Stratégie

Axe Rome-Ankara

L’Axe Rome-Ankara

L'instabilité naturelle d'une alliance Italie - Turquie décortiquée pour vous... 

Publié sur 18centres le mercredi 13 avril 2005, Écrit par David Hood

Pourquoi diable voyez-vous si peu d’alliances italo-turques ? De toutes mes parties, je n’en ai vu qu’une par correspondance et une face-à-face où Italie-Turquie est une alliance significative - et dans les deux cas l’Italie agissait simplement comme une marionnette. Si la Turquie avait souhaité se débarrasser de son partenaire, dans les deux parties, cela aurait pu être réalisé avec peu de dommages pour la position tactique de la Turquie.

A première vue une alliance italo-turque a un certain sens en 1901. Après tout, les deux puissances peuvent se partager les Balkans rapidement, sans les manœuvres navales autour de la Mer Ionienne qui ralentissent habituellement les opérations en Orient. On peut assez facilement empêcher la Russie de s’approcher de Vienne et de Budapest, particulièrement si l’Italie et la Turquie coopèrent dès le début. Plus tard, les flottes anglaises ou françaises demeureront le problème persistant de l’expansion turque, problème qui peut être négocié plus facilement si l’Italie a harcelé la côte française dès 1902. La Turquie peut aussi s’agrandir au nord en Russie, et au nord-ouest en Allemagne, avec la coopération des armées italiennes. L’alliance italo-turque place les forces orientales sur le front occidental très rapidement, puisque les italiens peuvent attaquer la France avec à peu près la moitié de ses unités au début de 1902.

Etant donné tous ses avantages, pourquoi alors la Turquie normalement regarde vers la Russie ou l’Autriche pour un allié alors que l’Italie fait en général la même chose ? "L’Italie et la Turquie sont toutes les deux des puissances navales, aussi se heurtent-elles naturellement pour le contrôle des mers" est la réponse classique. L’Autriche, en tant que puissance terrestre, est un meilleur allié selon cette théorie. Quoique cette vue soit certainement logique, cela n’explique pas tout. Après tout, la France et l’Angleterre s’allient souvent sans faire grand-chose si ce n’est construire des flottes dès le départ - et les deux peuvent être des puissances navales majeures à la fin de la partie.

La vraie raison de la rareté des alliances italo-turques tient à la position stratégique qu’occupe la Turquie. Comme nous le savons tous, les hordes turques doivent aller plus loin que n’importe quelle autre grande puissance pour obtenir dix-huit centres. Elles débutent si loin de la ligne de stalemate qu’il leur faut toute la partie pour la franchir. Puisque les centres nationaux italiens et Tunis sont relativement faciles d’accès par mer pour la Turquie, cette dernière n’est pas habituellement désireuse d’y renoncer en s’alliant avec l’Italie. Ainsi, même si la Turquie commence la partie par une alliance avec l’Italie, celle-ci ne dure pas longtemps car la Turquie trahit pratiquement toujours.

En bref, l’alliance italo-turque est par nature instable. Soit la Turquie trahit, soit l’Italie trahit la Turquie de manière préventive. Résultat, l’alliance italo-turque a rarement le temps d’utiliser ses avantages en perçant à l’ouest plus rapidement que l’Ouest peut mettre en place une défense.

L’exception à cette règle (et la raison pour laquelle j’ai vu deux telles alliances italo-turques tenir la distance jusqu’à la fin de la partie) survient quand la Turquie ne cherche pas une victoire en solitaire. Contrairement à cet adage fallacieux que vous entendez de la part de certaines personnes qui veut que "gagner est le seul objet à Diplomacy", il y a vraiment certains joueurs qui sont parfaitement désireux de renoncer à la victoire et de la troquer contre une égalité à deux à la place. Quand un tel joueur est turc, alors une alliance italo-turque commence à avoir tout son sens, grâce à sa capacité à percer dans l’Atlantique et à forcer l’égalité beaucoup plus rapidement qu’une alliance russo-turque ou austro-turque. Bien sûr, l’Italie doit également être un joueur de cet acabit sinon le danger d’attaques préventives par les forces italiennes sera toujours présent.

L’alliance italo-turque devrait-elle être plus utilisée qu’elle ne l’est actuellement ? Probablement pas. C’est vraiment une alliance inférieure dans la plupart des cas à cause de son instabilité inhérente autour de 1903-1904. Mais que faire quand l’Autriche et la Russie sont réellement alliées, ou que la Turquie fait face à une situation dans laquelle à la fois l’Autriche et la Russie sont des excentriques irrationnels.

Alors un joueur turc prudent approchera l’Italie avec une proposition d’alliance qui inclut un mécanisme explicite pour réduire l’instabilité. La Turquie devra s’en tenir à deux flottes (peut-être trois si l’une est en Mer Noire et y reste). L’Italie devra être encouragée à tenir la Mer Ionienne avec une flotte en appui à Tunis ou en Adriatique. Cela consommera un grand nombre d’unités mais cela vaudra sûrement le coût en terme de stabilité. La Turquie peut laisser une armée à Smyrne plus tard pour assurer sa propre défense.

L’Italie sera encouragée à attaquer la France au printemps ou à l’automne 1902. Seulement une ou deux unités sont nécessaires au début, puisque l’Italie bénéficiera probablement de l’effet de surprise. La Turquie se contentera de la Bulgarie, et de la Roumanie dans les Balkans, puisqu’une plus équitable répartition conduit à des problèmes de stabilité. Rappelez-vous que le nombre de centres possédés par chaque puissance est moins important que la stabilité tactique générale. Avec un peu de chance, les unités italiennes en excès seront loin dans l’Atlantique, trop loin pour menacer la Turquie. Ainsi la Turquie pourra s’asseoir sur huit centres (Turquie, Bulgarie, Roumanie, Sébastopol, Grèce, Moscou, Varsovie) et attendre que l’égalité passe. En cas contraire, alors peut-être Berlin ou Kiel pourront être donnés au Turc ultérieurement. Rappelez-vous également qu’après un certain point, un grand nombre de constructions turques conduit à l’instabilité dans l’alliance puisque l’Italie se sent menacée. La Turquie fera bien de décliner des constructions à moins qu’elles ne soient absolument nécessaires.

En supposant qu’une alliance italo-turque est tant bien que mal requise par la situation sur le plateau de jeu, c’est une des meilleures façons d’agir au sein de l’alliance. Mais de tels cas sont très rares. En général, la coopération italo-turque sera limitée à la participation dans des alliances triples ou des fronts défensifs. Et c’est probablement ainsi que cela doit être.