Jean Pierre César Robert (1767-1822)

un pharmacien rouennais resté dans l’ombre


Du pharmacien en chef de l’Hôtel-Dieu de Rouen, à l’époque où  le père de Gustave Flaubert prend ses fonctions en tant que prévôt d’anatomie puis de chirurgien chef, nous ne savions étrangement que bien peu de choses. En nous plongeant dans les archives, nous avons pu, en partie, sortir ce personnage de l’oubli dans lequel il était tombé. 

Karl Feltgen

Le manuscrit d'Adélaïde Bauche évoquant le début de la relation avec le pharmacien Robert (source AD76)

Jean Pierre César Robert, naquit à Beaumont-sur-Oise le 23 mars 1767.

Après avoir étudié au Collège de Navarre à Paris, il s’orienta vers des études de pharmacie. Les premières années de sa carrière ne nous sont pas encore connues, nous savons simplement qu’à la veille de prendre son poste à l’Hôtel-Dieu de Rouen en 1796, il exerçait à l’Hôtel-Dieu de Paris.

Lorsqu’en juillet 1793, en pleine Terreur, l’administration départementale décida de « régénérer », sur de nouvelles bases, le fonctionnement de l’Hôtel Dieu de Rouen, elle élabora un règlement qui prévoyait de nommer un pharmacien en titre logeant sur place et y assurant tout à la fois la préparation des remèdes et l’enseignement des élèves. La perle rare fut difficile à trouver en cette période où les pharmaciens étaient réquisitionnés pour la fabrication du salpêtre nécessitée par la guerre. Aussi, ce n’est qu’en juillet 1796 que, sur les recommandations du citoyen Parmentier, Inspecteur Général du service de santé des armées, Robert fut désigné pour remplir la place de Pharmacien en chef du grand hôpital de Rouen, afin d’y exercer et d’y enseigner.

Le pharmacien en chef était tenu d’assister à la visite effectuée le matin (à 7h ou 8h selon la saison) par le médecin et le chirurgien en chef, ainsi qu’à la distribution des médicaments. Il était chargé en outre de mettre en place un enseignement de la pharmacie pour les élèves de l’hôpital. Pour ce faire, Robert fit installer un petit amphithéâtre et un laboratoire doté de tous les instruments nécessaires aux manipulations chimiques et pharmaceutiques. Il n’hésita pas non plus à organiser des sorties pour approfondir les connaissances en botanique de ses élèves.

A côté de cette activité au sein de l’Hôtel-Dieu, Robert mena une carrière de chercheur et participa activement à la vie scientifique de la cité. Membre résident de l’Académie des Sciences Belles-Lettres et Arts de Rouen depuis 1803, Robert y présenta de nombreux travaux portant sur la chimie et la botanique. En 1805, il fut reçu à la Société libre des pharmaciens de Rouen et en fut plusieurs fois le secrétaire ou le Président jusqu’en 1822. Il fut également membre de la Société d’émulation de Seine-inférieure, du jury médical et du comité central de vaccine de Seine-Inférieure dès sa création en 1804.

On peut également signaler qu’il était collègue du père de Flaubert qui occupa la place de chirurgien chef de l’Hôtel-Dieu à partir de 1815. Robert fut même témoin au mariage des parents de Gustave Flaubert en février 1812. Il fut également un proche du futur avocat Jules Sénard auquel il enseigna les classiques latins et français.

Toutefois, alors que Robert était encore en pleine activité, le 21 juillet 1822, il adressa une lettre à l’administration des hospices de Rouen dans laquelle il annonça que « forcé pour raison de santé de se rendre au sein de sa famille, et que ne pouvant espérer un prompt rétablissement, il se trouve dans la nécessité d’abandonner ses fonctions. » Sur les raisons de cette démission soudaine, les seules informations que nous possédions provenaient d’une notice nécrologique rédigée par Noël Etienne Henry, directeur de la pharmacie centrale des hospices de Paris :

 « Fatigué par une étude constante de ses devoirs et par un travail de quinze heures au moins par jour, et arrivé à cette époque de la vie où la source des illusions consolantes se tarit, souvent pour toujours, Robert ne put se défendre d’une sombre mélancolie dont les impressions progressives devinrent enfin pour lui un motif suffisant d’abandonner des fonctions auxquelles il ne pouvait plus se livrer avec le même esprit de suite que dans le temps de sa vigueur intellectuelle. » 

De façon inattendue, Adélaïde Bauche, à travers ses Souvenirs, va nous apporter un éclairage nouveau sur cette démission soudaine et sur cette « sombre mélancolie » dont souffrit le pharmacien Robert jusqu’à la fin de ses jours.

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