Stratégie

Lépante Eaux Bleues

La Lépante eaux bleues  

Une variante de la Lépante où l'Autriche mène la danse.

Publié sur 18centres le jeudi 22 juillet 2004, Ecrit par Manus Hand, Traduit par Pascal Nicolle 

Introduction

Il est un peu surprenant pour moi de constater que les innovations dans le champ des ouvertures sont aujourd’hui encore nombreuses. Il est encore plus surprenant qu’il m’arrive moi-même de temps en temps de contribuer à ce domaine. En effet, même si il est toujours possible de rediscuter des aspects tactiques d’une ouverture, je ne suis pas Edi Birsan qui peut se targuer d’avoir à son actif des ouvertures comme la Lépante (l’ouverture typique de l’Italie) et "l’otarie" (qui est très à la mode dans le jeu par courrier électronique depuis sa publication).

Mes propres contributions dans le domaine des ouvertures sont beaucoup moins impressionnantes. J’ai recensé et catalogué toutes les ouvertures existantes, les ai mis à la disposition de tout le monde et ai pris la liberté de baptiser certaines des ouvertures qui n’avaient pas encore de noms.

En ce qui concerne les créations à proprement parler, j’ai développé le "juggernaut-fronde", une feinte Turco-Russe.

Je ne peux cependant pas recevoir tout le crédit au sujet de cet article. Cette ouverture, que j’ai appelé La Lépante eaux bleues, est le résultat d’une étude de position qui avait été créé par d’autres. Dans une partie dont je fus le Maître, l’Autriche et l’Italie ont ouvert de la façon décrite ci-après et j’y ai vu une excellente tactique autrichienne (ou en tout cas matière à article pour le Pouch !).

Contexte

Depuis très longtemps - en fait quasiment depuis son développement dans les années soixante - la Lépante était quasiment attendue de la part de l’Italie. Tous les joueurs turcs s’en méfient à tel point que des variations (telles la Lépante de Key) ont été développées pour la dissimuler. D’une certaine façon, la Lépante Eaux Bleues que je m’apprête à décrire pourrait être vue comme une de ces variations. Récemment cependant, on a beaucoup écrit sur les ouvertures italiennes. La dépendance quasi-totale vis a vis de la Lépante a ainsi été scrutée en détail et la tendance actuelle est de s’en éloigner. Ce changement semble avoir été déclenché par la publication de l’article de Leif Bergman "fasta, fasta" pour gagner avec l’Italie et, plus récemment l’étude de Paul Windsor "la Géographie est le destin" a renforcé certaines des pratiques de Bergman.

Par conséquent, avec la tendance actuelle qui est d’avoir un démarrage rapide de l’Italie, la Lépante Eaux bleues peut être vue comme une façon d’y réagir, en ayant pour but de protéger les intérêts du joueur le plus menacé par une Italie décidée. En effet, la Lépante Eaux bleues n’est pas une ouverture italienne, c’est une ouverture autrichienne.

En fait, comme vous aurez pu le deviner à son nom, la Lépante Eaux bleues est une ouverture Italo-Autrichienne mais je la classe comme Autrichienne car c’est ce pays qui la dirige entièrement. Il est même crucial que l’Italie soit tenue dans l’ignorance des intentions pro-Italiennes de la part de l’Autriche.

Eh oui, c’est bien ça. C’est une ouverture qui va bénéficier à l’Autriche ET à l’Italie, mais pour laquelle toutes les décisions sont prises par l’Autriche et l’Italie est laissée dans le flou quand aux objectifs de l’Autriche

La première année

Printemps 1901 :

Dans la Lépante eaux bleues, la première tâche de l’Autriche est de s’assurer que l’Italie va ouvrir en Lépante "classique".

Ceci est en général relativement aisé, mais il est d’une importance primordiale que l’Italie accepte d’ouvrir avec :

 A Ven H

 A Rom - Apu

 F Nap - Ion (ou une variation mineure telle une Lépante occidentale ou une Lépante anti-hérisson).

L’Autriche doit parler en termes très francs d’une solide amitié Austro-Italienne, promettant ou en tout cas laissant penser qu’elle va ouvrir en Gambit des Balkans (F Tri-Mon, A Bud-Ser). En réalité, l’Autriche ouvre différemment : une ouverture Eaux bleues :

 F Tri - Adr

 A Vie - Tri

De façon évidente, l’Autriche doit avoir un accord avec la Russie vis a vis de la Galicie, vaguement mentionner des propos anti-turcs devrait suffire à cela.. Cependant l’Autriche ne doit probablement pas laisser entendre à qui que ce soit qu’elle va ouvrir en Mer Adriatique. L’Italie sera bien évidemment très mécontente de la tournure des événements et la façon dont l’Autriche va gérer ce mécontentement va être primordial. L’Autriche est ainsi sans aucun doute au poste de commande. L’italien n’a pas le choix, ses mouvements sont quasiment forcés : l’armée de Venise doit rester sur place, supportée par l’armée d’Apulie et la prise de Tunis ne pourra s’effectuer qu’avec la flotte.

L’Autriche devra alors éviter de discuter de quoi que ce soit avec l’Italie avant les mouvements de l’Automne. Tout au plus pourra-t-elle réitérer brièvement que, malgré la prise de la mer Adriatique, elle veut toujours former une alliance forte avec l’Italie. Cependant, cela devra être dit de façon telle que l’Autriche ne devra pas être surprise (ni déçue) si l’italien refusait de la croire.

En fait, l’Autriche veut que l’Italie ne soit pas certaine des intentions autrichiennes. Il est capital que l’Italie se sente forcée de défendre Venise et de libérer la mer Ionienne. Oui : l’Autriche veut que l’Italie défende Venise mais elle veut également que l’Italie soit décontenancée. Comme je l’ai écrit plus haut, les échanges diplomatiques devront rester minimes - l’Autriche peut même désirer être perçue comme évitant la discussion avec l’Italie - mais la diplomatie qui prendra place devra peut-être inclure des phrases du type : " Pourquoi aurais-je essayé de te convaincre d’ouvrir avec une Lépante banale, de défendre Venise et de te déplacer vers les Pouilles (Apulia) si mes intentions étaient de déclencher une attaque supportée vers Venise ? " La réponse italienne ne peut être que celle que l’Autriche désire : " parce que tu pensais ainsi arriver à me convaincre de ne pas défendre Venise ".

Il peut également y avoir quelques soucis diplomatiques. Le mouvement autrichien en mer Adriatique peut avoir tellement hérissé l’Italie que celle-ci va activement faire la cour à la Russie, la Turquie et l’Allemagne pour contrer ce qui semble être une Autriche hostile. L’Autriche va devoir tenir compte de ces réactions mais le fait que la partie en soit encore à ses débuts (et sous réserve que la Galicie soit restée libre) retiendra la Russie et l’Allemagne de faire beaucoup de promesses pour venir à l’aide de l’Italie.

En ce qui concerne la Turquie, nous en parlerons en détail un peu plus loin. Si l’Italie obtient la sympathie de la Turquie après l’occupation de la mer Adriatique, l’Autriche n’a pas trop de soucis à se faire si les choses se déroulent selon le plan.

Automne 1901 :

Quant aux mouvements de l’automne, l’Autriche suit l’Italie dans la mer ionienne, déplace la Serbie en Grèce et défend Trieste ou déplace cette armée vers l’Albanie ou vers Vienne.

Même à ce stade, l’Italie n’est probablement pas encore prête à étreindre l’Autriche. Une flotte autrichienne en mer ionienne n’est pas quelque chose dont l’Italie raffole.

Cependant, l’Autriche ne doit pas se faire trop de soucis quand à la confusion Italienne et ne doit rien faire pour y mettre un terme. La raison est simple, de la même façon que les mouvements italiens de l’Automne 1901 étaient forcés, la construction le sera, elle aussi. L’Italie se fait maintenant du souci a propos de la mer Tyrrhénienne et elle doit vouloir expulser l’Autrichien de la mer ionienne. Une flotte supplémentaire à Naples est quasiment une obligation.

Et comme par hasard, une flotte à Naples est justement ce que l’Autriche veut voir. Par conséquent, expliquer à l’Italie en termes concrets les plans futurs risque uniquement de faire que l’Italie se sentir moins "obligée" de construire ainsi. Par conséquent, encore une fois, le quasi-silence est la règle à suivre - du moins jusqu’à ce que les constructions soient annoncées. La construction autrichienne sera probablement une armée à Budapest (ou à Vienne) mais si Trieste est libre, l’Autriche y trouvera une possibilité de construction intéressante.

Cependant, si l’ouverture se développe comme décrit après, deux unités autrichiennes y seront réservées avec les deux autres libres d’assurer la défense au nord et de se développer de façon indépendante. Par conséquent, le choix de la construction autrichienne n’est pas crucial à l’ouverture décrite ici et peut dépendre des événements se situant ailleurs. Il peut d’ailleurs sembler étrange de qualifier une ouverture de pro-Italienne ET pro-Autrichienne alors qu’elle ne fait gagner à ces deux nations qu’une seule construction en 1901. Cependant, l’Autriche a échangé l’acquisition généralement admise de la Grèce en 1901 pour une position très avantageuse. Avec une armée en Serbie et une flotte en mer ionienne, l’Autriche a toujours une position avantageuse pour la conquête de la Grèce L’Italie, de son côté, se sent probablement nettement moins tranquille que son voisin, mais après les constructions, l’Autriche peut finalement révéler son plan et l’Italie va vraisemblablement s’en réjouir.

La deuxième année

Après les constructions de 1901, l’Autriche explique à l’Italie que son intention était de lui forcer la main pour prendre la mer ionienne afin de s’inclure dans le convoi de la Lépante Son explication devra être longue, détaillée et convaincante (car elle est honnête !). L’abondance de détails devra contraster de façon importante avec le silence de l’Autriche vis a vis de l’Italie jusqu’à présent et l’Italie devrait normalement être convaincue de la véracité de cette explication.

Faire que cette explication soit longue ne devrait pas poser de problèmes majeurs car il y a beaucoup de points positifs à propos de ce plan. Dans une Lépante standard, l’Italie doit employer ses deux flottes afin de créer la chaîne du convoi vers la Syrie. Pendant ce temps, la flotte autrichienne (qui est en général quasiment inutile pour toute la partie) reste assise en défense, essayant de son mieux d’imiter une armée. Avec les articles récents expliquant qu’il n’est pas forcément sage d’impliquer tant d’unités à une campagne anti-Turque, l’offre par l’Autriche de fournir la moitié des forces navales devrait être la bienvenue. L’Autriche devra expliquer que pendant que sa flotte participera au convoi d’une armée italienne vers l’Asie mineure, l’autre flotte italienne pourra rester à proximité de Rome en défense ou bien même explorer les mers occidentales.

Il y a une autre raison, toute aussi bonne, pour laquelle l’Italie devrait apprécier l’offre Autrichienne.

En effet, dans une Lépante standard et assumant que la Turquie va construire une flotte a Smyrne, l’Italie devra deviner au printemps 1902 quelle mer entre la Méditerranée orientale ou la Mer Égée ne sera pas défendue.

Cependant, avec l’aide autrichienne, cette question disparaît !

L’Italie va utiliser sa flotte de Tunis pour déloger l’Autriche de la Mer ionienne ! L’Autriche utilisera alors la phase de retraite pour se déplacer dans la mer laissée libre par la Turquie ! Et voilà ! Non seulement l’Autriche n’est plus un souci pour la botte italienne, mais la chaîne de convoyage est prête dans les temps et le Turc est probablement très surpris du choix de retraite autrichien.

Apres ce mouvement, l’Italie et l’Autriche n’ont plus qu’à choisir leurs cibles. Ils devraient se fixer comme objectif d’obtenir la Grèce pour fin 1902. Cela ne devrait pas être très difficile avec les positions obtenues. L’Autriche devrait même pouvoir s’en occuper par elle-même (avec des unités en Albanie et Serbie) et si tel est le cas, le convoi pourra être utilisé immédiatement. Une alternative peut être une attaque supportée vers la Mer Egée.

Le Turc

Comment, en tant que dirigeant autrichien, devriez-vous traiter avec le turc ? Il semblerait qu’il existe plusieurs réponses à cette question, toutes avec des points positifs et des points négatifs.

 Dites-lui que l’Italie va ouvrir en Lépante. L’avantage de cette approche est de forcer la main du Sultan afin qu’il construise une flotte a Smyrne, et ceci vous aidera à convaincre l’italien de vous déloger de Ion au printemps 1902 (afin de vous permettre de choisir la retraite disponible). Le problème est que si la Turquie fait savoir à l’Italie que vous avez mentionne la Lépante… l’Italie pourra très bien choisir de ne pas ouvrir ainsi.

 Dites-lui que vous ouvrirez anti-Italien. L’avantage est que vous aurez sa confiance lorsque vous jouerez effectivement Tri-Adr. Ceci pourrait être important si vous craignez que l’Italie demande de l’aide a la Turquie après le printemps 1901. Les pires mouvements que la Turquie puisse choisir à l’Automne sont : Bul-Ser et Con-Bul, obtenant ainsi 2 constructions et laissant l’Autriche s’emparer de la Grèce. Ceci peut être contré par Tri-Ser. Cependant, et même si la Turquie se débrouille pour obtenir la Bulgarie ET la Serbie en 1901, les positions avancées de I/A devraient vous permettre (si tant est que le Russe ne vole pas à la rescousse du Sultan) de le faire reculer. Il est cependant préférable d’éviter ce genre de complications et vous devez éliminer le risque de Bul-Ser. Le prévenir de votre action anti-Italienne le rendra moins réceptif aux demandes d’aides italiennes. Le problème est, là encore, le risque que la Turquie confie vos intentions à l’Italie. C’est cependant un risque relativement aisé à gérer ("Chère Italie, je vais dire à la Turquie que j’ouvre contre vous, mais, bien évidemment, je ne vais pas le faire.")

 Dites-lui que vous allez le supporter en Roumanie depuis la Serbie. Il est évident que vous n’allez pas le faire mais ceci peut l’empêcher de prendre la Serbie ou la Grèce depuis la Bulgarie. Là encore, il est possible que la Russie ait vent de vos projets mais ceci peut être géré avec une bonne diplomatie.

 Dites-lui que vous allez lui laisser obtenir la Grèce. Encore une fois, c’est un mensonge ! Vous allez bien évidemment jouer Ser-Gre pour l’en empêcher, mais promettre la Grèce au Turc est probablement une bonne idée. Cela l’empêchera de prendre la Serbie et d’obtenir 2 constructions. Cela fera aussi paraître votre "attaque" sur l’Italie plus crédible car il semblera que vous "payiez" la Turquie pour ne pas aller aider l’Italien. Vous pouvez même lui dire qu’avec son armée en Grèce et votre flotte en Ion, vous pourrez le convoyer vers Apu par exemple.

Le Russe

Au début du jeu, la seule discussion importante à avoir avec la Russie concerne la Galicie. Cependant, si l’objectif est la Turquie, l’aide russe ne devrait pas être refusée et devra même être sollicitée une fois le plan révélé. Vous devrez notamment discuter avec le Tsar de projets à plus long terme comme une collaboration contre l’Allemagne après la défaite de la Turquie pour éviter que la Russie et l’Italie ne se partage un sandwich autrichien !

Un des avantages que la Lépante apporte à l’Autriche est que l’Italie obtient une position orientale lui permettant une attaque commune sur la Russie après la chute de la Turquie. Sans la Lépante, une alliance A/I/R résulte quasiment systématiquement en une attaque sur l’Autriche. Avec la Lépante Eaux bleues, en revanche, l’aide italienne contre la Russie est toujours possible et le nombre unités italiennes dans l’est qui ne peuvent pas attaquer la Russie est réduit , et l’Italie est ainsi subtilement encouragée à chercher sa croissance contre la Russie ou à l’ouest.

Options

Cet article a présenté la Lépante Eaux-bleues comme une ouverture autrichienne qui devient une Lépante commune A/I. Il est cependant toujours important de garder toutes ses options ouvertes. Bien que cette ouverture puisse être utilisée pour des gains importants à l’Est par une flotte autrichienne (après une retraite "en avant"), le fait est que l’Autriche est quasiment assurée du gain de la mer ionienne avec cette ouverture. Il est par conséquent tout à fait possible d’imaginer travailler avec la Turquie (ou la France ?) plutôt qu’avec l’Italie.

Même après avoir informé l’Italien du plan en 1902, l’Autriche peut choisir d’effectuer sa retraite non pas vers la Turquie, mais vers la mer Tyrrhénienne. Ce choix est cependant très casse-cou (et l’Italie devrait le voir et par conséquent être confiant vis-à-vis des mouvements proposés pour le printemps 1902) à moins que vous attendiez des mouvements significatifs de la part de la France et/ou de la Turquie contre l’Italie.

Dans tous les cas, un Autrichien qui est actif diplomatiquement devra au moins rester attentif et ouvert aux diverses possibilités.

Conclusion

Avec la Lépante Eaux bleues, l’Autriche prend une part active dans une ouverture agressive contre la Turquie.

Ce faisant, l’Autriche, traditionnellement la force terrestre d’une alliance Austro-Italienne, donne à ses armées plus de mobilité en faisant participer son unique flotte a une chaîne de convoyage. En forçant la main de l’Italie en 1901, l’Autriche s’assure que l’Italie construit une flotte et se retrouve par conséquent comme un pouvoir naval qui menace moins l’Autriche.

Lorsque la nouvelle flotte italienne voit le jour, l’Autriche lui donne immédiatement quelque chose d’utile à faire (encore une fois renforçant le sentiment qu’après tout l’Autriche est amicale et que l’Italie devrait se concentrer sur les mers et non les terres). Enfin, l’accord est bon pour l’Italie dans la mesure ou il permet à l’Italie de bloquer moins de forces à l’Est pour arriver au même résultat. Ceci devrait ensuite servir à encourager l’Italie à partir vers l’ouest et l’Autriche sera satisfaite de la tâche accomplie.