Ribaud

Le Ribaud, ou la Ribaude : est icelui qui est adonné à la "paillardise" [1] .

Luxurieux, impudique : Le "ribaud" pourrait fort bien être adonné à la "ripaille" [2]. C'est un homme fort ribaud. Une femme ribaude. On l'emploie aussi comme substantif [3] : C'est un ribaud, un franc ribaud. Vil et grossier, voire un débauché qui, à l'occasion se comporte comme un "ruffian" (ou rufien) [4].

Au XIIIe siécle, on désignait ainsi les gens de peine:

"Du temps de Saint Louys, l'on apelloit ribaux les gens de peine,
et forts hommes, tels que les crocheteurs et portefais
[5]
Lea de Mung au Roman de la Roze, montre que le roy des ribaux
estoit une charge de cour"
[6]

"Mais guillaume de Loris [7], montre que les crocheteux & porte faits, en Greue, de son temps estoient nommez ribaux : témoing ces vers de la première partie dudit Roman de la Roze.

/…/ Car sa force ne vaut trois pommes,
Plus que la force d'un ribault.

Notons que l'edition du roman de la rose de Guillaume de Lorris (vers 5314 [8])

Car sa force ne vaut deux pommes [9]
Contre la force d'un Ribaut

Une Ribaudaille était une troupe de ribauds qui vivaient de forfanteries, de gasconnade :

"Pourvu qu'on se signast de ribaudaille" [10]

Rien ne semble, pourtant, pouvoir associer l'étymologie de "Ribaud" à celle de "Ripaille" qui signifie "riboter" au sens de faire" ribote" (même souche que "débauché" et "embaucher"). Le "ribot" étant un maillet à malaxer la crème pour fabriquer le beurre, d'où le "ribote" ce repas où l'on boit beaucoup, du latin re-potare [11]). Le riboteur étant celui qui ribote, qui a l'habitude de riboter [12].

Étymologie de Ribaud

Emile Littré indique dans son dictionnaire que Friedrich Christian Diez " y voit un dérivé du haut Allemand "rîbe", prostituée, bien que "ribaud" n'ait pas toujours eu une acception défavorable et qu'il ait signifié, en un certain moment une sorte de soldat, et aussi un portefaix [13].

Ce dictionnaire "Etymologique de la langue Romane" de Friedrich Diez [14], donne une définition de "Ribaldo" : un "ribaut" est un "lotterbubue (un coquin), qui donnera le français "Ribaud", de féminin "ribaude", issu par le Haut-Allemand, du "mot de hrîba" (hripa) prostituta" [15].

Le "dictionnaire de la langue romane" indique le "Ribau" comme étant un "homme fort, robuste et de peine… "C'étoit aussi le nom que portoit celui qui, chez le roi, avoit soin de faire le soir la visite du palais, pour voir si tout était dans l'ordre ; on appeloit ainsi les ribauds, sous Philippe le Bel et Philippe Auguste, des soldats d'élite choisis pour leur garde particulière.[16]"

"Une feme avoit fet son plet à deux ribaus, qu'il tueroient son baron"[17].

Et pour le dictionnaire Etymologique de Gilles Ménage :

Ribaud possède "Ores à une signification retranchée, pour un putier,
et bordelier, ainsi qu'au féminin ribaude est prins pour une paillarde de bordeau.
[18]

Le Glossaire de la langue Romane indique que le "Ribaud" outre la garde du roi, signifiait "bandit" "voleur", "libertin", "excommunié", "Ribaldus".

Pour ce même glossaire le "Ribauld" est un "riber" et signifie "folâtrer" ; "ribléer" qui signifie courir la nuit comme le font les voleurs et les assassins. Et la "riblerie" est le pillage, la mauraude, la volerie, le libertinage [19].

Le "ribaus" ou "ribaut" est un débauché[20] mais aussi un "scélérat", un vagabond assimilable à ceux de "bandes de routiers" des "compagnies" guidées par Du Guesclin jusqu'en Espagne pour, entre autre, se débarrasser des "anglais".

Les "Ribauds, dont le "roi des ribauds" qui la commandait, était cette milice instituée par Philippe-Auguste

en 1189.

Si cette garde, armée de massues, devait protéger la personne du roi, elle devait aussi en protéger les biens à la suite de l'expulsion manu militari des banquiers et nationalisation de leurs établissements par le Roi.

Le roman de la rose :

Comment le dieu d'amours retient
Faux semblant, qui ces homs devien',
Dont ses gens sont joyeulx et baulx,
Quand il le fait roy des ribaulx.
[21]

Puis :

Tiens soit li pooirs et li baus,
Tu seras mès rios des ribaus

Vers numéroté 1530

Putain commune me clamoit
Li ribaus, qui point ne m'aimaoit.

Le ribauz dans le « discours du mari jaloux » :[22]

(Roman de la rose : Ce Discours du mari est noté comme étant le vers numéro 9 260 dans l'édition Félix Lecoy et comme vers numéro 9 329 dans le dictionnaire Curne Saint Palaye, tome 9 page 71)

Et tant estrait [23]vous rechauciez [24]
Que la robe soventhauciez
Pour moutrer voz piez aus ribauz!

Le fabliau "le prestre et les deux ribaus" écrit vers 1260, raconte l'histoire de deux compères, joueurs bien désappointés parce qu'ayant gagné le cheval de leur victime et qu'ils ne savent pas monter !!

"Et le ribaus chancele et tremble" (vers n° 222)[25]

Ils se feront alors aider du Capuçin lui-même qu'ils viennent de détrousser, lequel en profitera pour partir au galop, bien heureux de se débarrasser de la compagnie de ces deux ribaus !

Un autre fabliau :

"Fabliau des deux Bordeors ribaus"[26] .

Le terme ribaus, au sens de "fauteur", voire auteur potentiel de troubles peut être relevé dans les archives de la ville de Reims :

"…pluseurs ribaus et garsons estoyent assemblé devant l'Eglise
Notre Dame de Reins, en un lieu que l'on claimme le parvis,
et illucques juoyent as deix."
[27]

Par ailleurs, André Nataf note dans son "histoire des albigeois" :

"Quand à l'excuse qui consiste à dire que les chefs de la croisade,
la fine fleur de la féodalité du Nord, ne furent pas reponsables
du massacre perpétré par les ribauds, cela ne constitute
pas une raison recevable
[28]".

Sentence de Louis IX, dit Saint Louis, en 1251:

"Dans la ville de Césarée, un chevalier ayant été trouvé au bordeau,
fut condamné par condition, ou quel ribaude avec laquelle il avait
été trouvé le menerait parmi l'armée, en chemise ayant une corde liée
à ses génitoires, laquelle la ribaude tiendrait d'un bout ;
ou s'il ne voulait pas souffrir telle chose…
[29]

En l'année 1535, Dame Olive Sainte, patronne de dames de ribaudes de la cour recevait du roi François Ier un don de 90 livres, "pour lui aider, et aux susdites filles"

Vers 1544, Pierre de Ronsard, présente Plutus, une traduction du Ploutos d’Aristophane [30], dont les personnages principaux sont nommés Argent, le Grand Roi et le Grand turc [31]:

Le fils aprés qu’il m’a eu délivré
De la prison, soudain il m’a livré
A ses putains et ribaudes folastres
Pleines d’onguens, de verolle et d’emplastres
Qui m’ont Sali et si mal accoutré.
[32]

De nos jours le mot "ribaud" devient désuet et si le "dictionnaire érudit de la langue française" nous définit "ribaud" de l'ancien Français "riber", faire le débauché, comme une personne de mœurs déréglées [33], le dictionnaire Hachette encyclopédique de 1994; lui, nous indique le terme comme vieilli ou simplement propre à la plaisanterie [34].

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(19 août 2010, 17 octobre 2010, 10 déc. 2010, 17 mars 2011, 1er Août 2011, 13 janvier 2014, 28 avril 2016, 11 sept. 2016 ; 1er mai 2021 ; 22 sept. 2022)
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Notes et références :

[1] Dictionnaire de l'Académie française,Première Edition (1694)

[2] Comme le fut Amédée VIII, duc de Savoie en son château de Ripaille.

[3] Dictionnaire de l'Académie française, Quatrième édition, 1762

[4] Colères par Amédée Pommier. Paris, Dolin libraire, 1844. Page 5 Juvenal:
"Des fils de rufiens, nés dans les mauvais lieux.
Enrichis, se voyaient choyés comme des dieux. Ce n'était que bassesse, avarice, egoïsme ;
la superstition coudoyait l'athéisme". Le Dandysme en France. Jean Prevost. Slatkine, Geneve, 1982.
Page 22 : Bien que cavalier parfait, le ruffian a des goûts de palefrenier.

[5] "Dictionnaire de l'ancien François" de Curne de Sainte Palaye, Typograhie de Favre, à Niort 1881.
Tome 9 Page 229, colonne I.
Citation en colonne II : Claude Fauchet "Origines des dignitez et magistrats de France de France"
livre 1 page 40.
(Nota cette citation est retrouvée dans l'ouvrage indiqué -édition datée en fin d'ouvrage 1684-
mais en page 44 et non en page 40)

[6] Claude Fauchet "Origines des dignitez et magistrats de France". A Paris 1600,
chez Jeremie Perier rue Saint Jacques. "Du Roy des Ribaulx" page 44

[7] "Origines Des Chevaliers, Armoiries Et Heraux". Seconde Partie du Volume 2 de Claude Fauchet.
Paris 1610. Chez Jean de Heuqueville rue Saint Jacques.Chapitre XIII le roi des Ribaux,
Page 490 "car sa force ne vaut trois pommes" . Nous avons ici trois pommes alors que l'Etude
sur le roman de la rose de P Huot (publié par la société archéologique d'Orléans, imprimerie Alex en 1853)
nous donne page 19 :
"car sa force ne vaut deux pommes" Soit une pomme de différence suivant les éditions.

[8] Correspondant au vers 6020 dans l'edition du roman de la Rose de Franisque Michel (Paris Didot 1864)
page 176 : Car sa force ne vaut deux pommes Contre la force d'un ribaut.

[9] Recueil "Les poëtes français", Par Charles Augustin Sainte-Beuve. Chez Gide Paris 1861 page Le roman
de la rose page 292.

[10] Rabelais, Pantagruel Livre II, Chapitre XI.

[11] Glossarium mediae et infimae latinitatis. (tome 5) Dominique du Cange. Paris Firmin Didot 1845.
Page 375, colonne III. Sens 2, potare : potum praebere". (Donner à boire).

[12] Dictionnaire de l'Académie Française. Tome Second. Guillaume Libraire, Paris 1831.
Page 40, colonne 1.

[13] Dictionnaire Littré édition 1872

[14] Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen (dictionnaire étymologique des langues romanes).
De Friedrich Christian Diez. Bonn 1853. Page 287

[15] Grammaire de la langue d'Oïl, ou Grammaire des dialectes Français. Par Georges Frederic Burguy.
Liepzig, L. A. Kittler, Paris CH.

Reinwald, 1856. Tome III, Glossaire étymologique. Page 323, colonne II.

[16] Glossaire de la langue romane. J B B Roquefort Tome second page 483, Paris 1858, B Warée

[17] Cité par Émile Littré, d'après Philippe de Beaumanoir, "coutumes de Beauvaisis" tome II Cité dans le
dictionnaire Curne de Sainte Palaye, tome 9 page 229: Ribaud

[18] Cité dans le dictionnaire de la langue Française de Sainte Palaye tome 6 page 229; Et dans le
dictionnaire Etymologique de Gilles Ménage et Claude Chastelain page 623 colonne II.

[19] Glossaire de la langue romane. J B B Roquefort Tome second page 484, Paris 1858, B Warée

[20] Émile Littré: Dictionnaire de la langue française 1872

[21] Le roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung. Tome second , Firmin Didot, 1864

[22] Le Roman de la rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung. Paris Librairie Honoré champion 1972.
Publié par Félix Lecoy, tome II page 32 vers 9260

[23] Dictionnaire de l'Ancien Langage Français par la Curne de Sainte Palaye.Tome VI ESC-GUY Page 107
colonne II Estrait : étroit

[24] Dictionnaire de l'Ancien Langage Français Ibid . Tome IX R-S, Page 71 colonne I Rechaucier : chausser

[25] Nouveau Recueil complet de Fabliaux Volume II, page 153. Publié par Willem Noomen,Nico
van den Boogaard La Haye, 1990

[26] De l"etat de la poesie Française au XII et XIII siècle. Par B. Roquefort- Flaméricourt Paris 1815.

[27] Archives de la Ville de Rheims (quatorzième siècle). Par Pierre Varin. Paris Imprimerie de Crapelet, 1843
volume 2 page 443

[28] Histoire des Albigeois. Nous sommes tous des cathares. Bordas. André Nataf.Paris 1989, page 239,
description de la prise de Béziers

[29] Dictionnaire de la pénalité dans toutes les parties du monde connu, Maître Joseph Mérilhou Avocat.
Paris Rousselon, 1828; page 28

[30] Ploutos, comédie d’Aristophane (445-386 avant J.-C)

[31] Histoire des traductions en langue française. XVe et XVIe siècles, sous la direction de Véronique Duché.
Editions Verdier, octobre 2015. Chapitre XVIII. Sabine Lardon, avec la collaboration de : MonicaBarsi,
Malika Bastin-Hammou, Patrizia De Capitani, Véronique Lochert, Michele Mastroianni, Daniela Mauri,
Alessandra Preda, Zoé Schweitzer. Page 1 213

[32] Œuvres complètes de Ronsard par M. Prosper Blanchemain. Paris, Librairie A. Frank, 1866.Tome VII
Fragments du Plutus d’Aristophane. Page 288.

[33] Dictionnaire Erudit de la langue française, page 1647, colonne I.

[34] Dictionnaire encyclopédique Hachette 1994, page 1379 colonne II