Magique

Etymologie de magique, mage

Le mot "Magique" nous vient du grec "Magike", féminin de "magikos", de l'ancien Perse "Magus", signifiant "le sorcier" [1] , alors que notre mot "Sorcier" nous provient lui, du latin "sort", (ou "sors"), qui signifie "la chance", "le sort".

Le terme "magos" de l'ancien Persan, vient de "magush", et le proto européen "magh" signifie "celui qui peut faire". Ce mot viendrait aussi d'une tribu Mède [2] dont le nom signifie "les grands", groupe de prêtres Zoroastres (De ceux qui avaient traversé le Désert) qui accomplissent des sacrifices, divinent et surtout interpretent les songes.

En latin "magicus" est le dérivé du grec Magikos. [3]

Chez les Grecs le "magos" (μάγος ) est un expert polyvalent.

Eshylle dans la pièce de Théâtre :"les Perses"nomme le "magos : [4]

(vers 318 et 319)

Και Μᾶγος Ἄραϐος , (Kai magos Arabos Le mage Arabus,

Αρταβης τε Βάκτριος , Artebès te Bactrios Artamès le Bactrien,

σκληρας μετοικος [5] γης, sklèras metoikos gès établis sur cette rude terre,

εκει κατεφθιτο [6] kei katephthito) ils y ont péri.[7]

On note en Grec que le "goètos" est un "enchanteur" (ou plus simplement un illusionniste un ventriloque, voire un bonimenteur !), qui procède par magie de bas étage.

Le verbe grec "goaô", est celui "qui sait lamenter" [8]

Ce mot "goetos", qui en grec est le "saltimbanque de la magie" [9] ne semble pas posséder d'équivalent Romain.

Enfin le grec "mageustiké" ("μαγευτική ") est la magie et, ce qui charme au sens de l'enchantement est "pharmakon".

Les "Pharmakon" : la drogue, le poison et le fard.

Le magicien grec ou "pharmakon" ("φάρμακον ") ou "pharmakeus" [10] est celui qui fait ou administre les médications.

Ce mot "Pharmakon" [11] " possède en effet trois sens :

1 Drogue médicinale, onguent;

2 Drogue malfaisante, poison. Préparation Magique, opération magique.

3 Drogue pour teindre, le fard.

Le "pharmakos" (φαρμακός ) est ainsi celui qui sert de préservatif, de victime expiatoire, par suite est scélérat, misérable[12].

Le dictionnaire Grec Français [13] donne à "pharmakos" les différents sens de "pharmacien", "magicien", "empoisonneur", "scélérat" et "victime expiatoire".

(Le philosophe Jacques Derrida relève les sens différents sens des mots "pharmakon" dans les dialogues de Platon [14] : "remède", "poison" (pour guérir tout autant que pour tuer), tout autant que "philtre", "drogue", "charme"… La "couleur artificielle", et le "fard")

Les trois sens de "magos"

Les trois sens de "Magos" [15] :

1 D'abord le prêtre chez les Mèdes

2 "Magicien", et sorcier chez Sophocle

3 sorte d'emplâtre ou de fard

En grèce le "magos" ("μαγος") est celui qui est de la classe instruite des choses des prêtres.

Le terme grec "emageusa" ("εμάγευςα[16]") est l'aoriste de "Mageuo" ("μαγευω") signifiant "être magicien", "charmer".

Les grecs faisaient ainsi la différence entre le "sophos" ("la sagesse") , le "phronimos" ("ce en quoi l'on croit, le "penser" d'Aristote) et le"magos" ("ce qui peut").

Par ailleurs[17] les "devins" ou "manteis" ("μάντεις ") sont souvent des princes, des chefs de tribus : tels furent Amphiaraus [18] et Hélénus [19].

Le Magos et les rois mages

Ceci est le pourquoi des rois mages.... Qui, pour nous sont "magos" et sont, pour nos cousins d'outre manche des "wise men" , où le "Witch" de l'école des sorciers vient de "wicci", et est une déformation de "weg" signifiant "celui qui est fort".

En Sanskrit le "Vidya" est la connaissance révélée, la tradition Sacée , Véda, la formule magique [20] , (voir le mot "Directeur", "Manager")

Par contre c'est un tout autre préfixe proto européen, "weg" (et "wog") "celui qui est fort", qui donnera le "Wizard" (dont par exemple le très célèbre "magicien d'Oz" [21]) , et également le mot "wake", signifiant éveil, cher à Harry Potter[22].

Derrida note que "gift" signifie un cadeau, un présent en Anglais, signifie "poison" ou "mariage" dans les langages germaniques.

Se referer également à la discussion par Aulus Gellius sur l'ambiguité du mot "Pharmakon" et du latin "venenum".(Jacques Derrida) [23]

A Rome, pour Cicéron [24] le mot "magis" a trait plutôt à la forme :

"De re magis quam de verbis laborans" : "plus préoccupé du fond que de la forme"

Ce passage, complet, est cité également par Mario Nizzoli dans son "Thésaurus Ciceronianus" :

"Homo, de re magis quam de verbis laborans"[25]

Phrase reprise ensuite par Louis Racine, (le second fils de l'illustre auteur Jean Racine) :

Ce que l'on croit faute est quelque fois ce que le même Cicéron appelle :

"non ingratam negligentiam hominis de re magis quam de verbis laborantis"[26]

Ce passage est repris par Charles Rollin dans son ouvrage : " De la manière d'enseigner et d'étudier les belles lettres"

"Indicat non ingratam negligentiam, de res hominis magis, quam de verbis, laborantis
/…/ Quaedam etiam negligentia est diligens"

"…et qui vient d'un homme plus attentif aux choses même qu'aux mots, ne doit pas
aller néanmoins jusqu'à qu'à rendre le discours bas et rampant mais plus clair et plus intelligible.[27]"

Le "maître" est celui auquel on se réfère comme l' "autos epha" ("Αυτος εφα" [28]) ou son pendant latin le "magister dixit" de Pythagore, qui signifie "il l'a dit" au sens de "le maître le dit" le "maître s'est exprimé".

La magie au sens de la "force extraordinaire" est décrite par le mot grec "Kudos" ("κυδος" [29] ) qui est non pas la gloire, qui en eszt la traduction incorrecte, mais le "pouvoir magique" irrésistible.

Ce même mot Kudos décrit par Emile Benveniste, consiste en "s'emparer du kudos", et fort de ce talisman se "couvrir de gloire" [30] : le kudos désigne un pouvoir magique irrésistible, apanage des dieux qui le concèdent occasionnellement au héros de leur choix et assurent ainsi leur triomphe.

Pour Benveniste "kudos" ne signifie pas "gloire", qui a déjà son expression dans le mot grec "kleos" [31] , mais en Anglais [32] on définit le sens de "kudos" comme "gloire", "renom" (Glory, fame, renown or praise).

Les rois mages

En grec le roi est "βασιλεύς " (Basileus ou Vassilias) que l'on trouve dans l'Anabase par exemple.

Le roi au sens où l'emploie Xénophon est "celui qui dirige", c'est le politique, en non le magis, au sens du mage, voire du "roi" mage.

Επυαξα η Συεννεσιος γυνη του Κιλικων βασιλεως Épyaxa, femme de Syennésis, roi de Cilicie

παρα Κυρον και ελεγετο Face à Cyrus elle compta de nombreux

Κυρω δουναι χρηματα πολλα biens de grande nécessité

L'historien Procope dit que l'Ostrogoth Théodoric se contenta du titre de roi que les barbares ont coutume de donner à leur chef. Les grecs, ne voulant se servir du terme de "basileus" utilisèrent le mot "ρεγας" (regas) un mot "grécisé"[33] référencé dans les annales de Rennes comme cité par Procope dans le "De Bello Gothico".

Voltaire[34] cite : La religion chrétienne, qui devait humaniser les hommes, n’empêche point le roi Clovis de faire assassiner les petits régas,/…/ Un jeune barbare, nommé Chram, fait la guerre à Clotaire son père, réga d’une partie de la Gaule

Le "magos" le "magister" et le maître

En latin "magis" signifie "à plus forte raison", "plu"… ce qui donnera d'une part "magister" (celui qui maîtrise"), et le suffixe "-magne" ("grand") deux mots issus de "magnus"' ce qui est grand [35]

L'idée de grandeur s'exprime en indo-européen par la racine magh- [36] que l'on retrouve dans le terme "mage".

D'où le latin mag-nus, le sanskrit "maha" ou "maya" [37] , mais aussi le grec (meg-as)

En Sanskrit cette racine "mah" ou "mahati" est se réjouir, exciter, et "mahayati" est faire grandir, qui donnera le Grec "megas ("μέγας ") [38]" et "Megistos" (le plus grand).

Le "Mégistos" grec donnera le titre de l'ouvrage d'astronomie de Ptolémée, que les Arabes traduiront par "al magistos" puis "al-magesty" ou "le très grand ouvrage" qui, en occident sera nommé "l'Almagest" lorsqu'il sera traduit de l'arabe en latin au début du XIIIe siècle à la demande de Frédéric II.

Ce même mot grec "mégas" donnera le Latin "Magnus" puis "magister", et enfin l'anglais "much" ainsi que la racine de notre mot français "magnifique"

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(10 août 2009, 12 mars 2010, 10 novembre 2010, 24 mars 2011 ; 26 avril 2021 ; 04 sept. 2022)

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[1] Merriam Webster edition Springfield Mass USA 1949 page 505 colonne I : Magi, du grec
Magos et ancien perse Magu.

[2] Par James George Roche Forlong (Date de publication : 1883) "Rivers of life Or sources and streams
of the faiths of man in all Lands" notée J.G.R. Forlong. Réimpression par Kessinger Publishing, 2002
Volume II, Page 124 paragraphe 2

[3] Anatole Bailly ed 1963, page 1215 colonneI

[4] Tragédie d'Eschyle "Les Perses ("Пερσαι") Vers 318 319.

[5] Etranger, métèque, (de met oikos) "étranger domicilié. Le "metoikos" est un étranger résident qui devait
avoir un citoyen comme pair. Nommé "métèque" à Athènes et le mot "métoikos" est opposé au mot
"indigène" (Eggenès, εγγενης), celui qui croit ailleurs.

[6] "Κατεφθιτο", forme aoriste passif du verbe "καταφθιω" ("kataphthiô"), faire dépérir, mort, dictionnaire
Anatole Bailly page 1059 colonne I, sens 2 passif

[7] Théâtre D'Eschyle Traduction d'Alexis Pierron, Paris Charpentier et Cie 1870,
page 72 : "Le mage Arabus, Artamès le Bactrien, /…/ ne sortiront plus de l'âpre contrée;
ils y ont péri…"

[8] Anatole Bailly édition 1963, page 413 colonne II

[9] ib. Anatole Bailly page 413 colonne I

[10] Op. cit. Anatole Bailly ed 1963 page 2054 colonne I

[11] Source Anatole Bailly abrégé page 923 colonne II

[12] Anatole Bailly, dictionnaire abrégé page 924 colonne I , φαρμακος : celui qui sert de préservatif , c'est à
dire de victime expiatoire… Et dans le grand dictionnaire Anatole Bailly, page 2055 colonne I :
φαρμακος : empoisonneur, magicien, sorcier. Celui qui sert de remède, de "bouc émissaire" immolé en
expiation, purification des fautes d'autrui, notamment des fautes d'une ville.

[13] Dictionnaire Grec Français Joseph Planche Paris 1824 chez Lenormant père. Page 1179 colonne I :

[14] Par Charlotte Bouteille-Meister et Kjerstin Aukrust "Corps sanglants, souffrants et macabres:
La représentation
de la violence XVI XVIIe siècle. Presses Sorbonne Nouvelle, 2010 Page 23 note 11 Voir en
particulier Jacques Derrida, 1972, La "dissémination", Paris Seuil. A Travers l'analyse des
dialogues de Platon, "Phaedrus" en particulier, Derrida retrace les multiples et contradictoires
significations de ce mot. Remède ou venin, cause ou cure d'une maladie, le "Pharmakon"
agit en ce qu'il produit un jeu d'oppositions.

[15] Anatole Bailly (Hachette 2000) ed 1963 page 1215 colonne I : "μαγος" (magos)

[16] Anatole Bailly ibid, pages 1214 colonne III μαγευω (mageuo) celui qui charme, celui qui est magicien.

[17] Histoire des religions de la Grèce antique. Volume 1, page 327. Par Louis-Ferdinand-Alfred Maury

[18] Oracle de "sept contre thébes" d'Eshyle (écrit vers -467), et cité par Ciceron. Ce devin pour avoir rendu
service aux femmes de ce pays reçu en récompense une partie du royaume d'Argos. Mais ayant usurpé la
couronne, Amphiraraus dut se cacher. Eriphile son épouse corrompue par un bijou recu en cadeau,
revelera le lieu où se cachait son mari.

[19] Oracle cité dans le "traité des lois" de cicéron : Hélénus fils de Priam et de la reine Hécube fut formé par
sa sœur Cassandre à l'art de la divination en utilisant le trépied et les augures ou analyse du vol des
oiseaux.

[20] Huet dictionnaire Sanskrit page 280

[21] Le magicien d'Oz (Meilleur film aux Oscars de 1939, avec Judy Garland) d'après l'ouvrage de
Lyman Frank Baum en 1900. Roman ecrit en 1900 par Lyman Frank Baum

[22] Romans "Harry potter" de Joanne Rowling, dite Joanne Kathleen Rowling ou "J.K. Rowling".

[23] Jacques Derrida, "La dissémination" Edition du Seuil 1972, page 151,

[24] Cité par Emile Gaffiot, Verbum , page 1659, colonne I.Sens 3, Ciceron Orator

[25] "Thesaurus Ciceronianus", Par Mario Nizzoli, Venise 1601. Page 710 colonne I.
"Lexicon Ciceronianum", de Marii Nizolii. Commentée de Stephani Doleti. Tome II.
Edition de Londres 1820. Page 242.

[26] Œuvre par Louis Racine. De l'académie Royale des inscriptions et Belles Lettres. A Amsterdam
1750. Tome 2 livre Troisième, page 95.

[27] De la maniere d'enseigner et d'etudier les belles-lettres. Charles Rollin à Paris 1785,
Chez Barrois et Savoye pages 414-415

[28] Littéralement "il l'a dit" phrase utilisée par les disciples de Pythagore, du verbe grec "Phémi" ("φημι")
exprimer, Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly page 2064 colonne I et II) en latin "ipse dixit"

[29] Anatole Bailly ed 1963 page 1146 colonne III

[30] Emile Benveniste, Vocabulaire des institutions Européennes Tome II Chapitre 6 Le pouvoir
magique page 57

[31] Emile Benveniste ibid page 59

[32] le Merriam Webster (édition 1949) page 467 colonne II

[33] Quatrième Bulletin de la société archéologique du département d'Ile et Vilaine. Rennes Imprimerie
de Ch Catel 1866. Page 253 et sa note de bas de page (1) Procope De Bello Gothico Livre 1 chapitre 1.

[34] Œuvres complète de Voltaire. Tome VII Paris Hachette 1859. Page 206 chapXVII

[35] cf Dictionnaire Latin Français de Félix Gaffiot, page 937 colonne III

[36] A sanskrit reader : Part II vocabulary and Sanskrt, page 214

[37] dictionnaire Sankrit Francais de Gérard Huet, Inria juin 2005 page 238

[38] Dictionnaire Anatole Bailly page 1233 colonne III Mégas ("μεγας") grand, fort, important et dont le
superlatif est "Megistos" ("μεγιςτος") signifiant "très grand", le plus grand.