' armature.

"Il est inapproprié de la part de certains députés américains de qualifier des opérations commerciales ordinaires de man?uvre menaçant la sécurité nationale", a récemment déclaré Yao Jian, porte-parole du ministère du Commerce, à propos du projet d' investissement d'Ansteel.

"J'espère que les États-Unis pourront mettre en place un meilleur climat d'investissement pour les entreprises chinoises", a-t-il dit.

Les analystes chinois estiment que ces d

écisions relèvent du protectionnisme pur et simple, ajoutant que les impératifs de sécurité nationale ne sont qu'une excuse facile des autorités américaines dont les véritables intentions sont de protéger les intérêts des entreprises et industries de leur pays.

De plus, s'opposer aux pratiques commerciales déloyales prétendues de la Chine est un moyen simple pour les députés de récolter un soutien politique dont ils ont bien besoin à l' approche des élections de mi-mandat en novembre, selon les analystes.

Les revers de Huawei et d'Ansteel ne représentent que la partie émergée d'un iceberg. En réalité, empêcher les investissements de sociétés chinoises au nom de la sécurité nationale est devenu un mauvais réflexe qui ne peut que nuire aux intérêts de l'Amérique elle-même.

Emcore Corporation, producteur américain de fibre optique, a annoncé fin juin avoir abandonné un projet de joint-venture en partenariat avec l'entreprise chinoise Tangshan Caofeidian Investment Corporation parce que le Comité sur les investissements étrangers des États-Unis avait "présenté certaines inquiétudes réglementaires concernant cette transaction."

Une autre entreprise publique, la Northwest Nonferrous International Investment Company, a également été forcée de renoncer à l'achat d'une participation de 51% dans Firstgold Corp. , entreprise d'extraction aurifère située près d'une base militaire américaine dans le Nevada.

"Certaines figures politiques américaines ont encore une vision déformée de la Chine", a déclaré Chen Fengying, responsable stratégie de l'Institut chinois des relations internationales contemporaines.

À leurs yeux, la Chine est toujours une économie planifiée dirigée par un régime totalitaire, explique-t-elle.

"En conséquence, ils commencent à politiser les investissements chinois et en font une question de sécurité avant même que les entreprises chinoises aient mené aucune activité commerciale sur place", a-t-elle dit. "Ce n'est pas juste pour les entreprises chinoise", donnant une image trompeuse de leur comportement commercial ordinaire.

Par comparaison avec les difficultés que rencontrent les entreprises chinoises aux États-Unis, il est beaucoup plus facile pour les entreprises américaines d'investir en Chine, indique Mme Chen.

Selon des responsables du ministère du Commerce, les entreprises américaines implantées en Chine enregistrent chaque année des bénéfices d'au moins 80 milliards de dollars.

En juin dernier, le nombre total de projets d'investissement américains en Chine dépassait les 57.000, et la valeur totale des investissements américains en Chine atteignait 61 milliards de dollars.

Selon le livre blanc de la Chambre américaine de Commerce en Chine en 2009, environ 74% des entreprises américaines en Chine font des bénéfices et 91% d'entre elles choisissent de rester en Chine pour y étendre leurs activités.

D'un autre côté, la valeur totale cumulée des investissements directs enChine aux États-Unis s'élevait à 3,1 milliards de dollars seulement en juin dernier, selon les statistiques du ministère.

Une plus grande ouverture du marché américain aux entreprises chinoises créerait indiscutablement beaucoup d'opportunités d' emploi supplémentaires aux États-Unis, un fait que les personnalités politiques américaines ne peuvent se permettre de négliger dans un pays toujours aux prises avec un taux de chômage qui atteint les 9,3%, estime Mme Chen.

Les milieux politiques américains devraient abandonner leurs préjugés et leur discrimination à l'égard des entreprises chinoises et sortir de leur mentalité héritée de la Guerre Froide, juge-t-elle.

"Ensuite, la résolution du problème du chômage pourrait apporter des bénéfices bien plus importants pour la population américaine", a-t-elle dit.