Stratégie

Rebondir ou ne pas rebondir

Rebondir ou ne pas rebondir ?

Le Bounce pour les Nuls

Publié sur 18centres le vendredi 20 juin 2008, Écrit par Giovanni Cesarini, Traduit par Yohann Nowicki (Von Schliessen)

Traduction de Yohann Nowicki pour Diplomatie-Online d’un article de l’Italien Giovanni Cesarini pour La Guarnigione assediata : Rimbalzare o non rimbalzare ?

Le bounce, ou rebond, est une des manœuvres les plus fréquentes dans une partie de Diplomatie. Elle arrive involontairement (quand ceux qui rebondissent n’en avaient pas l’intention) ou de manière consentente, habituellement de la part des deux joueurs, pour se garantir une tranquilité réciproque le long de leurs frontières par exemple. Techniquement, le bounce est une tentative échouée de mouvement.

 Italie : A Ven - Pie

 France : A Tou - Pie

mais aussi :

 Italie : A Ven - Pie

 France : A Tou - Pie

 Allemagne : A Alp - Pie

Comme expliqué ci-dessus donc, une manœuvre typiquement non productive comme un bounce peut être utilisée comme solution la moins dangereuse pour les deux parties (on se met dans la situation typique dans laquelle les unités de deux puissances seulement sont concernées par le bounce). Avec un bounce en effet, on peut exploiter ce que je considère le concept fondamental dans Diplomatie (du point de vue tactique) soit la défense active. Le bounce arrangé permet de défendre deux territoires avec une seule unité (le territoire ou se déroule le bounce et le territoire de départ), évidemment dans les conditions où il n’y a pas d’unités prêtes à entrer dans un des territoires à force supérieure à 1 !

Par exemple :

 Allemagne : A Mun, A Ber

 France : A Bel

 Autriche : A Boh

Les mouvements :

 Allemagne : A Mun - Bou, A Ber - Mun

 France : A Bel - Bou

Arranger un bounce entre la France et l’Allemagne (à condition qu’aucune autre unité n’influence ces mouvements) garantit au Francais qu’aucune unité allemande ne menacera les centres francais le tour suivant et en même temps permet de maintenir une unité en couverture sur la Belgique, alors qu’à l’Allemand, il est préférable de ne pas avoir d’unités françaises en Bourgogne (qui pourrait devenir sujet a proposition de la part autrichienne) et en même temps couvre Munich de la possible menace de la Bohème (et si le Francais ne bounce pas, couvrir quoi qu’il en soit Munich avec l’armée de Berlin).

Parfois le bounce est la solution qui implique le moins de dommages potentiels pour les deux puissances participant au rebond : ce sont les situations dans lesquelles ne pas participer au bounce apporte à l’adversaire un avantage positionnel très fort dans le cas où il exécuterait le mouvement et alors il est préférable de rebondir.

Il existe aussi la possibilité d’exploiter un bounce créé avec ses propres unités, donc sans devoir organiser aucun accord avec les autres. Le prix à payer en jouant le bounce est qu’il n’y a pas d’avancée du point de vue territorial, mais c’est le juste prix pour un mouvement défensif plus que valable même si pas infaillible. La situation de référence pour montrer ceci est la suivante :

Après le printemps 1901 :

 France : A Bou, A Esp

 Allemagne : A Mun

 Italie : A Pie

La France peut défendre Toulon, empêcher l’Allemagne d’entrer en Bourgogne et conquérir l’Espagne avec un bounce :

 France : A Bou - Tou, A Esp - Tou

 Italie : A Pie - Tou

 Allemagne : A Mun - Bou

De plus, Toulon reste vide et disponible pour construire en hiver. Cette manœuvre est malheureusement facilement contrastable (avec conséquences néfastes pour le Francais) par le joueur italien simplement en jouant : A Pie S Esp - Tou. Ainsi, non seulement l’Espagne n’est pas conquise mais le centre de Toulon est occupé par l’armée francaise, empêchant ainsi la construction d’une flotte à Marseille et laissant l’Italie en une position tranquille.

Les Bounces plus fréquents

Ceci est une liste des bounces plus fréquents sur une table de jeu ; ils font tous référence à l’ouverture, du reste, unique phase pour laquelle les unités sont en position fixe. Pour chacune, j’ai inséré ma préférence sur le fait de la jouer ou non.

FRANCE - ANGLETERRE

Bounce du canal de la Manche

 France : F Bre - Man

 GB : F Lon - Man

C’est un bounce que personnellement je n’aime pas jouer car il « distrait » les ressources des deux puissances : la France risque de ne pas conquérir les deux centres qui lui sont habituellement promis a la fin de l’année, l’Angleterre risque même de ne rien conquérir si par exemple la Russie amène l’armée de Moscou à Saint-Pétersbourg pour menacer la Norvège qui pourrait alors n’être attaquée que par une unité anglaise (la flotte originaire d’Édimbourg ou par le convoi de l’armée de Liverpool). Il est vrai cependant que une flotte en Manche devient une épine dans le pied pour qui n’y est pas entré et donc si les rapports diplomatiques ne naissent pas sous de bonnes augures il est préférable de rebondir tout de même. En résumé, si la diplomatie au printemps ne s’est pas déroulée comme vous le souhaitiez (entre France et GB), le rebond est la meilleure solution.

ALLEMAGNE - FRANCE

Bounce de Bourgogne

 France : A Par - Bou ou A Tou - Bou

 Allemagne : A Mun - Bou

Ceci est un bounce qui est joué souvent même si les relations diplomatiques entre la France et l’Allemagne sont cordiales. Souvent l’armée de Munich n’a rien de mieux à faire que de tenir si l’Allemagne craint un mouvement en Alpes de l’Autriche ou de l’Italie. L’avantage dans cette situation de bounce est française, la France pouvant entrer en Bourgogne si elle le souhaite soutenant l’armée de Paris par l’armée de Toulon (ou vice versa). À préférer à mon avis le bounce en Bourgogne depuis Marseille plutôt que depuis Paris.

ALLEMAGNE - ITALIE OU ALLEMAGNE - AUTRICHE OU ITALIE - AUTRICHE

Bounce des Alpes

 Allemagne : A Mun - Alp

 Italie : A Ven - Alp

 Autriche : A Vie - Alp

Un bounce atypique, assez rare à voir. Je pense que c’est surtout l’Allemagne qui bénéficie de ce bounce pour les mêmes raisons que celles indiquées sur le bounce en Bourgogne. Entre l’Autriche et l’Italie, peut être cette dernière est celle qui peut jouer ce rebond le plus tranquillement puisque souvent l’armée de Venise tient au printemps 1901 et surtout parce que de cette façon on évite la sournoise manoeuvre autrichienne (mais rare elle aussi), A Vie–Alp. Ce bounce est quoi qu’il en soit une bonne alternative aussi pour l’Autriche, qui ainsi faisant, peut facilement contraster la fréquente A Ven–Alp / A Rom–Ven et rester à Vienne prêt à couvrir Trieste en automne. Malheureusement, le revers de la médaille est le risque d’entrée italienne à Trieste qui associé à l’entrée russe depuis Varsovie jusqu’en Galicie pourrait poser à l’Autriche de sérieux problèmes.

ITALIE – AUTRICHE

Bounce à Venise Italie : A Ven–Apu A Rom–Ven Autriche : F Tri–Ven

Le bounce le plus sûr pour l’Autriche, plus encore que celui sur Trieste depuis Vienne. Ce rebond libère véritablement l’armée de Vienne qui peut ainsi se dédier à la Galicie et surtout elle ne laisse aucune italienne à Venise (rendant ainsi impossible un dangereux A Ven–Tri / A Rom–Ven ). L’aspect négatif est l’impossibilité de conquérir les deux centres sûrs qui dériveraient du mouvement F Tri–Mon mais la position défensive en vaut la chandelle.

Bounce à Trieste

Ce bounce peut être joué de deux façons : en tenant la flotte de Trieste immobile ou en bougeant A Vie–Tri. La première hypothèse est une variante faible du cas précédent (bounce sur Venise) avec une armée italienne à Venise qui pourrait toujours être gênante en automne. Le coté positif est la possibilité de s’installer aussi en Galicie le premier tour. En bougeant Vie–Tri on libère la flotte qui peut pointer vers la Grèce en automne mais on perd l’influence printanière sur la Galicie. Le mouvement A Vie–Tri est, quoi qu’il en soit, un des mouvements préférés des autrichiens qui ne sont pas sûrs à 100% de l’italien et préfèrent viser les 2 constructions dérivant de la Serbie et de la Grèce en laissant la Galicie vacante.

AUTRICHE – RUSSIE

Bounce en Galicie Autriche : A Vie–Gal (ou A Bud–Gal) Russie : A Var–Gal

A mon avis, c’est un des 2 bounces fondamentaux au début du jeu (l’autre étant en mer Noire entre Russie et Autriche). La Galicie est un territoire fondamental pour l’équilibre de toute la carte, tout du moins en ouverture et milieu de partie. La Galicie est le couloir pour faire arriver des armées turques en Europe Centrale sans devoir passer pas les centres russes ou autrichiens et vice versa. Elle est adjacente à 4 centres (2 autrichiens, 1 russe et un neutre) et se trouve à un pas des centres allemands. Elle est, entre autre, frontalière à l’Ukraine, rampe de lancement pour des attaques dévastatrices sur la Russie. Ces prémices sont suffisantes pour comprendre combien il est important d’assurer le contrôle de cet espace et combien il est plus sûr pour la Russie et l’Autriche qu’aucun des deux n’y entre. Du coté russe ce rebond permet de maintenir une armée à Varsovie qui peut facilement défendre une manœuvre offensive allemande comme A Mun–Boh (? ????? du traducteur : moi j’aurai plutôt dit A Ber–Sil mais bon peut être j’ai rien pigé !) et surtout qui peut en automne supporter une entrée en Galicie depuis l’Ukraine (ou l’inverse, entrer en Galicie avec soutien de l’Ukraine). Du coté autrichien, on tient éloigné de ses centres une fastidieuse unité russe en provenance de Varsovie et permet la couverture de Trieste en automne mais en abandonnant la Galicie au russe. Un moindre mal, si on obtient deux constructions on peut alors mobiliser avec A Vie et A Bud par exemple. En résumé, une unité en Galicie tend par la suite à attirer les attentions turques pour une alliance visant à attaquer celui qui n’est pas entré en Galicie. Ainsi il est mieux pour chacun (comme écrit dans la première partie du paragraphe) qu’aucun des deux n’y entre sinon la position de celui qui a réussi à placer son armée dans cette région serait trop forte.

RUSSIE – TURQUIE

Bounce de la mer Noire Russie : F Seb–Noi Turquie : F Ank–Noi

C’est l’autre bounce fondamental en ouverture. Une ouverture avec la flotte russe en Roumanie et la flotte turque à Constantinople est une déclaration claire de Juggernaut, (note du traducteur : Juggernaut = alliance russo-turque. Ben si finalement ça parlait de Juggernaut quand même !) qui alerte immédiatement le reste de la table. Si on ne veut pas attirer immédiatement les projecteurs contre soi, une ouverture prudente est peut être mieux indiquée. Pour cela, le bounce en mer Noire est la meilleure solution. Le contrôle de ce territoire maritime est en effet trop important en ce qui concerne la région balkanique en début de partie. De plus, tendanciellement la mer Noire passe sous contrôle turque, la Russie devant utiliser sa flotte de Sébastopol en automne pour la conquête de la Roumanie. Voila pourquoi le Tsar a tout intérêt à maintenir amarré la Turquie le premier tour pour avoir ce minimum de « respiration » et gérer au mieux l’automne. Pareillement, la Turquie tient éloigné la Russie de pratiquement les ¾ de ses centres (en considérant aussi la Bulgarie) et contraint la Russie a jouer avec le trafic de ses unités si le Tsar décidait d’envoyer aussi l’armée de Moscou vers le sud.

Une solution presque autant valide qui garantit à chacune des puissances une tranquillité initiale et la possibilité de récupérer une situation négative est le rebond au Caucase :

Turquie : A Smy–Cau F Ank–Con Russie : F Seb–Cau

La flotte turque peut tranquillement se diriger vers la mer Egée, la flotte russe peut se dédier en automne à la Roumanie. Tous les centres turques sont défendus par l’armée de Smyrne. Aspect négatif pour la Turquie : si la Russie joue en automne F Seb–Noi et la Turquie F Con–Ege, la Russie a la possibilité de se retrouver avec deux flottes sur la mer Noire (grâce à une construction à Sébastopol). Aussi, pour cette raison, ce rebond n’est pas souvent joué, même s’il est intéressant quand il est joué sur une base de confiance réciproque.

CONCLUSIONS

Seuls les rebonds joués le premier tour de jeu ont été pris en considération, les plus communs lors des ouvertures. Je n’ai volontairement pas considéré les bounces « non naturels » comme celui en Roumanie entre la flotte russe et l’armée autrichienne de Budapest ou encore ceux un peu plus fréquents comme celui au Piedmont entre les armées de Venise et de Marseille car, même dans le dernier cas, leur utilité est faible en comparaison de ceux décrits (et parfois pratiquement nulle, comme par exemple en Bohème entre Vienne et Munich). En réalité, un mouvement inutile à 100% n’existe pas sur une table de diplomatie. C’est toujours une question de diplomatie et de stratégie. Le bounce est seulement un des nombreux moyens pour arriver à ses fins…