Violence

Étymologie de violence

Le mot violence nous vient du latin "violencia"[1] et du latin de "violentus" [2], issu du verbe "vis" (verbe "volere") signifiant "vouloir", découlant du mot grec "bia" ("βία " [3]) signifiant "la force vitale" ou "la force", "la contrainte" [4].

Pour la mythologie grecque "Bia" ("βία " [5]), dont le nom signifie "la Violence", accompagne toujours le dieu des dieux, Zeus. Son père est le géant Pallas ("Παλλάς ") et sa mère, Styx ("Στύξ "), le fleuve des enfers. Sa sœur se nomme "Niké" ("Νίκη ") la Victoire et ses frères sont Zélos ( "Ζήλος " l'Ardeur) et Cratos ("Κράτος " le Pouvoir [6]).

L'adjectif "violent", ainsi que le verbe "violer" nous vient du latin "vis", qui désigne d'abord "la force en action" [7] .

Le pluriel latin de "vis" est "vires" et désigne lui, concrètement les forces physiques et, en particulier les forces militaires.

Ce verbe latin "Vis", à partir de Cicéron, traduit une part du sens du mot grec "dunamai" ("δύναμαι") ou "dunamis" (“δύναμις”).

Ce "Dunamis" Grec est le pouvoir, au sens de la volonté de faire…, mais aussi "vertu, valeur, abondance, essence ou caractère essentiel d'une chose ou d'une personne".

Le latin "Vis" est ainsi intimement lié à l'idée même de la vie, à la force vitale qu'est le "bios" ("βίος [8]") grec

Le "vis" latin est également la seconde personne du verbe "volo" [9] , "vouloir" dont l'infinitif en latin est "volere".

[La racine du latin "volo" (d'infinitif latin "volere") vient de la souche Sanskrit "var" ("choisir") qui donnera le Grec "Boulomaï" ("βουλομαι", vouloir)].

Notons que le mot "vouloir" issu du "voluntas" latin donnera la "volonté" et au moyen âge le "Veuil" qu'utilise Clément Marot [10] qui traduisit cette oraison dominicale depuis la langue de Guillaume (Rédigé en l'an 1087) [11] :

Rédaction en l'an 1087 Clément Marot Langue actuelle

Avienget li tuus regnes Advienne tost ton sainct regne parfaict Que ton règne vienne
Seit feite la tue
voluntet Ton veuil en terre Que ta volonté soit faite
si cum en ciel et en la terre ainsi qu'au ciel soit fait
[12] Sur terre comme au ciel

En latin"accusare aliquem de vi" est "accuser quelqu'un de violence", et "hospitali caede dextram violare [13] " est "souiller son honneur du meurtre de son hôte", ou d'une autre façon "se souiller les mains du meurtre de son hôte".

En Grec la "violence", est dans le fait une "intensité extrème" ou encore un "abus de force" traduit pas le mot "bia" (βία [14]), signifiant "activité vitale, force vitale" qui donnera en retour le latin "vis" (ou "volo", le verbe vouloir).

Pour Platon "upo bias"("υπό βίας ") signifie "avec l'idée de colère, de mauvais traitement" , exposant -dans la république- la conséquence l'éducation sous containte :

"οὐχ ὑπὸ πειθοῦς ἀλλ υπὸ βίας πεπαιδευμένοι διὰ τὸ τῆς ἀληθινῆς..." ([15])
[(à élever les enfants) non par la persuasion mais par la contrainte…]

Faire "violence" en grec, est "biadzomaï"[16] ("βιάζομαι "), signifiant "violer en utilisant la force", ou "utiliser d'infâmes procédés" ou encore le verbe ("βιάζω " [17] ) "biadzo" qui signifie "user de la force".

Et le "violent", ou "celui qui agit avec force" est "Biaio" ("βιαω"[18]).

Ce "bia" grec est à la fois la "force vitale", de même racine que le "bios" grec qui signifie la vie,

mais aussi la "tension de l'arc" et que les linguistes rattachent au mot Sankrit "jiya"[19],
("la prédominance") lui même initiant un terme qualifiant la violence de l'ampleur d'un arc bandé : le "
sinus" [20], un terme dont s'empareront les géomètres.

En Grec "violent" est "biasmos" ("βιασμός " [21] et "violer les lois" ou "violer le droit" est "parabaïno" ("παραβαίνω " ou "παρα-βαίνω "), qui signifie "avancer contre" au sens de "outrepasser" la loi, "enfreindre", "trangresser"

[Noter que "vouloir" en grec se dit "boulomaï" ("βούλομαι "[22] au sens de la volonté délibérée, du désir,
de ce qui est réfléchi. En effet le mot "boulé" ("
Βουλή ") est la volonté, mais aussi un conseil et désigne
une assemblée délibérante
[23]]

Le "Dictionnaire étymologique de la langue Grecque" définit :

- "Bi" : Nous avons vu que le primitif "he", existence, être se prononça "hei", "vei"
et qu'on en fit "vis", la force, et "vi" la vie, l'existence animée
[24].
- "Βια" la force, violence, en latin "vis" Ici, le "a" n'est qu'une terminaison,
le mot primitif est "bi".

En Français le mot violence est un emprunt au latin classique "violentia" [25] qui désigne un "caractère emporté, farouche, indomptable", et, en parlant du vent ou d'un vin, une "force violente", dérivé du latin violentus.

Au XVI e siècle, le mot se dit de l'abus de la force pour contraindre, en particulier dans "faire violence à quelqu'un" qui sera repris dans le dictionnaire de Académie [26].

Violence s'emploie en parlant de l'effort que l'on fait sur soi, en particulier dans l'expression "se faire violence", et est également "la force dont on use contre le droit commun, contre la liberté publique, on dit "faire violence à la loy" [27]

Il désigne aussi, par métonymie et d'abord au pluriel, un "acte brutal" : "un acte de violence".
De là l'emploi sortit d'usage pour "viol",
[28] "violer une femme" c'est à dire "la violer".

Je me suis fait violer, j'ai été violée

Au lieu de dire "j'ai été violée" nous en entendons souvent la forme amoindrie "je me suis fait violer".
Cette forme pronominale ("je me suis…") amoindrit ce crime qu'est le viol, et au lieu d'en combattre l'infamie, cette forme du propos en tronque la « violence ».

En Grec encore le terme "Biao parthenon" ("βιάω παρθενών ") est "ravir", ou "violer une jeune fille" où le verbe "violer" est employé à la forme strictement active comme dans l'expression "j'ai été violée".

Notons que, comme nous le faisons de nos jours, l'utilisation de la forme pronominale atténue fortement le sens du mot. Ainsi, dire "je me suis fais violer" au lieu de "j'ai été violée" dénote à la fois une honte inavouée associée, par cette forme réfléchie, à une déplorable tolérance envers ce crime qu'est le viol !

Nos cousins outre manche utilisent pour le "viol" non pas le mot "violation" ou "violence" dont l'usage est juridique, mais le mot "rape" [29], (du latin "rapere" [30]) qui signifie "emporter avec soi" au sens du mot grec "arpadzo" ("ἁρπάζω "[31]) enlever de force.

La violence d'une passion, la violence totalitaire

"Violence" s'applique également à un sentiment ("la violence d'une passion") ou à un phénomène ("la violence d'un ouragan") d'une particulière intensité ainsi qu'au langage, avec la valeur de "caractère excessif"[32] .

Au sens anthropologique, la violence voit son sens évoluer au vu de son analyse par

Marie-Louise Martinez [33] . "Le sacrifice du tiers soude le consensus des communautés culturelles archaïques et signe encore aujourd’hui les identitarismes sectaires ou la violence totalitaire" [34].

Pour Emile Littré la "Violence est "la qualité de ce qui agit avec force", et cite Pierre Corneille

dans "Héraclius" [35] :

- La violence est juste où la douceur est vaine"

Et Blaise Pascal " dans les Provinciales [36], cité par Emile Littré [37]

"je vous le redis encore, la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre"


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(29 mars 2010 , 27 juillet , 10 octobre , 11 mars 2011, 12 janvier 2012, 16 mars 2016 ; 10 mai 2021 ; 10 oct. 2022)
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Notes et références :

[1] Dictionnaire Erudit de la langue Française, violent, violence, page 2012 colonne I.

[2] Émile Gaffiot page 1680 colonne II. Violentus (vis) : violent, emporté, de caractère, impétueux.

[3] Anatole Bailly, dictionnaire Grec Français, Hachette seizième édition 1950, page 358, colonne I.
"Bia" ("βια") en grec désigne "la force vitale", la force du corps et la vigueur et la "Force" ou la "Violence"
personnifiée. "Bia" a un sens différent du mot grec "Bios" (Anatole Bailly page 360 colonne I) qui désigne
"la vie, au sens de l'existence.

[4] Dictionnaire Français grec Alexandre, Planche et Defauconpret, page 983 colonne I

[5] Dictionnaire de le Mythologie Grecque et Romaine. Pierre Grimal. Presse Universitaires de France,
14
e édition, page 65 colonne II

[6] En grec "cratos" (κρατος, Ibidem, Anatole Bailly page 1132 colonne III) est la "force du corps",
la "domination", la "puissance".

[7] Felix Gaffiot, page 1683, colonne II, Vis: Force, vigeur.

[8] Le bios grec, outre la vie désigne également la corde de l"arc et peut être le jiya sankrit qui donnera le sinus

[9] Notons qu'en latin "volo" possède trois sens.. Anatole Gaffiot page 1690-1692.
Volo est :
(1) le verbe voler, aller et venir rapidement.
(2) le verbe vouloir, désirer, souhaiter, et
(3) Volo est un esclave racheté par l'Etat et incorporé dans l'armée.

[10] Clément Marot (Né en 1795) "Oraison Dominicale", cité par Gilles Ménage dans son dictionnaire
étymologique page 217: colonne II : veuil

[11] Histoire de la littérature française. Tours A Mame et Compagnie 1851. Par D. Saucié. Oraison Dominicale,
page 42

[12] Traductions faite de Clément, fils de Jean Marot :

[13] Tite Live, 25, 18 Combat de Crispinus contre Badius "ne hospitali caede dextram violet" "il ne voulut pas
se souiller du meurtre de son hôte" (William Heineman Cambridge, harvard university 1940)

[14] Anatole Bailly, dictionnaire Grec Français, Hachette seizième édition 1950, page 358 colonne I

[15] Platon, la république, livre 8, 548b

[16] Dictionnaire Français Grec Alexandre Planche page 983

[17] Anatole Bailly(Hachette © 2000 , Edition 1962) page 358, colonne I

[18] Anatole Bailly ibid. page 359 colonne I.

[19] Violences et Souffrances à l'Adolescence Psychopathologie, psychanalyse et anthropologie culturelle,
Gérard Pirlot. L'Harmattan, 2001, page 27

[20] Anatole Bailly (Hachette © 2000 , Edition 1962) page 358 colonne I. Bia : la force vitale, la force du corps,
emploi de la force, violence. Confère le sanskrit jya jiya d'où il ressort que la racine commence par une
labio-vélaire.

[21] Ibid. page 358, colonne III

[22] Dictionnaire anatole Bailly, ibid, page 372, colonne III : vouloir, consentir,

[23] Anatole Bailly page 372 colonne II

[24] Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne considéré dans les origines Grecques ou
dictionnaire étymologique; Neuvième livraison. Par Monsieur Court de Gebelin à Paris rue Poupée. 1782.
page 218.

[25] Dictionnaire Etymologique de la Langue Française Le Robert

[26] Dictionnaire de l'Académie Française, première édition (1694)

[27] Dictionnaire de l'Académie Française ibid

[28] Distionnaire de l'Académie Française 1694 : On dit, Violer une femme, pour dire : La prendre à force.

[29] Dictionnaire Merriam Webster 1949 page 701 colonne I "illicit carnal knowledge of a woman without her
consent".

[30] Felix Gaffiot page 1311 colonne II Rapio, rapere : entraîner avec soi, enlever de force.

[31] Anatole Bailly, page 273 colonne II Arpazo : enlever de force, saisir à la hâte, saisir quelqu'un par le
milieu du corps.

[32] Nelly Derabours , Soin, étude et recherche en psychiatrie.

[33] Marie-Louise Martinez, "Approche anthropologique de la violence à l’école et dans le sport"
in Bernard Gaillard. (dir.) : "Les violences en milieu scolaire et éducatif, connaître, prévenir, intervenir",
Presses Universitaires de Rennes II, 2005.

[34] Marie-Louise Martinez, Frédéric Poydenot. Education Relative à L’environnement, Vol. 8, 2009

[35] Phrase de Crispe (Acte I scène 1) de Heraclius par Pierre Corneille (1646) Il faut agir de force avec de tels
esprits, Seigneur, et qui les flatte endurcit leurs mépris ; La violence est juste où la douceur est vaine.

[36] Blaise Pascal Les Provinciales, lettre 18 : "Je vous l'ai dit ailleurs, & e vous le redis encore, la violence &
la vérité ne peuvent rien l'une fur l'autre"

[37] Émile Littré: Dictionnaire de la langue française (1872-1877)