Galaxie Diplomatique
Scorage : C-diplo ou Draw
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Scorage : C-diplo ou Draw
C-Diplo ou « Draw »
Publié sur 18 centres le mardi 17 juin 2003, Écrit par Romain Jacques
La popularité du système de pointage C-Diplo est grandissante dans les tournois de face-à-face en Europe, à tel point que pour plusieurs experts côtoyant les tournois, il n’y a pas d’autres façons de jouer à « Diplomacy ». Leur plaidoyer en faveur de ce système de pointage est souvent passionné et contient plusieurs points extrêmement convaincants qui nous font presque oublier que C-Diplo n’est pas le jeu tel qu’il a été inventé et n’est qu’une version abrégée qui permet de jouer plusieurs parties dans un laps de temps raisonnable. Ce qui est fort pratique pour un tournoi restreint dans le temps, mais qui ne donne pas la pleine saveur d’une partie complète où il faut accumuler la moitié des centres plus un pour gagner, soit 18 centres dans une partie standard.
Comment les systèmes de pointage influencent le jeu ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais résumer ce que d’autres ont dit avant moi sur les systèmes de pointage et l’influence qu’ils exercent sur la façon de jouer. Je n’ai pas l’ambition de parler de tous les systèmes de pointage, mais de comparer les deux principaux, soit C-Diplo et ce qui est appelé en Europe le système de « draw » et qui est connu de ce côté de l’Atlantique comme le système de Calhamer, du nom de l’inventeur de Diplomacy. Si vous désirez une description plus complète des systèmes de pointage en tournoi, je vous invite à lire l’excellent article de Yann Clouet sur le sujet, intitulé Les différents systèmes de pointage à Diplomatie.
Le système C-Diplo prévoit que le jeu s’arrête à une année de jeu (typiquement 1907 en France) et que les points soient distribués selon le nombre de centres que chaque joueur possède. Celui qui possède le plus de centres est le vainqueur, le deuxième est celui qui en possède le plus après le premier et ainsi de suite. Plus précisément, C-Diplo fonctionne comme suit :
1 point de participation par joueur -> 7
1 point par centre -> 34
38 points de bonus pour le premier.
14 points de bonus pour le second.
7 points de bonus pour le troisième. Pour un total de 100 points.
En cas d’égalité, les bonus sont partagés entre les ex-æquo (par exemple, 2 deuxièmes à égalité se partageront les points de la deuxième et de la troisième place et obtiendront chacun un bonus de (14 + 7) / 2 soit 10,5 points).
En cas de solo, c’est-à-dire un joueur acquiert 18 centres, le vainqueur récupère seul les 100 points, et les autres obtiennent zéro (même pas le point de participation).
Selon les adeptes de ce système, puisqu’un seul centre de plus donne la victoire, les alliances changent constamment pour ramener le meneur dans le peloton. Personne ne peut se permettre de laisser un joueur s’échapper avec une avance trop marquée en terme de nombre de centres. Cela rend les parties excitantes où les revirements sont nombreux. La dernière année de jeu est particulièrement dramatique, car une première ou deuxième place sera souvent disputée jusqu’à la toute fin. De plus, puisqu’il n’y a aucun boni pour éliminer une puissance, les petites puissances qui ne peuvent aspirer à une des trois premières positions sont souvent « oubliées » par les aspirants à la première place qui préfèreront nuire à un concurrent potentiel au lieu de perdre du temps à éliminer les petites puissances et celles-ci peuvent ainsi négocier leur allégeance pour jouer un rôle dans la détermination du vainqueur.
Le système de « draw » ou de Calhamer n’accorde aucune importance au nombre de centres qu’un joueur possède à moins évidemment qu’un joueur possède 18 centres et par conséquent remporte la victoire. Si une partie se termine par une nulle, tous les joueurs ayant encore des pièces sur le jeu partagent équitablement la victoire. La formule est simple, chaque joueur éliminé perd un point et chaque survivant se partage la somme des points donnés par les joueurs éliminés.
un solo rapporte 6 points ((7-1)/1),
une nulle à deux 2,5 points ((7-2)/2),
une nulle à trois 1,33 points ((7-3)/3),
une nulle à quatre 0,75 points ((7-4)/4),
etc.
Les partisans de ce système de pointage souhaiteraient idéalement que les parties n’aient pas de limite de temps et se terminent par une capture de 18 centres ou un consentement mutuel pour une nulle, lorsque aucune possibilité de solo semble exister.
L’effet généralement reconnu d’un tel système de pointage est de favoriser les alliances à long terme et d’inciter la réduction du nombre de participants à la nulle. Contrairement à C-Diplo, il n’y a aucune conséquence d’obtenir moins de centres qu’une autre puissance. Il est donc plus facile de convaincre un joueur de se joindre à nous pour détruire une troisième puissance, même si cela peut nous avantager par rapport à lui en terme de nombre de centres. De plus, l’élimination d’une puissance augmente le pointage des survivants, les joueurs sont donc encouragés à garder leur alliance jusqu’à ce qu’ils réussissent à éliminer leur victime. Pour les partisans de C-Diplo, cette rigidité des alliances rend souvent les parties prévisibles et ennuyantes. Typiquement, une partie complète (i.e. sans limite de temps) jouée avec le système de « draw » ou de Calhamer consiste en trois phases de jeu : 1) l’acquisition des centres neutres qui se terminent en 1901-02, 2) la formation de deux ou trois alliances pour éliminer deux pays qui se terminent vers 1904-05, 3) un changement ou non des alliances pour l’élimination de deux autres pays qui se terminent vers 1908-10 par une nulle à trois. Ce qui peut briser cette routine est qu’à tout instant, un joueur peut tenter sa chance pour le solo, obligeant les autres à se liguer contre l’ambitieux. Cependant, si tout le monde joue bien son jeu, une partie relevée se terminera par une nulle à trois, car s’il est souvent possible de réduire la nulle à trois joueurs pour que les participants obtiennent plus de points, chercher à éliminer le troisième joueur pour terminer à deux comporte le risque qu’un des deux joueurs restant se procure un dix-huitième centre au lieu de se contenter des 17 qu’il doit posséder pour la nulle à deux. La prudence exige donc que l’on termine au moins à trois. On le voit donc, le système de pointage influence la façon de jouer. À C-Diplo, seul le nombre de centres compte et les revirements sont nombreux pour ramener les meneurs dans le peloton. Le système de « draw » ou de Calhamer incite plutôt les joueurs à éliminer les autres puissances jusqu’à ce que le nombre de participants à la nulle soit le plus petit possible.
Aussi une question de temps.
Le lecteur attentif aura remarqué que lorsque j’ai parlé du système de C-Diplo, j’ai aussi mentionné qu’il était conçu pour des parties limitées dans le temps. Dans les tournois en France, il est convenu que les parties se termine en 1907. Dans un autre pays cela peut-être 1909, il y a eu des tournois par Internet où la date limite était 1912. Peu importe la date choisie par les organisateurs du tournoi, une partie de C-Diplo est une partie abrégée qui se terminera à une date prédéterminée. À l’opposé, le système de « draw » ou de Calhamer a été conçu pour les parties sans limite de temps. Il est supposé que les parties se terminent lorsqu’un joueur aura atteint 18 centres ou que tous les survivants consentent à signer la nulle.
Tous conviendront que le facteur temps a aussi une influence sur la façon de jouer. Imaginons une partie qui ne comptera pas dans un système de pointage. Il est plausible que la partie se déroulera d’une façon tout à fait différente s’il est prévu qu’elle durera sans limite de temps que s’il est prévu qu’elle se terminera en 1907.
Dans une partie sans limite de temps, les joueurs seront plus sensibles à leur réputation et auront plus tendance à respecter la parole donnée. Un joueur qui ment à tous les deux ans pourra peut-être encore convaincre en 1907, mais il n’aura plus de crédibilité en 1914.
Une alliance qui donne un avantage positionnel et des gains à long terme a plus de chance de se développer dans une partie sans limite de temps. Par exemple, il est souvent long et fastidieux pour l’Italie de s’attaquer à la Turquie, mais cela peut valoir la peine d’éliminer le risque de voir des flottes turques envahir la Méditerranée plus tard dans la partie, si celle-ci dure assez longtemps. Le choix des alliés étant motivé par des objectifs à plus long terme dans des parties sans limite de temps, il y aura plus de chance que les alliances durent plus longtemps.
Le temps d’une partie est un facteur qui influence la façon de jouer. Les longues parties verront des joueurs plus soucieux de leur réputation, une plus grande rigidité des alliances et un manque de revirements. Vous aurez remarqué que c’est un peu les reproches que les défenseurs de C-Diplo font au système de « draw » ou de Calhamer. Il n’est pas facile de départager ce qui appartient au système de pointage et ce qui appartient au facteur temps. Les deux poussant dans la même direction.
Que disent les règles ?
Tout d’abord, il faut dire que les règles ont été écrites pour jouer une partie et que rien n’est prévu dans celles-ci pour établir un système de pointage permettant de comparer le résultat de deux ou plusieurs parties différentes. C’est un peu comme pour le football, les échecs ou le tennis. Il existe des règles pour jouer une partie, mais c’est aux organisateurs de clubs, de ligues ou de tournois à déterminer le système de pointage qui permettra de comparer la performance des joueurs ou équipes dans plusieurs parties différentes. Est-ce que l’on fera plusieurs rondes éliminatoires ? Est-ce que les participants seront regroupés selon leur force ? Y aura-t-il des handicaps ? Ferons-nous des 4 dans 7 ou des 3 dans 5 ? Aux organisateurs de décider selon leurs objectifs. Ceci dit, les règles de Diplomacy ne sont pas complètement silencieuses sur la façon de compter les points. Les règles II et III parlent respectivement de l’objectif du jeu et d’une version abrégée de celui-ci. Dans la règle II que l’on peut lire ci-dessous, on voit que l’objectif à Diplomacy est qu’un joueur possède 18 centres, mais que la partie peut se terminer par consentement mutuel des survivants et que dans ce cas, ceux-ci se partagent équitablement la victoire.
« II. Objet du jeu. Aussitôt qu’une puissance contrôle 18 centres de ravitaillement, elle est considérée comme ayant "conquis le contrôle de l’Europe", et le joueur représentant cette grande puissance est déclaré vainqueur. Les joueurs peuvent terminer la partie plus tôt, par consentement mutuel ; dans ce cas, tous les joueurs ayant encore des pièces sur le jeu partagent équitablement la victoire. »
À ceux qui s’étonnaient qu’une petite puissance d’un ou deux centres participe équitablement à la victoire au côté d’une puissance de 17 centres qui avait passé à un cheveu du solo, A.B. Calhamer a répondu que cela encourageait toutes les puissances à contrer le solo, puisque tous étaient récompensés également si le solo était arrêté. Il précisait que si un joueur jugeait qu’une puissance était inutile pour arrêter le solo, il n’avait qu’à prendre quelques tours de plus pour l’éliminer. Ceci tend à démontrer la préférence de l’inventeur du jeu pour réduire le nombre de participants à la nulle à son plus bas. Cependant, cela n’a pas été clairement établi dans les règles. Tout ce qui est dit dans la règle II est que le vainqueur est celui qui obtient 18 centres ou sinon la victoire est partagée équitablement entre ceux qui ont encore des pièces sur le jeu au moment où les joueurs décident d’arrêter la partie par consentement mutuel.
À strictement parler, il n’est pas dit dans les règles si un solo vaut plus qu’une nulle pour les joueurs qui y participent. Un système qui donne indifféremment un point à celui qui fait un solo ou un point à tous ceux qui participent à une nulle serait compatible à la lettre des règles. Pourtant, de nombreuses entrevues avec l’inventeur du jeu vont à l’encontre de cette idée. Pour lui, l’objectif ultime est de posséder 18 centres et lorsqu’on l’atteint, on doit être récompensé en conséquence. Un système qui donne plus de points pour un solo que pour les participants à une nulle est plus compatible avec l’esprit du jeu.
Le système de pointage de « draw » ou de Calhamer, est parfaitement compatible avec l’esprit et la lettre la règle II du jeu qui met l’emphase sur l’acquisition par un joueur de 18 centres ou sinon le partage équitable de la victoire pour tous les survivants. En donnant 6 points au solo, 2,5 points aux participants à une nulle à deux, 1,33 points aux participants à une nulle à trois, 0,75 points aux participants à une nulle à quatre, etc. sans égard au nombre de centres possédés par chaque participant à la nulle, le système respecte le principe que tous partagent la victoire équitablement en cas de nulle, peu importe leur nombre de centres. Ce qui n’est pas le cas du système de C-Diplo qui donne 38 points de bonus à celui qui a le plus de centres, 14 points de bonus pour le second et 7 points de bonus pour le troisième, entrant en complète contradiction avec le principe de partage équitable de la victoire advenant un arrêt de la partie avant qu’un joueur obtienne 18 centres. Le système C-Diplo ne respecte pas le principe du partage équitable de la victoire pour tous ceux qui signent la nulle. Même s’il rentre en contradiction avec la règle II, le système C-Diplo n’est pas à rejeter pour autant, car la règle III (voir ci-dessous) prévoit une classification différente s’il est convenu au préalable que la partie se terminera avant la fin.
« III. Jeu abrégé. Comme la conquête de 18 centres de ravitaillement peut prendre un temps assez long, les joueurs peuvent convenir à l’avance d’arrêter le jeu à un moment donné. On peut convenir que le joueur ayant à ce moment le plus grand nombre de pièces sur le jeu sera déclaré vainqueur. »
Selon la règle III du jeu abrégé, le vainqueur peut être celui qui a le plus de centres au moment où il était prévu d’arrêter la partie, ce qui est compatible avec le système C-Diplo qui a été conçu pour les parties qui s’arrêtent à une date de jeu prédéterminée. Remarquez que les règles ne font aucune mention de la deuxième ou de la troisième place, mais pour un tournoi où il faut départager plusieurs joueurs, il est logique de classer la deuxième et troisième place selon les mêmes critères que la première, c’est-à-dire, en comptant le nombre de centres. Le système C-Diplo est donc compatible avec la règle III du jeu, soit celle du jeu abrégé.
Où est le problème ?
Les deux systèmes de pointage trouvent leur justification dans les fondements du jeu et tous les deux ont leur place, le premier permet de comparer des parties qui se jouent jusqu’à la fin, alors que le second permet de comparer des parties abrégées qui se terminent à une date prédéterminée. L’organisateur d’un tournoi est justifié de choisir un ou l’autre des systèmes de pointage, selon que les parties auront une limite de temps ou pas. Si pour l’organisateur d’un tournoi qui doit préparer plusieurs parties dans un même jour, il est compréhensible de choisir des parties abrégées utilisant le système C-Diplo, il faut cependant réaliser qu’une partie limitée dans le temps n’est pas une partie complète. Le jeu a été conçu pour se jouer plus loin que 1907. Il manque plusieurs éléments dans une partie abrégée qui se retrouvent dans une partie complète. Un joueur qui ne fait que fréquenter des tournois de C-Diplo ne connaîtra pas le jeu sous toutes ses facettes. J’ai déjà mentionné la nécessité dans les parties complètes d’établir sa réputation et de développer la capacité de bien choisir et de construire des alliances à long terme, mais l’élément qui manquera le plus aux joueurs habitués aux parties abrégées, sera celle d’établir une stratégie qui permet d’obtenir 18 centres, le but ultime du jeu.
Je trouve regrettable que plusieurs excellents joueurs habitués au système C-Diplo refusent de jouer la forme complète du jeu et cela même en dehors des tournois où il n’y a pas de limite de temps qui justifie l’utilisation d’une forme abrégée du jeu. Je comprends que les façons de jouer selon les deux systèmes sont différentes et que le choc est parfois grand lorsque l’on passe d’un à l’autre, mais j’encourage tous les amateurs de C-Diplo à persévérer. Nous tirons une immense satisfaction à développer les conditions qui nous permettent de conquérir 18 centres.
La messagerie électronique nous permet de jouer une partie complète sans avoir l’obligation de la limiter dans le temps, profitons-en pour développer nos capacités à jouer le jeu tel qu’il a été conçu. Les parties C-Diplo auront toujours leur place dans les tournois où plusieurs parties doivent être jouées en un temps limité. Cependant, lorsque vous avez tout votre temps pour jouer une partie par courriel, pourquoi ne pas tenter votre chance pour la conquête de 18 centres ?