Dame

Titre jadis donné aux femmes : « Dame » ; puis terme amène donné à toute femme mariée et, de nos jours, à toute personne adulte de sexe féminin.

Le mot "Dame" dans ses acceptions concerne (outre le terme de Reine), une pièce de jeu d’échecs, une figure de jeu de cartes. Dame désigne aussi un outil servant à paver ; un appareil servant de point d’appui à l’aviron, une digue aménagée, voire une éminence de terre.[1]

Étymologie de Dame

Dame : La maîtresse de maison

Le mot "dame", issu du latin « domina », désigne au XI siècle la « maîtresse de maison » et la « maîtresse de domaine » [2]. Issu de la racine Proto Indo Européenne « dem » qui donnera les mots de sens homogènes ‘la maison’ ou maisonnée.

La racine « dam » en Sanskrit (masculin védique) a le sens de maison, qui donnera le Grec ‘domos’, le latin ‘domus’, puis l’anglais to tame et le français domine, dompter. Dampati désigne ‘les deux maîtres de maison, le couple mari et femme [3] le Dam-pati étant le maître de maison [4]

Le domos (δόμος [5]) grec désigne la demeure, à l’origine terme d’institution sociale, la construction où l’on habite, mot concurrencé par oikos (“οἶκος” [6]) l’endroit ou l’on vit. Le thème *domo serait l’arrangement d’un ancien nom racine [7], [confère Dôma et Despotès].

Le despotes grec est “le maître de maison” opposé à ‘doulos’ (l’esclave).

Despotès (δεσπότης), ce mot, à la signification de despote, remonte à un vieux juxtaposé indo-européen [8], cf. le Sankrit ‘dampati-‘ (unité sociale plus petite que le ‘οἶκος’, et pour le second terme voir le latin potis, [puissant] et le grec posis (πόσιϛ) [9] sachant qu’en grec classique désigne dna sle couple, tant l’homme que la femme en charge de la maison, plus tard au sens du latin ‘potens’.

Au XIVe siècle, « Dame » est « La belle mère », et Dame Grant la grand-mère [10], et le titre Dame, ou Dam renvoie à « Dan », le titre de dignité, qui dans la hiérarchie féodale (« Dam » ou « Dan ») venait immédiatement après le titre de comte et avant le Baron. [11]

Dame, de l'hébreu "daman" ?

Ce mot au XVIe siècle, suivant Pierre Borel [12], vient de l'Hébreu daman, qui signifie ‘silere’, parce que, dit-il les dames tiennent leur gravité, et affectent de parler peu. Il y a apparence suivant le glossaire de langue romaine que cette origine est fort différente du domina des latins. [13]

Pour Pierre Borel, dans "Trésor de recherches et antiquitez gauloises et Françoises" [14]:

"Quelques uns tirent le nom de Dame, de l'Hebrieu Daman, filere, c fe
taire, parce que les Dames tiennent leur grauité, & affectent de parler peu."
[15]

En grec une "dame" est "guné" (la femme), parfois une "maitresse de maison" ou "oikouros" ("οικούρος" [16] ) ou encore chez Platon une "despoina" ("δεσποινα") [17], mot qui désigne la fille de Cérès [18] et sœur de Proserpine.

La "despoina" grecque (du grec Potnia) est la "maîtresse de maison", mot issu du sanskrit "patni" [19].

Au moyen âge, dans la Chanson de Roland , une "Dame" est une "femme mariée d'une certaine condition" [20].

Dans "Le Chevalier du Lyon" de Chrétien de Troyes (XIIe siècle):

"Après manger parmi les sales Après manger en les salles
Li chevalier s'atropelerent Les chevaliers se rassemblaient
La ou dames les apelerent Là où les dames les appelèrent
ou damoiselle ou pucheles Ou les Damoiselles ou pucelles
Li un recontoient nouveles Les uns racontaient des nouvelles
Li autres parloient d'Amours Les autres parlaient d'amour
Des angousses et des dolours…
[21] des angoisses et des douleurs
Et des grant biens qu'en ont souvant et des grands biens qu'urent souvent
Li desiple de son couvant, les disciples de son ordre
Qui lors estoient riche et gens" qui alors étaient riches et courtois.

Pour Gilles ménage (vers 1750) "Dame" nous vient du latin "Domina" et de "dominus" :

"Car anciennement ce mot se disait aussi des hommes et il signifiait seigneur. Vous
trouverez souvent dans les vieux livres Dame viex, pour Seigneur Dieu.
Ce mot est encore aujourd'hui en usage dans son composé Vidame. /…/

Et de là viennent le Dam et le Dan, Chevalier des Romans ; Dammartin. /…/

Et en Espagne, les grands seigneurs s'appellent encore aujourd'hui de ce nom.
Don Pedro d'Aragon.

Aujourd'hui il n'est plus en usage parmi nous que pour les Chartreux et les
Bénédictins de Dame on a fait le diminutif Damoiseau et Damoiselle."
[22].

Dam, Don, Dame, Domp :

Signifie "Seigneur", "maître", "chef", "homme élevé au dessus des autres par son mérite ou par son pouvoir et richesses" ; "femme de qualité", "dame de haut parage". [23]

Du bas latin "Domnus", "domnula". En Breton "Dam", "Dom", en Espagnol Don.

Ce mot "dan" ou "Dam" se mettait devant le nom d'une personne qu'on voulait honorer, et équivalait suivant la circonstance à seigneur, maître, sire etc…

Plusieurs communes portent ce nom: Damville, Dampmartin (Dominus Martinus) , Domprémy (Dominus Remigius) , Dombasle (Dominus Basilus), Dampjoux (Dominus Jovinus) [24]

Dam, est un titre d'honneur qu'on donnoit autrefois aux personnes distinguées, tant hommes que femmes et qui vient de dominus domina [25].

Au XVIIe siècle, Pierre Borel note :

« Autrefois les moines se faifoient appeler Dam Pierre, Dam Antoine, &c.

comme encore les Chartreux, Dom : comme on dit Dom Sanche, Dom Rodrigue, &c.

Et ces mots viennent de Dominus. [26]»

Et cite [27], outre François Rabelais, Guillaume Coquillart [28] juge religieux délégué de Reims :

Frere Beruble, & Dam Fremin,
Les attendent en lieu celé.
[29]

La pièce /…/ n’est pas plus décente que les autres « Il paroit que Coquillart mourut vers la fin du quinzième siècle, de chagrin d’avoir perdu une somme considérable au jeu de la morre à ce que dit Marot [30]»

La morre eft jeu pire qu’aux quilles,
Ni qu’aux échecs, ni qu’au quillart ;
A ce méchant jeu Coquillart
Perdit sa vie & ses coquilles
[31]

De Pierre Borel :

"Ce mot de Dame ne se prenoit pas pour une fille, mais pour une perfonne mariée.
Ainsi au jei des dames ou Tables, on appelle Dames Damées, celles qui font jointes
à vne autre, c. qui font doublées ,R. de la rose :
Fruit il doit querre; cil ou celle,
Quel quelle foit, Dame ou Pucelle."
[32]

Damoiseau, damoiselle :

Le "damoiseau", jeune gentilhomme semble être le diminutif de "Dam", fait sur le diminutif "dominicellus" et peut être contracté en "dancel", "danzel", "doncel", "donzel" [33].

"Damoiselle", "damisele" ou "Dameisele" est de même sens : "fille de noble extraction, gentilfemme qui, n'ayant pas titre de Dame, étoit épouse d'un damoisel ou d'un écuyer ; en bas latin "domicella", dominicella, domsella [34].

Ce "domina" latin est équivalent du grec "domna" ("δομνα") [35] et donnera le Roumain "doama" [36], la princesse.

"Damoisele" est la femme d'un écuyer. Fille. On appeloit damoiselles les femmes des nobles du plus haut rang qui n'avoient pas reçu la chevalerie.

Le damoiseau est un gentilhomme, seigneur souverain, appliqué aux jeunes hommes qui n'étaient pas encore chevalier. Et faire le "damoiseau" est celui qui est brillant, galant [37], dont le diminutif est Damoiselet [38].

La Dame outre manche :

Pour Emile Benveniste dans « Le vocabulaire des institutions indo-Européennes » :

«Le terme anglais lord « seigneur » représente un composé ancien
hlâford dont le premier élément est hlaf « pain » (anglais loaj)
«
miche (de pain)» [39]

« De même lady ‘dame, maîtresse’ est en vieil anglais ‘hlaef-dïge’,
‘pétrisseuse de pain’. Les sujets du lord, ceux qui lui sont soumis, sont
les ‘mangeurs de pain
’. » [40]

« Dame », est un titre attribué de l’ordre de l’Empire britannique.

Dam : le dommage, détriment

Un sens du mot « dam » est le dommage nous venant du néerlandais
Dam : dommage
[41] au sens de « au détriment ». Le damagement est le « dommage » nous venant du latin « damnum » (voir Dam)

Dam : la digue et la dame de nage

En langue Flamande signifie une levée de terre. Ce mot signifiait autrefois une
ville, maintenant un gros bourg de la province de Groningue dans les pays bas.
"Dam" ou "Dammum" : ville de Flandres dans le Franconnat. "Dam" : petite ville
d'Allemagne dans la Poméranie sur l'Oder.
[42]

Et depuis le XVIIIe siècle le mot est aussi devenu "dame" (ou dame de nage) , ce point d'appui permettant à la rame ou aux avirons d'étre solidaires du bordé sur une embarcation.

Les dames de nages, [la « forcola [43] » italienne, ou l‘anglais [44] « rowlock » [45]], sorte de tollet, ou ‘tolet’, qui permettent de planter les escaumes (ou scaume, terme issu du grec σκαλμός -skalmos- [46] ), des chevilles plantées dans la poutre latérale du bateau, dite de « bord » ou « apostis », qui supportent la rame à laquelle elle est attachée.

Le glossaire nautique répertoire polyglotte de termes de marine indique

pour Dame, Demoiselle :

« Pourquoi les matelots français ont-ils appelé Dame la cheville, la console dont
nous venons de parler ? /…/ Nous remarquerons que, dans les langues du Nord,
Dam, damm signifie digue (Angl. sax.
Demman[e], arrêter, mettre obstacle au
cours d’un fleuve), et que la cheville en question est une sorte de digue résistante.
Nous croyons que là est la véritable étymologie du mot dame. quant au nom
de Demoiselle, donné comme synonyme à Dame, on comprend très bien que
Dame, une fois admis, Demoiselle se soit tout naturellement introduit dans le
vocabulaire par plaisanterie. - La lisse de porte-haubans a porté, au XVII
e
siècle le nom de Damoiselle ou Demoiselle ». [47]

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( 22 novembre 2013, 19 janv 2015, 07 juin 2018, 18 octobre 2020 ; 24 avril 2021 ; 07 sept. 2022)

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[1] Dictionnaire encyclopédique universel Hachette Spadem 1980, page 338, colonne I - II

[2] Dictionnaire Erudit de la langue Française. Jean Dubois. Le Lexis. Larousse (1979) édition 2009.
Page 487, colonne II.

[3] Dictionnaire Sanskrit Français. Gérard Huet INRIA 2014 . Page 300, colonne II

[4] Dictionnaire Sanskrit Français. Nadine Stchoupak, Luigia Nitti et Louis Renou. Paris 1959,
Adrien Maisonneuve. Page 299 colonneII

[5] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly Hachette Edition 1963. Page 531, colonne I.

[6] Ibid page 1357, colonneII.

[7] Dictionnaire étymologique de la langue Grecque. Histoire des mots Tome I. Pierre Chantraine,
Paris Editions Klinchsieck. Page 292, colonne II.

[8] ibid 266 colonne II

[9] posis (πόσιϛ) : le maître, l’époux comme dans l’Odyssée, chant VI au vers 246

[10] Dictionnaire Godefroy, volume II page 414 colonne II.

[11] Dictionnaire Godefroy, ibid, page 417 colonne II.

[12] Tresor de Recherches et Antiquitez Gavloises et Françoises. Pierre Borel Conseiller et médecin ordinaire
du roy. Paris, 1655, chez Augustin Covrbe. Page 121. Dame : Quelques vns tirent le nom de Dame,
de l’Hebrieu Daman Filere, c fe taire, parce que les dames tiennent leur Grauité, & affectent de parler peu.

[13] Glossaire de la langue Romane. Jean Baptiste Bonnaventure de Roquefort. Paris 1808, B. Warée.
Tome Premier. Page 337-338 colonne II.

[14] Pierre Borel conseiller et medecin ordinaire du Roy. Paris 1655 chez Augustin Courbe. Page 121

[15] Recherches des Antiquitez de la langue Françoise ou dictionnaire Gaulois. Par P. B. (Pierre Borel) .
Paris 1667, chez Thomas Iolly. Page 121.

[16] οικούρος (oikouros) qui garde la maison, qui a soin de la maison (Dictionnaore Grec Français de
Henri Etiennes , et explication et Etymologie par Joseph Planche. Paris 1847. Veuve Le Normant
rue de Seine. Page 666 colonne III)

[17] Englich Greek Dictionary. Vocabulary of Attic Language. Sidney Chawner Woodhouse. Londres, 1910.
George Routledge & sons Ltd. Page 473, colonne II.

[18] Page 98 colonne II

[19] Dictionnaire etymologique de la langue Grecque etudiée dans ses rapports avec les autres langues
Indo Européennes. Emile Boisacq. Heidelberg Carl Winter (librairie universitaire), Paris Klincksieck,
1916. Page 178.

[20] Dictionnaire Etymologique & historique du Français. Larousse page 266 colonne II.

[21] Chrétien de Troyes. Le chevalier du Lyon.

[22] Dictionnaire etymologique de la langue Françoise. Gilles Ménage. Paris Chez Briasson, 1750.
Tome Premier. Page 457 colonne II.

[23] Glossaire de la langue Romane. Jean Baptiste Bonnaventure de Roquefort. Paris 1808, B. Warée.
Tome Premier. Page 337 colonne I

[24] Dictionnaire Godefroy, ibid

[25] Dictionnaire universel François et Latin. Paris, 1732, Chez Pierre François Giffart. Tome II. Page 481.

[26] Trésor de recherches et Antiquitez Gauloises et Françoises. Redvites en ordre alphabetique. Pierre Borel
Médecin et conseiller ordinaire du roi. Paris chez Augustin Courbe 1655. Page 121

[27] Trésor de recherches et Antiquitez Gauloises et Françoises. Ibid

[28] Guillaume Coquillart. Official à Reims. Né vers 1450, décédé vers 1510. Chanoine de Notre Dame de Reims,
Secrétaire de l’Archevéché, Official. Auteur de pièces hardiment paillardes, dont les « droits nouveaux »,
« le monologue des perruques », « le monologue du Puys », « Le plaidoyer & le procés d’entre la simple et
la rusée », « le Gendarme cassé ».

[29] Atribué à Guillaume Coquillard ou Coquillart, Official du diocèse de Reims,
« Le monologue des perruques » est imprimé en 1532 par Antoine Bonnemere.
Mes dames sans aucuns vacarmes
Vont en voyage bon matin,
En la chambre de quelques carmes,
Pour apprendre à parler latin ;
Frère Bérufle et Dam Fremin
Les attendent en lieu celé.

[30] Bibliothèque Françoise de Du Verdier, sieur de Vauprivas. tome quatrieme. Par M Rigoley de Juvigny,
conseiller Honoraire au Parlement de Metz. Paris 1773, Chez Saillant & Nyon Michel Lambert.Page 76.

[31] Le Porte-feuille d’un philosophe ou Mélange de pieces Philosophiques, Politiques, Critiques Satyriques &
galantes, etc. Henri-Joseph Du Laurens. Tome sixieme. A Cologne chez Pierre Marteau, 1770 Page 225 ;

[32] Recherches des Antiquitez de la langue françoise ov dictionnaire Gavlois. Pierre Borel. A Paris 1667.
Chez Thomas Iolly, Au Palais. Page 122

[33] Dictionnaire historique de l'ancien langage Françoise de son origine à Louis XIV,
par La Curne de Sainte Palaye.
Imprimé à Niort par Louis Favre. Libraire H Champion à Paris 1878. Tome 4 (CH-DECA).
Page 457, colonne II

[34] Glossaire de la langue Romane. Jean Baptiste Bonnaventure de Roquefort. Paris 1808, B. Warée.
Ibid. page 338 colonne I et II.

[35] Dictionnaire Anatole Bailly page 531, colonne I.

[36] Dictionnaire d'Etymologie Daco Romane. Alexandre de Cihac. Ludolphe St-Goar1870.
Francfort sur Main,. Page 80.

[37] Dictionnaire de La Curne de Sainte Palaye Ibid. page 458, colonne II.

[38] Ibidem, Dictionnaire de La Curne de Sainte Palaye. page 459, colonne I

[39] Émile Benveniste. Le vocabulaire des institutions indo-Européennes, Éditions de minuit1969.
(Impression 1994) page 27-28, chapitre 3 La royauté héllénique.

[40] Ibid

[41] Dictionnaire Godefroy. Volume II page 413, colonne I.

[42] Dictionnaire de Trévoux : Dictionnaire universel François et Latin. Paris 1771. Compagnie des libraires
associés. Tome 3, Page 92, colonne I et colonne II.

[43] Forcole : Du latin furcŭla : petite fourche, étançon. (Grand Dictionnaire de la langue Latine, par le docteur
Guillaume (William) Freund, traduit en français par N. Theil. Tome I. Paris 1855, Librairie Firmin Didot.
Page 1155, colonne III)

[44] Dictionnaire Merriam Webster's, New collegiate dictionary based on New international dictionary
second édition 1945.
Page 739, colonne II. For earlier oarlock. Device serving as a support for an oar in rowing

[45] Harrap’s Standard French and English Dictionary. Part Two English – French. London june 1968.
With suppl 1962. Page 1066 colonne I : rowlocks : Dames, Demoiselles (de nage) ;
tolets, toletière, porte rame.

[46] Dictionnaire Français Grec Charles Alexandre. Librairie Hachette. Paris, 1830, n°12 rue Pierre Sarrazin.
Page 521 colonne III : σκαλμός (skalmos): cheville attachée au plat-bord d’un bateau pour y poser
la rame. Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly (ibid.) , page 1754, colonne II : σκαλμός (skalmos) :
cheville, tolet qui retient la rame au plat bord d’une embarcation.

[47] Glossaire Nautique. Répertoire polyglotte de termes de marine anciens et modernes. Augustin Jal,
auteur de l’Archéologie Navale Et Du Virgilius Nauticus. Paris 1848, chez Firmin Didot
56 rue Jacob. Page 564. Colonne I.