Martyr

Etymologie de martyr

Terme du XIe siècle, emprunté au latin chrétien "martyr [1] .

En grec le mot "marturos" ("μάρτυρος ") [2] est le témoin et le témoin (martus, μάρτυς ) de Dieu.

Noter que le latin utilise le terme de "testis" pour désigner le "témoin"[3] ou celui qui atteste, par opposition à celui qui "regardait" le "spectator".

Emile Benveniste note que :[4]

Autre terme latin lié à la pratique juridictionnelle, "arbiter" désigne, curieusement,
à la fois le "témoin" et 1' "arbitre".

Emile Benveniste remarque à propos du "superstitio", terme latin qui est vu au contraire du "religio" :

Celui qui est doué de facultés divinatoires
n'est pas aux yeux des Romains un "témoin"
de la divinité comme le sera le "martyr" chrétien.
[5]

Jean Chrysostome :

"του μαρτυριου στεφανων" [6] Tou marturiou stéphanon la couronne du martyre

"νέφος μαρτύρων " [7] "nephos marturon" une nuée de témoins, ou
une foule de témoins.

En ce sens le mot "marturos" est employé ici [8] pour désigner ceux qui "à son exemple ont montré la force et l'authenticité de leur foi en le Christ en subissant une mort violente".

Le dictionnaire étymologique de la langue Française [9] donne Martyr comme issu du grec "Martur", plus fréquemment "martus", témoin, d'où témoin de dieu.

Dans la vie de Saint alexis [10]

"Sainz Boneface que l'um martir appelet, Aveit en Rome une
eglise moult bele"
[11]
[Saint Boneface que l'on nomme martyr, avait en Rome une Eglise de grande beauté]

Ce même dictionnaire trouve en ancien Français "martre", d'où "montmartre" de "mons martyrum" en souvenir de Saint Denis et de ses compagnons.

Chanson de Roland (en l'an 1080) verset 965 :

"Li dure pers sunt remés en martire" [12]
["Les douze pairs sont restés pour leur martyre"]

Ce lai de la chanson de geste, qui conte les exploits de Roland, ici dans le vers 965, utilise le terme Martirie, au sens de massacre, de martyre.[13]

Jean Boccace dans le Decameron, utilise le terme "martirer" dans la troisiesme journée [14] :

Et en se retournant devers eux tous, leur dist :
"Qui l'a fait, si le taise, et qu'il n'y retourne plus :
allez-vous en tous".
Un autre les eust voulu mettre en la gehenne[15],
martirer,
examiner et interroger
[16].

La traduction, non litterale, de ce passage du Decameron de Jean Boccace par Sabatier de Castres donne [17]:

"Que celui qui vous a tondu garde le secret et qu'il n'y revienne plus,
s'il ne veut perdre la vie dans les supplices. Après ces mots il ordonna
à tout le monde de se retirer.
Un autre que lui eut peut-être mis
tous les palefreniers dans les fers et dans les tortures
pour découvrir le coupable…

Au sens ou l'emploie Jean Boccace "martire" ou "martiré" est l'action de martyriser et désigne le résultat de l'action de la "géhenne", lequel est le travail du bourreau.

Ce sujet emprunté à Boccace sera reprit par Jean de la Fontaine dans la fable "le muletier" ou l'histoire du roi Agiluf époux de la reine Teudelingue la Belle.

Le "martyre" est la torture de :

"cil juige qui martyre aucun à tort, li martyres de celui qui est livré à martyre
est tost passez (la Thaumass, dans le cout. D'Orléans, à la suite des assises
de Jérusalem page 469)
[18]

Au XIe siècle, martirie : Emprunté, par l'intermédiaire du latin chrétien martyrium [19] , de même sens, du grec marturion, "témoignage, preuve".

XIIe siècle, martirizier. Emprunté du latin médiéval martyrizare [20] , sigfnifiant "livrer au martyre".

XIXe siècle : Martyrium : du latin chrétien.Crypte ou sanctuaire abritant le tombeau ou les reliques d'un martyr.

Le Martyr consommé et le martyr avéré

Et si le terme "martyr" est utilisé dans le sens de où l'indique le dictionnaire de l'Académie "mourir en de grandes douleurs"[21], ou encore pour désigner celui "qui a souffert la mort pour la défense de la foi" [22] le sens de "sanctification" n'est pas attesté.

Toutefois on distingue[23] la "martyr concommé" et le "martyr avéré". Le martyr consommé (marty sonsommatus) est celui qui a souffert la mort pour cause de la vraie Religion.

Le martyr avéré (martyr vindicatus) est celui qui a été reconnu pour "martir" par un jugement canonique, en consequence duquel l'Eglise lui a décerné un culte public.

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(16 août 2010; 07 mars 2011 ; 26 avril 2021; 06 sept. 2022)
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Notes et références :

[1] Dictionnaire Felix Gaffiot page 952, colonne II : Martyr

[2] Anatole Bailly, page 1228, colonne II. Marturos : témoin, protecteur.

[3] Nouveau Dictionnaire Français Latin , Le Normand Père, Paris 1824. Par François Noel
page 947, colonne II: Témoin.

[4] Emile Benveniste. Editions de Minuit 1969. Le vocabulaire des institutions indo Européennes
tome 2. Chapitre 3 : Ius et le serment à Rome, page 111.

[5] Emile Benveniste. Editions de Minuit 1969. Ibid tome 2. Page 275 sous paragraphe d)

[6] J. Chrysotome, Discours contre les juifs (chapitre 8)

[7] Bible de Jérusalem Hébreux 12 , 1 , " enveloppés que nous sommes d'une si grande nuée de
témoins…"

[8] Source "Novum Testamentum Graece", Nestle-Aland 26th edition, © 1979,
Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart; et "the Greek New Testament", 3rd edition
© 1975, United Bible Societies, London.

[9] Dictionnaire etymologique de la langue Française Larousse 2005. Page 597 colonne II

[10] Le manuscript daterait du Xe siècle, le nom du copiste, Endura, est autrement attesté
entre 924 et 972 en tant qu'écrivain, témoin, abbé.

[11] La vie de Saint Alexis, edition critique de Mauricio Perugi Droz Geneve 2000. Page 189, vers 114.
Maurizio Perugi indique que c'est en 1889 Amiaud qui a publié la légende syriaque de
l'anonyme "homme de Dieu" : né et élevé à Rome (c'est à dire Constantinople), page 12
paragraphe 1.1.

[12] Dictionnaire Curne Sainte Palaye Tome VII, page 294 colonne II.

[13] La Chanson de Roland. Edition Critique de Cesare Segre, traduite de l'Italien par Madelaine
Tyssens. Glossaire : martirie page 362, Glossaire établit par Bernard Guidot.
Edition Droz Geneve 2003.

[14] Antoine le Maçon, Decameron, troisiesme journée (Neifile) Nouveau deuxiesme, Dillaye II 66

[15] Dictionnaire godefroy volume 4 page 250 : le Gehenneur est celui qui donne la
question, le bourreau.

[16] Dictionnaire Godefroy volume 5, page 189 colonne II: Martirer

[17] Le Decameron troisiesme Journée. Traduction de Jean Boccace par Sabatier de Castres.
Paris Editeur Lavigne 1842, Page 130

[18] Ibid Saint Palaye page 295 colonne II

[19] Félix Gaffiot, page 952, colonne II : martyrium : martyre, lieu où un martyr est enseveli,

[20] Dictionnaire medieval latin Français / Anglais Jan Frederik Niermeyer, Dr C. van de Kieft. Page 658.

[21] Dictionnaire de l'académie, A Paris 1694, Chez la Veuve Jean Baptiste Coignanrs.
Tome deux, page 93, colonne II mourir.

[22] Dictionnaire de l'Acad"mie ibid, page 30 colonne I : Martyr.

[23] Dictionnaire de Pierre Michelet, Lyon 1759 Tome second, page 601. Colonne I : Martir ou Martyr.