Stratégie

Les Négociations : Le Bon Allié

Le Bon Allié

Publie sur 18 centres le mercredi 14 juillet 2004, Ecrit par Len Lakofka, Richard Carre 

De nos jours, un nouveau style de jeu commence à apparaitre. C’est le style "bon allié" . A la base, cela correspond à l’attitude, "Je ne mentirai jamais," Donc, si vous avez prévu d’attaquer, vous le dites. Si vous avez annoncé une alliance, vous vous alliez vraiment . Remarquez que cette philosophie n’est pas du type "alliance sacrée," ou bien "cartel d’alliance". Et donc vous pouvez attaquer mais vous devez l’annoncer. Le fait que l’"alliance sacrée" (genre à la vie à la mort) ou l’alliance "bon allié" n’a pas grand chose à voir avec la simulation du monde réel n’empêche pas ces deux styles d’être à la mode.

Diplomacy est une simulation de guerre sur les plans diplomatiques et tactiques. Puisque la simulation ne tient pas compte des aspects économiques et politiques, un pays peut s’allier avec n’importe quel autre. Sur le plan diplomatique, vous essayez alors de créer une atmosphère qui vous permette d’accomplir trois buts : (1) survivre, (2) draw, et (3) gagner. Notez que gagner n’est pas le but premier. Si vous jouez pour gagner (sans avoir préalablement securisé votre position) et que quelque chose tourne mal avec votre alliance initiale, vous avez peut être scellé votre destin.

Au départ, vous cherchez a grossir en prenant habituellement d’abord vos centres neutres et en attaquant ensuite un voisin(s). Une attaque dés 1901 n’est envisageable que si vous avez une connaissance complete et globale des schémas diplomatiques et tactiques (c.a.d., la photo stratégique). Les pays qui planifient une attaque en 1901 ne parviennent souvent pas a survivre jusqu’en 1905 s’ils ont agi seuls ou s’ils ont oublié qu’une alliance de deux pays ne peut en défaire cinq. Aussi, au départ, vous vous déplacez prudemment. Vous établissez des relations avec tous les voisins de votre secteur et au minimum vous vous présentez aux autres puissances. Peut être vous demandez vous à quoi correspondent ces secteurs et même quelles prétentions vous pouvez avoir sur les centres neutres. Developpons - vous dites que c’est ce que vous avez toujours fait ? - et expliquons ces termes.

 (1) Le secteur belge de la carte est formé de l’Angleterre, la France et l’Allemagne. L’Angleterre prend normalement Nwy et a des vues sur Bel. La France prend normalement Por et Spa et a des vues sur Bel. L’Allemagne prend normalement Hol et Den et a des vues sur Bel. Ce dernier intérêt est la clé du secteur et lui fournit son nom. Tout le monde veut la Belgique. Pour la France ou l’Allemagne, la prendre en 1901 pourrait attirer l’attention si cela leur permet d’atteindre 6 centres et ainsi ils peuvent juste éviter cette capture en 1901. L’Angleterre la voudrait en 1901 mais une Angleterre à cinq centres est plus forte qu’une Allemagne ou une France à cinq centres. Nous avons donc un dilemne à la fois diplomatique et tactique dans le secteur belge.

 (2) Le secteur des Balkans est formé de l’Autriche, la Russie et la Turquie. La Turquie normalement gagne la Bulgarie, l’Autriche prend la Serbie et la Grèce tandis que la Russie gagne la Roumanie. Bien que tout le monde gagne quelque chose, ces gains ne sont pas équilibrés. La Russie, la Turquie et l’Autriche ne peuvent tranquillement suivre leur chemin sans se rencontrer. Aussi, deux d’entre eux s’allient habituellement contre le troisième dans le secteur des Balkans.

 (3) Le secteur ibérique est formé de l’Italie et de la France et éventuellement de l’Angleterre. L’Italie obtient Tunis et la France prend Spa et Por. Si la zone est pacifique, les deux pays ont une chance d’expansion. Si la zone est conflictuelle, l’équilibre des forces peut se déplacer dans la direction opposée. C’est parce que l’Italie est la nation qui détient le pouvoir d’influencer l’équilibre entre les secteurs belges et les Balkans. Ces deux secteurs majeurs sont toujours activés (c.a.d., sont le terrain d’un conflit). Donc, si l’Italie décide d’intervenir pour équilibrer une situation dans les secteurs ibériques et belges, deux puissances du secteur des Balkans peuvent en profiter.

 (4) Le secteur ionien est formé de l’Italie, l’Autriche et de la Turquie. L’objet des convoitises est habituellement la Grèce mais la Turquie peut elle même être la cible si ce secteur est activé. L’Italie obtient Tunis, l’Autriche acquiert la Grèce. Notons encore une fois que si l’Italie va en mer Ionienne, ce sont les puissances impliquées dans le secteur belge qui peuvent en profiter. Si en se tournant vers le secteur Ionien ou Ibérique, l’Italie provoque un déséquilibre des forces de trois contre un (la cible est la France à l’ouest ou la Turquie à l’est (et non l’Autriche) ), alors l’Italie peut aller avec la majorité et y gagner (Pourquoi pas l’Autriche ? Il est trop tot pour laisser une alliance entre Russie et Turquie se developper et continuer ensuite en écrasant l’Italie). La situation tactique avantage lourdement cette alliance.

 (5) Le secteur Tyrolien est formé de tous les pays voisins des centres neutres Tyr, Boh, Sil - c.a.d., Russie, Allemagne, Autriche et Italie. Ce secteur, s’il est activé au début, implique presque toujours un abandon de centres pour celui qui l’active dans les secteurs Belgique/Balkans. C’est donc souvent une initiative douteuse. Lorsqu’un pays fait l’impasse sur les centres neutres auxquels il peut prétendre, il joue avec sa vie ! N’abandonnez JAMAIS ces centres sans combattre. Ne faites qu’exceptionnellement l’impasse sur vos centres neutres en 1901 pour activer le secteur Tyrolien - encore que cela soit possible et même rémunérateur si vous avez une connaissance complète de ce qui se passe et avez formé de bonnes alliances.

 (6) Le secteur Scandinave est formé de l’Allemagne, l’Angleterre et de la Russie. L’Allemagne obtient Den, la Russie Swe, et l’Angleterre Nwy. Chaque pays obtient un centre et peut ensuite vaquer à ses occupations pour quelques années. Le problême est de démeler les pieces en Nwy, Swe et Den. Tout le monde a peur de laisser le centre vide mais déteste de gacher une unité à garder la place. Voici un interressant probleme tactico-diplomatique.

Avec toutes ces informations, regardons à nouveau le "bon allié," sachant que nous jouons dans une simulation de guerre, quand un joueur négocie son petit coeur en 1901 sans faire suivre ses négotiations avec des mouvements tactiques conséquents, il a échoué dans la concrétisation des buts qu’il s’etait fixé au cours de ses négociations !

Supposons que la Russie, par exemple ignore la Roumanie, en jouant F(StP)sc-Bot, A War-Sil, F(Sev) H., en affirmant être alliée avec l’Autriche contre la Turquie. Il commet une bourde tactique en (1) ne prenant pas la Roumanie, (2) laissant son "allié" faire face à la Turquie tout seul, et (3) autorisant l’accés à la mer Noire ou l’Arménie … à son "ennemi". Et peut être sera t-il bouncé en Roumanie en Automne 1901. Voyez vous l’incongruité entre les parties diplomatiques et tactiques de l’année 1901 ?? Si ça n’est pas le cas, relisez l’analyse sur les secteurs. Si vous ne voyez toujours pas, vos jours en tant que joueur de diplomacy sont comptés.

Maintenant, poussons plus loin et supposons que vous êtes un "bon allié". Vous allez dire à l’Autriche que vous êtes allié avec lui et à la Turquie que vous allez l’attaquer. D’après vous, combien se passera t-il de temps avant que la Turquie et l’Autriche ne vous attaquent ? Est ce que l’Autriche vous préviendra ? Surement pas si c’est un bon joueur : il ne vous gardera pas comme allié pour incompétence tactique. Quelques "bons alliés" s’offusquent lorsque quelqu’un les attaque sans avertissement. Ce qui les a mis en colère, c’est leur propre erreur, mais ils ne voient pas cela de cette manière. Diplomacy est irrevocablement lié à la tactique. La simulation est conçue comme cela. Si vous vous emmelez les pinceaux en tactique, toute la diplomatie du monde ne vous sauvera pas. Si vous vous arrangez avec ce problème en vous mettant en colère contre votre"allié" qui vous a attaqué, vous n’avez pas compris l’esprit du jeu.

J’ai mis deux fois l’accent sur le mot jeu parce que Diplomacy n’est qu’un jeu. C’est un jeu pour des gens qui aiment réfléchir. C’est un jeu pour des gens qui ont des langues en or tout en sachant aussi commander des armées. Une seule de ces deux conditions n’est pas suffisante. Quand vous êtes stabbé, vous devez vous demander, "’Etait ce un bon stab ? Est ce que je l’ai vu venir ?’" Si la réponse est "oui," alors marquez le à la craie parmi vos expériences. Ne dites pas : "Je ne m’allierai plus jamais avec vous, dans cette partie ou dans une autre." D’abord, cette partie n’est pas terminée, et ensuite, les vendettas ne profitent à personne. Un joueur vindicatif ne resistera pas longtemps car il acquiert la réputation de jouer le joueur et non le jeu. Cette réputation est beaucoup plus préjudiciable que celle d’être un traitre quand cela s’avère correct et nécessaire.

Si la réponse à la question sur le stab est "non," alors vous avez été stabbé par un joueur faible et vous allier avec lui à nouveau ne devrait plus être envisagé pour une longue période. Mon point de vue sur le concept du "bon allié" est qu’il est très éloigné de la manière dont le jeu est supposé fonctionner. Le jeu est conçu pour les stabs. Les règles impliquent clairement que les stabs sont possibles. Vous pouvez dire ce que vous voulez et ensuite faire ce que vous voulez. Jeter aux orties cette possibilité est une folie !

Quand est ce qu’un stab est un bon stab ? Un stab doit avoir au moins l’un des effets suivants : (1) accroitre vos possessions, (2) assurer un draw ou gagner, (3) estropier le pays trahi. Si un stab ne vous donne pas une perspective de gain a long terme, alors c’est presque toujours un mauvais stab. Si vous ne faites que blesser un adversaire, vous n’avez rien accompli.

Un "bon allié" ne peut pas faire de stab parce qu’il ne peut pas mentir. Allez vous habituellement vous battre avec une main attachée dans le dos ? Les meilleurs joueurs stabbent tous pour un draw ou pour gagner. Cela veut il dire que les autres ne s’allieront plus avec eux ? Non. La qualité amène la qualité. Pour vous prémunir contre les stabs, vous devez conserver votre garde haute, ne jamais la baisser. Si votre front arrière est ouvert, Quelqu’un va y pénétrer. Ne le blamez pas pour cela, c’est du à la faiblesse de votre jeu.

Maintenant, soyez sur que cela ne veut pas dire que vous deviez devenir un menteur invétéré. Cela ne marche pas non plus. Dites la vérité autant que possible, en étant candide et évasif si nécessaire. Un des meilleurs outils de l’arsenal d’un bon joueur est l’évasion. Suggérez autant que vous le pouvez sans dire quoi que ce soit. Si vous devez mentir pour accomplir quelque chose, alors soyez sur que le résultat de ce mensonge sera presque certainement la mort du joueur trompé.

Il n’y a rien d’immoral ou de même malhonnête à mentir dans un jeu conçu pour le mensonge : L’une des meilleures manières de jouer consiste à faire s’engager un joueur et le laisser alors seul livré à lui même. C’est comme cela que le jeu est joué. Un "bon allié" est trop préoccupé à rester blanc comme neige et manque des heures de bon jeu. Quand je reçois un stab, je crie et hurle pendant quelque temps, surtout si c’est un mauvais stab. Mais si c’en est un bon, je l’apprécie et applaudit la phase de jeu qui m’a mis en position d’être stabbé. Voila ce qu’est Diplomacy.Vous jouez pour gagner, pas pour être gentil. Les gentils ne gagnent qu’en alliances inter-parties et je trouve cela répréhensible.

Parution originale : Diplomacy World No.11, 1976.