Stratégie

Les Négociations : Prévenir le Stab

Prévenir le stab

Publié sur 18 centres le mercredi 31 août 2005, Écrit par Tom Hurst, Traduit par Jean Sprauer

On avait une bonne alliance. On était en train de faire une razzia sur la carte, idéalement partis pour partager la première place quand il m’a stabé et a gagné la partie seul. Cette espèce d’enflure indigne de confiance. C’est la dernière fois que je m’allie avec ce type !

J’ai entendu ça bien trop souvent à mon goût. L’auteur de ce message veut évidemment signifier que l’allié en question s’est révélé ne pas être fiable. Pouvez-vous en vouloir à ce pauvre homme d’être énervé d’avoir dépensé toute cette énergie pour rien ? Dans la plupart des cas, oui, vous pouvez lui en vouloir ! Mon avis est que la majorité des stabs sont la conséquence d’une défaillance du stabé. J’en compte….5 possibles :

 1 Défaillance dans la communication avec votre allié

Cela arrive souvent en fin de partie quand un des alliés a trop confiance en l’autre et pense que tout a été décidé et n’envoie plus de messages. Ce joueur s’étonne de s’être fait staber mais ne devrait pas l’être (Ndt : étonné) car ça lui pendait au nez. C’est presque une tradition à Diplomatie : les joueurs ont tendance à cesser de parler à leur allie quand ils s’apprêtent à le staber, ce pour diverses raisons. Certains pensent que garder le silence leur garantit l’effet de surprise. D’autres, plus pragmatiques, voient ça comme une perte de temps que d’envoyer des messages à un ennemi -ou futur ennemi. Les derniers n’aiment pas mentir et se rassurent en se disant que, techniquement parlant, ne rien écrire, c’est ne pas mentir. Vous n’aviez peut-être pas l’intention de signaler à votre allie que vous vous apprêtiez a le staber, mais les joueurs de Diplomatie sont généralement bien dote coté paranoïa -à raison d’ailleurs. Etant un brin (Ndt : voir "un tronc") paranoïaques, ils ont tendance à interpréter tout ce qui se passe (ou ne se passe pas) en de funestes intentions. Vu que vous ne lui écrivez pas, votre allie se dit probablement « Au cas où il s’apprête à me staber, j’ai tout intérêt à attaquer le premier ». Ne lui en voulez pas ; après tout, son raisonnement est tout ce qu’il y a de plus humain. Au contraire, écrivez-lui régulièrement et rassurez-le sur vos intentions, en particulier si vous êtes en train de préparer un coup fumeux. Qu’avez-vous à perdre si vous ne le faites pas ?…Juste un allié et la partie.

 2 Défaillance dans la compréhension des besoins légitimes de votre allie

Nous sommes alliés, tu as l’Autriche-Hongrie, moi la Russie et nous venons juste d’achever ensemble la conquête de la Turquie. Tu proposes un marché dans lequel tu attaquerais l’Allemagne et le Nord de l’Italie, me laissant l’Italie et l’Angleterre. Tu tombes des nues quand au tour suivant je te stab. A nouveau, tu n’as que ce que tu mérites ! Explique-moi exactement jusqu’où tu pensais que je pourrais aller en ayant à gérer deux fronts simultanés à partir d’un seul arsenal pour chacun ? (Ndt : ODE au Sud et STP au Nord pour ceux qui n’ont pas suivi) Une offensive en Méditerranée et en Angleterre nécessitent toutes deux des flottes ; ta proposition reviendrait à rendre mes armées inutiles. Où seraient mes possibilités d’expansion dans ce cas ? Chez toi ! Veille à ce que tu restes grosso modo à puissance et potentiel d’expansion égaux avec tes alliés. Nous aimons tous pouvoir nous sentir en sécurité, mais évite d’essayer d’y parvenir aux dépens de ton allie ; traite-le d’égal à égal.

 3 Défaillance à la règle du P.T.C.

P.T.C. pour « Protège Ton Cul ! » ou la « doctrine du plateau d’argent ». Ne t’attends pas à ce que ton allié ait autant de retenue que Job (Ndt : voir le livre de Job) ; ce n’est pas dans la nature de l’Homme et encore moins dans celle du joueur de Diplomatie. Prenons l’exemple d’une alliance Franco-Allemande. Vous venez d’envoyer l’Angleterre, ses flottes, ses amiraux, ses Reines et Mary Poppins par le fond et commencez à tourner vos regards vers l’Est. Tu joues l’Allemagne et envoies tout ce que tu as à l’Est, laissant tes centres allemands découverts. Que tu sois allié avec la France ou un autre, tu offres la victoire -ou à défaut tes centres- au Français sur un plateau (Ndt : le jeu de mot est involontaire). Garde quelques unités en retrait. Il est judicieux de toujours laisser traîner une arrière-garde. N’espère pas non plus que ton allie t’offrira la victoire sur un plateau : il veillera aussi à maintenir une arrière-garde. Et s’il ne le fait pas, stab-le ! Il le mérite.

 4 Défaillance dans l’étude des positions sur le plateau et dans la stratégie adoptée en conséquence

Nous sortons ici de la relation personnelle que vous entretenez avec votre allie pour considérer le jeu de manière globale. Diplomatie est un jeu de plateau et il est logique que les intentions d’un joueur soient reflétées par ses positions et ses mouvements sur le plateau (Ndt : pas besoin de le rappeler aux joueurs de blitz). Etudiez-le ! Votre allié peut jurer sur la Constitution Europeenne -ou le traite d Kyoto- qu’il est de votre coté, mais si ses armées marchent vers vos centres, ne vous étonnez pas si elles finissent par décider d’y passer leurs vacances. Où peut-il aller ? S’il peut vous affaiblir, faites en sorte qu’il soit plus intéressant pour lui d’aller ailleurs que par chez vous. Ne laissez pas la belle prose de votre allié ni ses plans ambitieux vous aveugler. Etudier le plateau et il vous dira tous les secrets que votre allié vous tait, ou presque tous.

 5 Défaillance dans la communication avec le reste du monde

C’est la partie « Avertissement Lointain » du programme. Qui est plus à même de vous avertir des machinations d’un allié potentiellement dangereux que ceux pour qui c’est dans le meilleur intérêt de le faire ? Les autres joueurs de la partie vous avertiront d’une foultitude de dangers (Ndt : ça me rappelle les parties Pays mineurs avec négos publiques !), donc attendez-vous à devoir faire le tri pour y trouver la vérité, ce surtout si votre alliance est bien placée pour la victoire. Mais si les affirmations de votre allié ne correspondent pas aux autres informations que vous avez reçues, si vous avez veillé aux besoins légitimes de votre allié, que vous avez protégé votre cul et que vous avez étudié le plateau, dites-vous que les avertissements que vous recevez sont toujours motivés. Vous ne pourrez en vouloir qu’à vous-même si vous vous prenez un stab alors qu’un autre joueur qui avait tout intérêt à vous prévenir ne l’a pas fait simplement parce que vous ne lui aviez pas demandé.

Il y aura toujours des stabs a Diplomatie. Imaginez donc le jeu sans les stabs… L’important est de veiller à ce que la dague soit toujours pointée dans une autre direction que la votre. Mais si vous vous laissez surprendre par un stab réussi malgré toutes vos précautions, ne collez-pas à son auteur l’étiquette « indigne de confiance ». Au contraire, félicitez-le et profitez de la leçon.

Traduction libre de "Preventing the Stab !" par Tom Hurst, paru sur Diplomacy-Archive.com