Si tu ne parles pas, tu meurs. Si tu parles, tu meurs. Parles et meurs !
Par Hacen Boukhelifa
Avocat à la Cour & Professeur en Droit des Etrangers au CNFPT ·janvier 1996 à aujourd’hui
Professeur en Droit des Etrangers
Avocat à la Cour & Professeur en Droit des Etrangers au CNFPT, à moi mêmeA étudié Droit International et Europeen à Lille 2/Paris I Panthéon-Sorbonne/Paris II Assas/Institut des Hautes Etudes InternationalesHabite à : MarseilleMarié
Parle Anglais, Espagnol, Allemand, Arabe algérien et Kabyle
L’actualité de ces derniers jours met une fois de plus l’Algérie à la une en nous rappelant les violations répétées des droits de l’homme qui y ont cours, surtout lors de la marche du 12 février, en même temps que l’immense espoir qui naît autour de la revendication de tout un peuple pour une Algérie libre et démocratique.
En tant que démocrate français, on ne peut qu’éprouver un attachement profond à ce pays et à son peuple. Cet attachement est lié à l’espoir d’une Algérie forte et unie où régneraient les valeurs de paix, de respect de l’autre, une Algérie qui trouverait sa vraie place au sein du monde méditerranéen et de la communauté internationale. Une Algérie qui serait un véritable partenaire de la France.
Il existe des divergences politiques, philosophiques et culturelles dans le peuple algérien. Notre objectif doit être d’apporter compréhension, solidarité et soutien à son effort pour arriver à un Etat démocratique et respectueux des libertés. L’histoire nous enseigne que la force d’une nation réside dans son unité et dans les potentialités de chaque individu, elle nous montre que l’oppression et l’injustice ne conduisent qu’à l’immobilisme et la régression. Nous devons soutenir les démocrates algériens, qu’ils se trouvent dans des partis politiques, des syndicats ou des associations. La politique menée à l’issue de la guerre d’indépendance se résume à l’accaparement du pouvoir au profit d’une minorité, mais l’Algérie doit appartenir à tous les Algériens, la souveraineté revient au peuple. Les démocrates français doivent s’investir dans ce combat. Nous ne devons pas nous ingérer, mais nous ne devons pas non plus rester indifférents au sort de ce peuple ami qui nous est si proche historiquement et géographiquement. La reconnaissance de la dignité et de la responsabilité de chaque Algérien s’oppose à l’accaparement du pouvoir par un régime qui, aujourd’hui, veut prendre les apparences d’une démocratie, mais personne n’est dupe. Aux heures les plus graves de son histoire, le peuple algérien a su montrer une unité réelle que ni les islamistes ni les militaires corrompus n’ont mise en échec. En revanche, il y a eu échec des dirigeants. D’abord un échec politique : la «Révolution» confisquée constitue le prolongement direct de ce qu’on appelle néocolonialisme. Des intérêts occultes ont conduit de façon quasi permanente les politiques menées depuis l’indépendance en 1962. La corruption, l’incompétence et l’irresponsabilité des gouvernements algériens successifs sont des cancers qui ont miné le pays, nous devons aider à les éradiquer.
GROUPE Facebook - P-R-D-A : PACTE POUR UNE REVOLUTION DEMOCRATIQUE
En plus du désastre politique, l’Algérie connaît un désastre économique et social. Pour cette raison, notre soutien doit aller au-delà de la construction d’un Etat de droit. Il doit aider à la libération des forces vives du pays. Dans ce cadre, l’Etat doit être le garant de la liberté d’entreprendre. La libre concurrence et l’instauration d’une économie de marché sont les seuls gages du développement économique et social. L’Algérie dispose de potentialités énormes : minerais, hydrocarbures, capacités hydrauliques et agricoles, atouts touristiques. Mais sa richesse fondamentale, ce sont les Algériens, avec leur ingéniosité, leur courage, leur capacité d’adaptation. Aider les Algériens à sortir leur pays d’un marasme économique aggravé par près de cinquante ans d’autoritarisme passe non seulement par la privatisation des appareils de production mais aussi par une évolution ou plutôt une révolution des mentalités.
Les dirigeants algériens procèdent au bradage systématique des biens publics en dehors de toute transparence. L’Algérie est un pays très riche dont les habitants sont en grande majorité très pauvres. Ce pays doit être rendu aux Algériens, à cette jeunesse qui lui témoigne un attachement sincère. L’instauration d’un cadre politique et économique libéral n’exclut pas un Etat fort qui assure et assume le contrôle des secteurs économiques «stratégiques» : défense, politique énergétique, télécommunications… L’Etat moderne est un Etat qui se trouve au centre d’un réseau de protection des individus. Le rôle social de l’Etat doit demeurer une priorité. Il doit y avoir une volonté de redistribuer les richesses. L’Algérie dispose des moyens matériels et humains nécessaires à une politique sociale cohérente et juste.
Désastre politique, désastre économique et social, mais aussi désastre culturel. En réaction à la politique d’isolement et de dirigisme bureaucratique qui a été menée, il faut répondre par une politique d’ouverture et d’échanges. Le concept de nation traduit un sentiment d’appartenance à une communauté humaine très large. Cette conception exige que soit reconnue la diversité des cultures de l’Algérie. Il faut notamment reconnaître la culture amazigh (berbère), il faut reconnaître officiellement la langue berbère. Alors que les échanges économiques et culturels sont globalisés, les gouvernants algériens mènent une arabisation forcée en décalage complet avec le monde qui nous entoure. Alors que les systèmes éducatifs des pays développés optent pour une diversification des enseignements, les dirigeants algériens enferment leur peuple dans une logique de repli dont les effets à long terme seront très négatifs. Chaque Algérien doit pouvoir s’épanouir à travers sa propre culture, il a le droit de cultiver sa spécificité au sein d’une nation unie qui transcende les particularismes locaux. Il faut en finir avec le préjugé selon lequel une culture unique doit s’imposer à tout un peuple. La diversité culturelle ne constitue en aucun cas un danger pour ce pays en tant qu’Etat centralisé, autonome et indépendant.
Il faut demeurer ferme sur le principe de la souveraineté, de l’intégrité, et de l’indivisibilité territoriale de l’Algérie, mais je crois que c’est surtout à travers son histoire et l’acceptation de ses diverses cultures que l’Algérie pourra s’affirmer et s’unir davantage.
Soutenir l’édification d’un Etat respectueux de la volonté du peuple, un Etat qui aura cessé de violer son intégrité par une conception frauduleuse de la démocratie, voilà le sens que doit prendre l’engagement de mes concitoyens français auprès de ce peuple ami.
Toutes ces raisons m’amènent à demander solennellement à notre classe politique française et à mes concitoyens français de soutenir le peuple algérien dans sa quête légitime de démocratie. Souvenons-nous que nous avons une histoire commune douloureuse avec ce pays, mais qu’il est aussi très cher à nos cœurs !