Obéir

Étymologie de obéir.

Depuis le latin "oboedio", issu du verbe latin "oboedire" [1] signifiant "prêter l'oreille", être soumis.

Obéir ou "ob-audire"

Composé du préfixe latin "ob" [2] et "audio" (verbe latin "audire [3]"), issu du grec "aiô" ("ἀΐω") "aisthanomaï" ("αἰσθάνομαι"[4]) "percevoir par les sens", "percevoir par l'intelligence", "comprendre"

Pour Chantraine la parenté [5] du grec "aiô" ("ἀΐω "), signifiant entendre, percevoir, et du grec "aisthanomaï" ("αἰσθάνομαι") est presque certaine et conduit à rapprocher le sanskrit "avih" ("évidemment", "ce qui est manifeste") au sens de ce "qui est entendu".

Dans le théâtre d'Eschyle : La soumission aux Perses

Τοι δ' ανα γαν Ἀσίαν δην Les peuples de la terre d'Asie
ουκετι
περσονόμοΰνται [7], n'obéiront plus longtemps aux Perses
ουδ' ετι δασμοφορουσιν ils ne paieront plus le tribut imposé par le
vainqueur
δεσποσύνοισιν ανάγκαις ils ne se prosterneront plus devant la
majesté souveraine…
[8]

Pour Cicéron, dans les Tusculanes, le corps doit obéir à l'âme comme le maître commande à l'esclave, le général au soldat comme le père à son fils.

"Haec ut imperet illi parti animi, quae oberire debet, id vivendum est viro."

[C'est elle que tout homme doit s'appliquer à faire commander à cette autre partie
de l'âme qui ne doit qu'obéir.
[9]"]

Obéir : être soumis, s'engager, entendre

A l'époque romane, "obedir" [10], ou "obezir", signifie être soumis, obéir.

"Mout mi tenon a gran honor
Totz sellis cuy ieu n'ey obeditz"
[11],
quar a joy suy revertitz /…/ "

Ce même exemple est repris dans le dictionnaire Curne de Sainte Palaye [12] :

Obéir: Se soumettre, s'engager, entendre.
"…obeissans à paier le pris que cousté avoit" : S'engageant à en payer le prix".

Obéir au moyen âge et à l'époque des troubadours.

"Obéir" au Moyen-Âge est s'engager [13] entendre.

"Avoy, m'amie, ne fçavez-vous pas bien comment j'ai tant d'affaires,
que je ne sçais auquel obéir
[14]".

Le troubadour Folquet de Marseille [15] :

"Tan mou de corteza razo, mos chantars qu'ien no i puesc faillir"
("Que mon chant procède du propos courtois et que je ne sombre avec mes couplets.")

Per que sella cui obedis me relinquis [16] Parce que celle à qui j'obéis m'abandonne [17]
e cuja qu'aillors ai' assis mon pessamen [18] ; [Voilà] ce qui ailleurs a placé mon toument ;

Dans la langue des Troubadours, obéir, au sens de être soumis est "obédir [19]" ou "obezir".

Qui fes totz los bes que pogra far… [20], Qui fit tous les biens qu'il pourrait faire…
Et obezis so qu'es d'obediensa, et obéît à ce qui est d'obéissance,
De belh saber agra belha sabensa. de beau savoir aurait belle science.

Montaigne utilise pour désobéir le terme de "inobedient" :

"Les dieux, dict Platon, nous ont fourni d'un membre inobedient et tyrannique, qui,
comme un animal furieux, entreprend, par la violence de son appetit de soumettre
tout à soy"
[21].

[Les dieux, dit Platon, nous ont fourni d’un membre inobédient et tyranique : qui
comme un animal furieux, entreprend par la violence de son appétit, soumettre
tout à soi
[22]]

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(26 déc. 2011; 06 janv. 2012, 22 janv. 2014, 28 janv 2015 ; 09 oct. 2020 ; 29 avril 2021 ; 07 sept. 2022)

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Notes et références :

[1] Dictionnaire Latin Français Félix Gaffiot, page 1056 colonne II.

[2] Dictionnaire Latin Français Félix Gaffiot, page 1051 colonne I. ob : Pour, à cause de …

[3] Dictionnaire Latin Français Félix Gaffiot, page 187 colonne II. Audio : entendre, percevoir
par les oreilles, écouter, apprendre.
[4] Dictionnaire abrégé Anatole Bailly page 22 colonne I.
[5] Dictionnaire Etymologique de la langue Grecque. Pierre Chantraine. Editions Klincksieck 1968.
Page 42 colonne I
[7] "personomountai" ("περσονομουνται") du grec "perso" et "nomos"signifiant "vivre sous la domination
des Perses.
Terme traduit par Alexis Pierron (Le théâtre d'Eschyle, Paris Chez Charpentier 1870) dans "les Perses"
par le mot "obéir, être sous la domination territoriale de….. Le mot "Nomos" ("νομος")
en grec est le territoire, ou la pièce de terre léguée par tirage au sort au colons grecs.

[8] Théâtre d'Eschyle traduction d'Alexis Pierron. Paris Charpentier, 1842. Page 108.

[9] Cicéron Questions Tusculanes traduction de M Matter. Paris Panckoucke 1834. les Tusculanes
livre II paragraphe 21, page 55

[10] Lexique Roman ou dictionnaire de la langue des Troubadours. Par M Raynouard. Paris
Chez Sylvestre, 1838. Tome IV. page 353, colonne I

[11] Geoffroy Rudel : Belhs m'es l'estius e l temps Floritz

[12] Dictionnaire Historique de l'Ancien Langage François ou glossaire de la langue Françoise.
La Curne de Sainte-Palaye, Niort 1882. Favre. Tome 8 Page 67 colonne I

[13] Dictionnaire Godefroy volume 5 page 551

[14] Quinze joyes du Mariage Ouvrage très ancien. A la Haye 1734, chez A. De Rogissart. p 122

[15] Le troubadour Folquet de Marseille (né vers 1160 mort vers 1231). Il sera ensuite abbé du Thoronet puis
evèque et, lors de la croisade des Albigeois et allié de Simon de Montfort sur les terres des comtes de
Toulouse, il sera sans pitié pour ses compatriotes.

[16] Le troubadour Folquet de Marseille Stanislav Stronski . Slatkine Reprints Genève 1968, page 20

[17] Lexique Roman. Par M Raynouard, Paris chez Sylvestre 1840. Tome trois. colonne II page 22

[18] Lexique Roman. Par M Raynouard ibid. Tome IV. Page 496, colonne I.
Pensamen, penssamen : pensée, peine, tourment, hésitation

[19] Lexique Roman ou Dictionnaire de la langue des Troubadours. Elibron Classics 2006
(réplique de l'édition de 1844 de chez Sylvestre Paris). Page 353 colonne I

[20] Poème de Guiraut Riquier (en l'an 1285) chant 62.
(Werke der Troubadours in Provenzalisher Sprache. C.A.F.
docteur Mahn. Vierter Dand, Berlin 1853. Page 64)

Mas qui fes totz los bes, que pogra far, Qui fit tous les biens qu'il pourrait faire
E ques tengues dels mals, on es tengutz, d'où régnait le mal, et est la tromperie
Et oblides so, que deu oblidar, qu'il oubliât ce qu'il doit oublier,
E decores de cor so, qu'es salutz, et apprît par cœur ce qui est le salut,
E uolgues dreg, quar dreitz es dreits semdiers, et vouloir le droit, mais le droit du bon chemin,
Qu'aissi uiuen uiu hom e non estiers, De ce qu'il vivait, lui ne peut vivre autrement
Et obezis so, qu'es d'obediensa, et obéît à ce qui est d'obéissance,
De belh saber agra belha sabensa. de beau savoir aurait belle science.

[21] Michel Eyquem de Montaigne. Essais. Livre III chapitre V.

[22] Montaigne. Les Essais. Librairie Générale Française. La pochothèque. Paris 2001.
Edition sous la direction de Jean Céard, par Denis Bjaï, Bénédicte Boudou, Jean Céard,
Isabelle Pantin. Les Essais. Livre III chapitre V,
Page 1344-1345 et note de bas de page n°13 : Désobéissant