Connaissance


Étymologie de connaissance

Nous vient du latin "agnoscere", issu du grec "gignosko", qui donnera au moyen age la "conoisance", puis "connoissance" et "connaissance".

La "connaissance" Grecque : Le radical Sanskrit "jan", et le "gignosko" :

La racine de l'ancien Perse et l'Avestique "xsna"[1] donnera le radical sanskrit "jna" et le mot"janati" qui signifie "connaître", "prendre connaissance".

La "SivaJnana" ("Siva-Jnana") est la philosophie de la "gnose" révélée par Siva dans un Agama [2].


La racine sanskrit "jna", dont est issu le mot "janati" donnera la racine proto indo européenne "gno" qui signifie "connaître" qui donnera le "gignosko" grec, puis le latin "gnosco" qui evoluera en "nosco" et donnera plus tard l'anglais "to know" [3].

Le latin "nosco [4] " correspond à la forme archaïque de "gnosco", mot venant lui même du grec "gignosko" ("γιγνωσκω" [5]) qui signifie "apprendre à connaître", "se rendre compte".

En latin la racine "nosco" donnera "agnosco" (adgnosco, adnosco composé de ad "avec", et du radical nosco), agnoscere, agnovi, agnitum qui signifie connaître, voir, concevoir, comprendre.

Le "nosco" des latins : "adnosco" (comprendre) et le "cognosco", connaître

Les formes latine dérivées de la racine "nosco" comme "agnosco" et "adgnosco" voient ainsi la forme du "ad" précédent le "gn" évoluer par assimilation des lettres par perte de la lettre "d" : adgnatus devient ainsi agnatus et adgnosco [6]devient agnosco.

De la forme latine ancienne de "gnosco" se forme donc des composés comme "agnosco" ("adnosco"), signifiant comprendre, apprendre, "cognosco ", prendre connaissance, connaître "recognosco" se rappeler, reconnaître et "agnitum" et "cognitum" (au temps latin supin), saisir, avouer, "ignosco", pardonner, "dignosco", distinguer et "internosco", discerner.

Naître et connaître : deux mots différents issus de deux souches différentes

Même si le rapprochement de (connaître) "co-naître" avec "naître avec" est tentant, cela demeure un simple jeu de mot utilisé parfois en théologie et repris, par exemple, par Paul Claudel (1904) [7]. En Effet "naître" vient du latin "nascor", et "connaître" vient du latin "noscere".

Notre verbe "naître" vient du verbe latin "nascor" qui signifie naître (voir agnat)

La souche "nosco" (d'infinitif "noscere") latine signifie "familiarisé avec", "être informé" par soi même.

Le parfait de "nosco" signifie "je connais".

La "connaissance" et la "gnose"

Le dictionnaire Etymologique Gilles Ménage donne ainsi la définition de gnostique : [8]

"Du grec "γνωσικος" ("gnosikos") qui singifie connoisseur, savant intelligent;

du verbe "γιγνωσκω" ("gignosko") connoître.

Les Gnostiques, anciens Hérétiques, adoptèrent ce nom, parce qu'ils

prétendoient avoir seuls la véritable connaissance du Christianisme…

Il y eut d'autres Sectaires appellés "Gnosimaques", ("Γνοσιμχοι")."

Le grec "gnosis" ("γνωσις") signifie la notion, la connaissance et pour Platon, est la science, la prudence, la sagesse.

Pour Platon le "gnostiké" ("γνωστικη") est ainsi la faculté de connaître ou l'art de connaître par opposition au "pratiké" ("πρακτικη [9]")

En latin la "gnostice" [10] est la faculté de "connaître" qui nous vient du grec "gnostiké [11] " ("γνωστικη") qui concerne l'action de connaître", pris au sens de "épistémé" et l'action pris au sens de "dynamis".

[Nota :
Le grec "épistémé" ("επιστημη
[12]") est pris ici comme étant la "science", ou ce qui est connu, et le terme "dynamis" "δυναμις [13]" est vu ici comme étant la puissance sous jacente et non comme l'acte proprement dit ou "ergon" qui désigne lui, l'oeuvre ou l'ouvrage. ].

De la "cunoisance" du moyen age

Dans la chanson de Roland le mot "cunoisance" désigne les "armoiries" peintes sur les boucliers (les écussons) permettant ainsi de connaître le baron qui les porte.

Ceintes espées Franceises e d''Espaigne,

Escuz unt genz de multes cunoisances, [14]

Puis sunt muntez, la bataille demandent

Ce passage traduit par Adolphe d'Avril nous nous donne "conoisances" comme étant des blasons peints sur les boucliers permettant d'identifer les chevaliers qui les portent.

Traduction de monsieur Adolphe d'Avril (publication 1865)

Portent l'épée espagnole ou française

Nobles ecus, avec devises peintes

Ils sont montés, demandent la bataille [15].

Ce même passage Traduit par François Génin spécialiste de la langue au ministère de l'instruction publique traduit ces " cunoisances " par des "écus peints de divers symboles" dont le rôle est, comme indiqué plus haut, de reconnaître les chevaliers :

Traduction de François Génin (1850):

Au flanc l'épée Françoise ou Espagnole

nobles escus peints de divers symboles;

Ils montent à cheval demandant la bataille [16]

Dans la chanson de Roland le vers 724 nous donne "conoisance" comme étant ce qui convainc :

"Truvee li unt le num de Juliane :

Chrestiene est par veire [17] "conoisance"

S'agissant du prénom de la reine d'Espagne, la traduction de François Guénin donne pour ce vers, la traduction suivante :

"Ils lui ont mis le nom de Julienne,

elle est Chrétienne et d'un cœur convaincu [18]".

Ce même passage est traduit par notre mot "connaissance" par Adolphe Avril :

"On lui trouva le nom de Julienne

Chrétienne elle est, vraiment par connaissance."

Le dictionnaire de la langue d'oïl donne "Cunoisance" comme "conostre" prendre connaissance, reconnaître, avouer, faire conaissant, de là conixance, et connaissance, cuncisance : banière, pennon, armoiries [19] et en liste les synomymes : Conostre, cunustre, conoistre, cunnuistre, conuistre, conustre, cognoistre, congnoistre, cougnoistre, quenoistre.

Le dictionnaire Emile Littré [20] fait référence à "conoisance" :

Citation de "Roncisvals [21]" page 134 : [22]

"Ronc. Dix mille [ils] sont à une conoisance [blason]"

Cette citation de "Roncisval" (ou Chanson de Geste) complétée est :

Dis mile sunt à une conoisance [23]

Cors ont ben fait, et fière contenance,

Les ches floriz, meinte barbe i ont blance;

Une autre version [24] de la Chanson de Roland écarte la terme de "conoisance", cette armoiries, (ou "montre[25]") que l'on exibe, des barons de France :

La disme eschele est des baruns de France,

[Cent milie sunt de noz meillors cataignes;]

Cors unt gaillarz e fiere cuntenances,

Les chefs fluriz e les barbes unt blanches,

La traduction par François Génin :

La dixième cohorte des barons de France

Cent mille y sont nos bons capitaines

Grand corps gaillard et fière contenance

La barbe blanche et la tête fleurie,

Ces mêmes vers sont donnés comme modifiés par les rajeunisseurs qui, en copiant ce couplet ont arrangé ces vers à leur mode:

La dime eschelle [26] est de barons de France

Dis mille sont à une connoissance [27]

Roman de la rose (vers 1610 et suivants):

Ceste fortune que j'ai dite, Cette fortune dont j'ai parlé

Quand avec les hommes habite, Quand elles tient les hommes

Ele troble lor congnoissance, Trouble leur raison

Et les norrist en ignorance. Et les entretient dans leurs illusions

Roman de la Rose (vers 4279 à 4 284)

Or te demostrerai [28] sanz fable [29] "Et je te démontrerai sans discours

Chose [30] qui n'est point demostrable [31]; ce qui n'est pas démontrable,

Si sauras tantost sanz science, et bientôt sans expérience

Et conoistras sans conoissance tu prendras sans preuve

Ce qui ne puet estre seü [32], ce qui ne peut être, sur ce sujet

Ne démostré, ne congneü [33]. ni démontré ni connu ".

Le dictionnaire Godefroy nous donne pour "Gongnoistras", une forme de "conoistre" au sens de reconnaître, avouer, confesser.

Ce même dictionnaire note que le mot "conoison" est l'action de connaître, et indique que ce mot n'a été rencontré que dans un texte du Nord de 1635.

Et "Connaissable", "connaissauble" ou encore "connissavle" est ce qui peut être connu, qui porte un signe de reconnaissance, cognoseance.

"Li ars d'amour, de vertu et de boneurté"

Ce poème "Li ars d'amour, de vertu et de boneurté" de Jean le Bel, date des alentours de 1370

"…de l'ame après le mort ne nous sut mie bien connissable

et ce est mout espoentable…[34]"

La connaissance, éduquer et "être montré"

La "montre", (ou "monstree")au sens de ce que l'on montre est l'éducation au sens de "recevoir une bonne éducation", recevoir la connaissance, la raison,sens que l'on retrouve dans le roman de la Rose.

André Maurois, dans la préface des Contes Normands de Jean Gaument et Camille Cé :

"Le grand oncle Casimir dit de son neveu, collégien : « Tu es bien montré…

Si j’avais été montré comme toi… » Cela veut dire : « Tu reçois une bonne

éducation…". [35]

Monrer ou "monstree" est l'action de faire voir, de faire savoir. Au moyen age la "monstrée" [36] est un acte demandant à un Vassal d'exposer ses biens à fin d'inventaire, (afin de les connaître). Ce terme deviendra plus tard "l'aveu" ou le "dénombrement".

Le "connaisseur" et le "connaissement" d'Outre Manche.

En Angleterre le "connoisseur" est celui qui est informé de, celui qui par sa compétence sur le sujet peut donner son avis. Il s'agit là de notre "connaisseur", ou critique".

L'Anglais "Knowledge" ou le verbe "to know" est issu, via l'ancien Anglais "cnawan", issu lui même comme le verbe français "connaître" du latin "gnoscere" et des racines grecques "-gno" venant du Sankrit "Jna" comme indiqué ci dessus.

Notre terme de "connaissement" est lui un titre administratif que les Anglais nomment le "bill of lading[37]". Ce titre est remis par le transporteur maritime au capitaine avec les marchandises que son navire doit véhiculer.

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(10 déc. 2010, 11 mars , 9 oct, 11 janv. 2012 , 14 mars 2013; 09 sept. 2020 ; 14 fév.; 23 avr. 2021; 06 sept. 2022)
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Notes et références :

[1] "Historical Grammar of the Ancient Persian Language". Edwin Lee Johnso "Bibliolife,
copyright 1917, Page 50

[2] Dictionnaire Sanskrit Français Gerard Huet Mai 2010. Page 478 colonne II.

[3] Ibid, Dictionnaire Sanskrit Gerard Huet Mai 2010. Page 197 colonne I

[4] Felix Gaffiot, page 1038 colonne I : Nosco : Apprendre à connaître, examiner, étudier, reconnaître

[5] Anatole Bailly page 404 colonne II "γιγνωσκω" ("gignosko"): apprendre à connaître, comprendre, se faire
une opinion, chanter, célébrer.

[6] A latin grammar de William Gardner Hale et Carl Darling. Publication originale de 1903. University of
Alabama Presse 1966. Page 25

[7] "Traité de co-naissance au Monde et de soi-même" (Source : Guyard Marius-François.
"Claudel et l'étymologie".
Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1959, N°11.).

[8] Dictionnaire Etymologiques Gilles Ménage, Paris Briasson 1750, Tome I page 681 colonne I

[9] Anatole Bailly page, Praktikos (πρακτικos) : porté ou propre à agir. "praktiké" ("πρακτικη") est, pour
Platon la science pratique en opposition a la science spéculative, le "Gnostiké" ("γνωστικη") ou le
"Théorétiké ("θεωρητικη").

[10] Félix Gaffiot page 717, colonne II Gnostice : faculté de connaître, entendement.

[11] Anatole Bailly, page 412 colonne I, Gnostikos - γνωστικος : qui concerne l'action de connaître, apte à
connaître, capable de connaissance.

[12] "épistémé" –"επιστημη

[13] Anatole Bailly, page 542, colonne II dynamis"–"δυναμις" : Puissance c'est à dire la faculté de pouvoir.

[14] Chanson de Roland texte critique de François Génin. Paris imprimerie nationale 1850.
Dans le chant IV (vers 695)
Page 435 : On appelait les
connaissances de l'écu les figures symboliques ou autres qui y étaient
peintes et qui, servant à faire reconnaître les chevaliers masqués par la visière de leur heaume,
devinrent plus tard les armoiries.

[15] Chanson de Roland, traduction de Adolphe d'Avril. Paris Librairie Veuve Benjamin Duprat, 1865.
Page 156.

[16] Chanson de Roland, Poeme de Theroulde. Traduction de François Génin.
Paris Imprimerie Nationale, 1850. Page 257. Chant IV, vers 695.

[17] Veire : vrai

[18] Page 332 Traduction de François Génin.

[19] Grammaire des dialectes français aux XII et XIII siécles. M G.F. Burguy. P Schneider et comp.
Berlin 1856 page 85

[20] Émile Littré Dictionnaire de la langue Française (1872-1877) Connaissance

[21] Bataille de Roland à Roncevaux, ce poéme, Roncisvals, aurait été composé au XIIIe siècle
quelques dizaines d'années après le poème de Turold ou Theroulde -Source Roland Furieux,
par A Mazuy, Paris 1839, F. Knab rue des Grand Augustins. Page 21.

[22] Roncisvals, par Jean Louis Bourdillon. A Paris, Treuttel et Wurtz, 1841. Page 134.

[23] Ibid Roncisvals. Page 134.

[24] Ibid : La chanson de Roland: poëme de Theroulde. Par François Génin. Page 257, chant IV.

[25] Montrer, se dévoiler, se faire connaître

[26] Eschelle ou eschielle est un corps de troupe (source "La chanson de Roland par Francisque Michel d'après
les manuscripts de la bibliothèque Bodleienne à Oxford, et de la bibliothèque impériale.
Paris Firmin Didot 1869". Page 262 vers 9736 Roman de Roncevaux)

[27] Ibid : La chanson de Roland: poëme de Theroulde. Par François Génin. Page 435

[28] Démonstrer, demoustrer, démostrer : Démonterai, montrerai (dictionnaire Godefroy volume 2
page 501 colonne II)

[29] Fable, fauble : parole, discours (Dictionnaire Godefroy volume 3 page 691, colonne I)

[30] Chose ; chose que : quoique ; Chose se dit aussi de personnes, cose (dictionnaire Godefroy volume 2 page
129 colonne I)

[31] Demostrable, demostrer

[32] Seü : l'objet, le sujet qui ne peut être connu

[33] Congneü : connu. Poème de Guillaume de Machaut dans la Ballade de ceux qui ont perdu leur
temps en amour : Certainement, se j'eusse congneü : Certainement que si j'avais connu

[34] Document de 1370 "Li ars d'amour, de vertu et de boneurté par Jean le Bel" publié par
Jules Petit. Bruxelles ,Victor Devaux 1867, Tome I, page 329. Ces lais de Jean Le Bel
ou Jean d'Arkel, seraient une version en ancien français de l'éthique de Saint Thomas d'Aquin,
rédigé vers 1300

[35] Jean Gaument et Camille Cé "Contes Normands", 181 pages, page 12. Imprimerie A Desvages
58 rue des Carmes à Rouen 1933. Editeur Henri Defontaine 41 rue Grosse Horloge, Rouen.

[36] Dictionnaire Godefroy page 393 colonne III volume 5.

[37] De l'Anglo Saxon "hladan" cargaison, frêt. (Dictionnaire Webster page 469 colonne III)
Une "bill of lading" est une "lettre de cargaison" (Dictionnaire De Porquets, Londres Fenwick de Porquet,
Covent Garden 1844. Page 28 colonne II)