République

Étymologie de République

Notre mot république nous vient du latin "res publica" qui signifie "les affaires, la chose publique"; la république est souvent définie comme un état dans lequel la souveraineté appartient à tous les citoyens et est exercée en leur nom par des représentants qu'ils élisent [1]

En Latin "publicus"[2] signifie ce qui concerne le peuple, qui appartient à l'état. Les "Loca publica" sont les "endroits publics"

Et le mot "république" est ainsi l'état où l'on n'obéit qu'aux lois [3].

Les "ligues" de villes, les "républiques du Nord" et les "républiques du Sud"

La "république" durant longtemps désigna ainsi les "affaires publiques" dont le commerce national et international fut l'un des fers de lance économique.

Cette activité se trouvait surtout, à la main de quelques peuples qui, favorisés par leur situation, s'étaient constitué le monopole du commerce et du transport.

Pris en le sens de "affaires publiques", les "républiques" de Tyr et de Carthagène dans l'Antiquité, puis des "républiques" de la péninsule Italienne se developpèrent au cours du moyen âge.

Au Nord de l'Europe, par contre, les villes hanséatiques s'allièrent en "guildes de métiers et marchands" à la différence des républiques comme Venise ou Gènes qui associaient des moyens pour créer des "affaires publiques".

(Ainsi durant plusieurs siècles les "affaires publiques" furent-elles le cas des républiques du Sud et les "associations de métiers" se multiplièrent-elles dans les ligue hanséatiques [4] du nord)

La république, devient le le mot désignant "ce qui est commun", "l'état" comme en l'an 726, dans la lettre du Pape Grégoire II en l'an 726 au doge de Venise :

"Ut zelo et amore sancta fidei nostroe in statu reipublicae
et imperii servicio firmi persistere…" :
("Afin que remplissant toujours avec zèle les devoirs que nous imposent
notre Sainte croyance, nous puissions, demeurer inviolablement
attachés à l'état et aux empereurs")
[5]

Le sens de "ré" (du latin "res") dans ré-publique ?

Le mot latin "res publica" (rei-publicae) possède ainsi le sens d'état, au sens de ce qui est porteur des affaires publiques plus que de la "chose" publique elle même.

En latin le mot "res" a deux sens (principaux)[6] :

- Désigne une chose, une affaire, un fait une circonstance.

- Le fait, l'acte, la réalité, le bien, l'interêt, l'avantage…

Si le mot latin "res" (ou ré) désigne la chose inerte, le mot "causa" latin désigne lui, la "cause" animée.

Et "être la cause de"… est en latin "Rei causam esse" [7] et pour Cicéron le "res ipsa monet"[8] se traduit par "la chose parle d'elle même"

Illustration 18 : Toulon : Monument de la fédération - la Liberté, ayant pour piédestal la République Française et tenant en sa main les droits de l'homme.

Le latin "res" est donc "la chose" et est ainsi en deça, un élément de "figure de pensée"[9].

Le dictionnaire étymologique Gilles Ménage donne "chose" comme formé de "causa" issue du latin "barbare"[10]

Ciceron appose le "causa" et "res" dans ses dialogues :

"causa difficilis laudare puerum; non enim res laudanda, sed spes est"

"Il est difficile de louer un enfant, car (en réalité) ce n'est pas lui qu'il faut louer, mais l'avenir qu'il promet"[11].

Le dictionnaire Godegroy donne le mot "chose"[12], ou "cose" comme étant une personne, une créature.

Le dictionnaire Nicot, donne la source latine de Chose (venant du latin "causa""[13]) et donne "Il y a moult de choses en cecy","Multa fert haec res".

Le latin "res", traduit souvent par “chose”, peut sembler assez vague. En réalité, il veut plutôt dire “chose que l’on possède”[14]. Le mot vient de la racine indo-européenne "rei-", “chose, possession”, qui a donné le sanskrit "rai-", “possession, richesse” et non les sens actuel du mot : la chose, ou objet.

La république grecque : la démocratie la politique et la cause ou la chose publique…

En grec, la "république" se dit "démokratia" ("δημοκρατια" [15]) et le mot désigant le gouvernement en général est le "politéia".

Ce mot grec "politéia"qui signifie la qualité et les droits du citoyen [16], est opposé au sens de "monarchia" et de la "tyrannis" "oligarchie" ou "démocratie" [17] et possède le sens également de "mesures de gouvernement" et concerne le principe du gouvernement des "citoyens" par les "citoyens" eux-mêmes.

La "république", l'ouvrage de Platon se nomme le "péri politéias" ("Περι πολιτείας"). Cet ouvrage sera traduit par Louis le Roy, dit Regius en l'an 1555 [18]. Le mot, "péri politéias" signifie "à propos de la ville".

La "République" de Platon et la "politique" d'Aristote :

De la politique au citoyen

Le "politeia" ("πολιτεία") vient du mot "politeo"[19] qui signifie "être citoyen", "vivre comme un citoyen" que l'on retrouve dans :

"εγω παση συνειδησει αγαθη πεπολιτευμαι"[20]
("egô pasè suneidései agathè potoliteumaï")
"globalement je me suis conduit en bon citoyen…"

A Sparte, plus encore qu'a Athènes celui qui est bien portant est celui qui porte les armes pour défendre la cité : c'est le citoyen.

Le "politeia" grec correspond à l'acception que Socrate donne au sens latin du "res-publica", "les affaires publiques".

"η δε συνταξις ολη βουλεται μεν ειναι μητε δημοκρατια μητε ολιγαρχια,
μεση δε τουτων, ην καλουσι πολιτειαν·εκ γαρ των οπλιτευοντων εστιν"
[21] :

(è dé suntachis olè bouletaï men einaï mètè démocratia mètè oligarchia
mesè de toutôn, en kalousi politeian ek gar tôn opliteuontôn estin)

Dans son ensemble, le système politique de Socrate n'est ni une démocratie, ni une oligarchie ;
c'est le gouvernement intermédiaire, qu'on nomme république, puisqu'elle se compose
de tous les citoyens qui portent les armes (Ibid traduction de Jean Barthelemy page 125)

En Grec le mot "Polis" ("πόλις ") désigne la ville gérée par ses propres lois, (une ville possédant sa citadelle par opposition au mot "astu" qui désigne l'agglomération, voir "ville") et par là désigne la chose publique, l'Etat.[22]

De la ville et de l'état au "politiké" l'association politique

Aristote dans la "Politique" [23]:

"επειδη ποσαν πόλις ορωμεν κοινωνιαν τινα ουσαν"
(epeidè posan polin orômen koïnônian tina ousan")
"Tout Etat est évidemment une association…"
[24]
ou encore "tout Etat est une association"[25]

Αυτη δε εστιν η καλουμενη πολις και η κοινωνια η πολιτικη :
(Auté dé estin è kaloumen polis kai è koïvôvia è politikè)
"celle-là, on la nomme précisément État et association politique" (Ibid Traduction de Barthélémy)
et "Porte le nom d'Etat et d'association politique" (Ibid Traduction de Jean-François Champagne,Ferdinand Hoefer,Charles Batteux)

On voit que les termes grecs "polis" et "politike" correspondent en "Etat" et "association politique".

A Rome la "république" et le "republica potissimum"

Cicéron dans "la république" [26] définit la république comme étant non la chose publique mais la "vie politique" et "les affaires de l'état".

"His rationibus tam certis tamque illustribus opponuntur
ab iis qui contra disputant, primum labores qui sint
re publica defedenda sustinendi…"

- A ces raisons et si certaines et si évidentes, qu'opposent les philosophes
que je combats? D'abord les rudes travaux sans lesquels
ou ne peut servir son pays…
[27]

- A ces raisons si solides, si évidentes, les adversaires de
cette opinion opposent d'abord les travaux inévitables de la vie politique…
[28]

- A ces raisons si certaines et si visibles nos adversaires
opposent les travaux à supporter, dans la défense de l'Etat;
[29]

Dans Ciceron "La république" livre I, Paragraphe VI la "res publica" concerne bien les affaires de l'etat, au sens des affaires concernant tous les citoyens :

"Illa autem exceptio cui probari tandem potest, quod negant sapientem suscepturum ullam rei publicae partem, extra quam si eum tempus et necessitas coegerit ?"

La Traduction de Pankroucke propose :

"Mais comment justifier l'exeption qu'ils admettent quand ils disent
que le sage ne se mêmejamais des affaires de l'état s'il y est contraint
par les cisconstances et la necessité?"

Et la traduction de M Désiré Nisard nous donne:

"Ils nous accordent une exception, il est vrai, mais qui ne peut faire
passer leur système; le sage ne doit, selon eux, se mêler
d'affaires publiques que s'il y est contraint par la nécessité
et dans des circonstances éminemment critique".

Dans le Paragraphe 21 Cicéron y décrit le "premier des citoyens", le "Prince" au sens de celui qui préside aux questions politiques. :

"Non solum ob eam causam fieri volui quod erat aequum
de republica potissimum principem reipublicae dicere…"[30]

Cette partie de phrase est traduite par "c'est d'abord parce qu'il appartient naturellement au premier citoyen de l'État de parler de la république"[31]

Et une autre traduction est : "ce n'est pas seulement parce qu'il m'a paru convenable que le plus grand citoyen de Rome prit le premier la parole dans une question politique…" [32].

En latin, le terme adequat pour le citoyen est "Cvis" [33], ici on trouve chez Cicéron le terme de "potissimum principem [34]", le prince qui est dessus des autres, le prince qui est le plus important.

La république Romaine est fondée en large partie sur le code dit "mos majorum" s'appuyant sur (Fides) la loyauté des citoyens (Gravitas) la force (Majestas) la dignité du peuples (Pietas) : le devoir (Virtus) et le courage politique.

Pour le dictionnaire Curne de Sainte Palaye, la république est [35] :

1 - un gouvernement à plusieurs "otez la seigneurie à vostre roy,
et tuez Boucicaut et tous ces François, et vivez en république"

2 - Etat au sens du latin republica : "Jeudy 8 mars 1520, supplice
d'un Espagnol pris à Saint Jean d'Angely et décapité à Saintes :
atteint et convaincu de plusieurs castilavisées assez impertinentes
au profit de la république (Journal de Louise de Savoie, Memoire de Du Bellay)

Si la république, mode de gouvernance d'une région ou d'un pays existe depuis des lustres, le mot "république", comme issu du latin "res-publica" lui, n'existe dans notre langue que depuis les années 1400 et ne sera couramment repris pour désigner les "affaires publiques" qu'au XVIIe siècle puis, à la Révolution.

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(16 août 2010, 12 sept; 23 sept ; 10 octobre , 24 novembre, 09 décembre 2010, 9 oct 2011 ; 1er mai 2021 ; 15 sept. 2022)
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Notes et références :

[1] Dictionnaire Encyclopédique illustré Armand Colin. Imprimerie Capiomont 1905. Page 823 colonne 1.

[2] Felix Gaffiot page 1273 colonne I, "Publicus" : Qui concerne le peuple, de propriété publique,
commun à tous. Ordinaire, rebattu.

[3] Nouveau Dictionnaire Français Latin, page 842 colonne I . Par Fr Noel Paris 1824. Chez Le Normant
Rue de Seine.

[4] En l'an 1241 La Hanse ou Ligue hanséatique naît par le traité entre les villes de Hambourg et de Lubeck

[5] Recherches historiques Jean-Edme-Auguste Gosselin , Paris Perisse Frères, 1845. Page 225 :
Lettre du Pape Gregoire II au doge de la république de Venise en l'an 726.

[6] Dictionnaire Falin Français Félix Gaffiot, page 1349, colonne I

[7] Nouveau dictionnaire français latin page 184 colonne I

[8] Nouveau dictionnaire français latin page 208 colonne III res ipsa monet (ciceron) la chose
parle d'elle même.

[9] Ciceron La thétorique livre IV paragraphe XXXIV : "Nunc ipsa monet, ut deinceps ad
sentarium exornationes transeamus" : "l'ordre des idées nous avertit de passer maintenant aux
figures de pensées" (Traduction de , Charles Louis Fleury Panckoucke) ou "notre plan même nous
conduit aux figures de pensées" (traduction de Joseph Victor Le clerc)

[10] Dictionnaire etymologique Gilles Ménage page 377.

[11] Traduction de Désiré Nisard Œuvres de Cicéron. Paris J. J. Dubrochet 1843. Tome 4, page 349.

[12] Cictionnaire Godegfroy volume 2, page 129.

[13] Dictionnaire Nicot

[14] L'escholier de la sorbonne : Etymologie de république source "www.sorbonnard.com"

[15] Dictionnaire Français Grec Alexandre Planche, Page 823

[16] Anatole Bailly (Hachette © 2000 , Edition 1962), page 1587 colonne II,

[17] Aristote la Politique (livre II chapitre 3) : Dans son ensemble le système politique de Socrate n'est ni une
démocratie, ni une oligarchie; c'est le gouvernement intermédiaire qu'on nomme république puis qu'elle se
compose des citoyens qui portent les armes (Jules Barthélemy St Hilaire) Paris Dumont 1848, page 73

[18] Anthologie en langue française, Volume 13, page 460. Par Jean-Claude Pole Traduction de Loys le Roy
ou Louis le Roi

[19] Anatole Bailly (Hachette © 2000 , Edition 1962) page 1587, colonne II : être citoyen, prendre part aux
affaires, administrer comme homme politique.

[20] D'après le texte grec "Bible New Advent", actes 23 1. "Moi individuellement je me suis bien conduit
en bon citoyen"

[21] La politique d'Aristote, Traduction de Jean Barthelemy Saint hilaire. Imprimerie Royale 1837.
Tome 1, Page 125

[22] Dictionnaire Français Grec Alexandre Planche, ibidem

[23] Aristote livre II chapitre I

[24] Barthélemy Saint-Hilaire, Paris Ladrange

[25] La politique d'Aristote Chapitre premier , Traduction de Jean François Champagne. Paris Lebrevre 1843.

[26] Marcus Tullius cicéron "De re publica" Livre I Paragraphe III. Edition présentée par
Ferdinand Steinackerus. Leipzig 1823.

[27] Marcus. tvlli Ciceronis de Re Pvblica Liber Primvs III Traduction de M Nisard. Paris Dubrochet 1848.

[28] Traduction editée chez Pankroucke 1840

[29] La république de cicéron traduite d'après le texte découvert par M Mai. Page 5. Paris chez Didier 1858.

[30] Cicéron, la République livre 1.Texte commenté par M Mai 2011, Bibliothécaire du Vatican et traduction
Française de M Villemain. Paris, Michaud 1823. Tome I Paragraphe 21,Page 64

[31] Traduction sous la direction de M Désiré Nisard.

[32] Œuvres complètes de cicéron, édité chez Pankroucke Paris, tome 34, page 43

[33] Emile Benveniste. Le vocabulaire des Institutions Européennes. Edition de Minuit, 1993.
Tome I Chapitre IV,
page 335 : "Ciuis est propre au vocabulaire latin, à peine représenté en italique ; en tant qu'il désigne le
"citoyen", il n'a pas de correspondant ailleurs".

[34] Dictionnaire Français latin par Fr Noel. Paris chez Le Normant père 1824. Page 770 colonne II. Le prince :
"Agir en prince, principem excercere".

[35] Dictionnaire de l'ancien François par Curne de Sainte Palaye tome 9, 1881. Niort Louis Favre.
Page 173 colonne II