Accompagnement

Étymologie de "accompagnement"

De compaing et de l’espagnol compaňo, (du latin barbare cum-panio, « qui mange le pain avec vous » [1]).

Le Dictionnaire Érudit de la langue Française donne :

- Accompagner, de l'ancien Français compain, compagnon [2] issu de cumpaignun
et du bas latin companio.

Accompagnement : Contrat entre vassal et suzerain :

Ainsi en l'année 1264 L'accompagnement est un contrat « de pariage » [3] (ou pareage [4]) entre deux seigneurs d'inégales puissances.

Accompagnement au XIIe siècle est ainsi un contrat de pariage; au sens d’association, aller ensemble sans notion de secours ou d'aide d'une des parties envers l'autre.

Pour le dictionnaire de l'Académie (tome I édition 1694) :

« Accompagnement, dans le dogmatique, Se prend
pour la suitedes principaux personnages, laquelle
eft compofée de gens qui ne parlent point.
Accompagnement , fubft. mfc. Les chofes qui en
accompagnent une autre pour l’ornement, ou pour
la commodité.
Cette chambre eft belle, mais elle n’a
pas fes accompagnements, c’eft un accompagnement
neceffaire
[5]. »

Les compagnons et les compères:

Le fabliau d'auteur anonyme, « le prestre et les deux ribaus » [6] rédigé vers l'an 1260, raconte l'histoire de deux compères avides de détrousser en jouant aux dés les pauvres bougres qui tomberaient entre leurs mains :

D'une maniere et d'un afere [7] En manière comme en affaire
Estoient li
[8] dui compaignon Etaient deux larrons [9],
Quar
[10] s'il eussent .i. paignon Qui s'ils eussent un quignon
Si
[11] le vendissent il ainsois [12] Ils le vendraient pour tel
.j. alemant ou .i. françois
[13]… A un allemand ou un François [14]

Dans le roman de la rose :

Si cum la loi les accompaigne Ainsi que la loi le leur indique
Et il redoit ses compains estre
[15] Et il doit à son tour son compagnon

Avec cette autre traduction :

Si con la loi les accompaigne La loi ne le dit autrement
Et il redoit ses compainz être
[16] Comme il doit son compagnon être

Rutebeuf de son coté écrira :

Pers aus barons, aus povres peires et aus moeins compains et frères [17]
où le Roi Thiebault de Navarre égal des barons est père des pauvres,
voire des "moeins
[18]compains" qui seraient moins "compères" et frères…

La chanson de Roland nous donne également dans la laisse 107 (paragraphe CVII) [19]:

Danz Oliver trait ad sa bone espée Sire Olivier a tiré sa bonne épée
Que ses cumpainz Rollans que son compagnon Roland
ad tant demandée, lui a tant demandée,
E il li ad cum chevaler mustrée ; et il l’a brandie en vrai chevalier.
Fiert un paine Justin de Val-Ferrée, Il frappe un païen, Justin de Valferrée,
Tute la teste li ad parmi severée, il lui partage en deux toute la tête,
Trenchet le cors e bronie safrée, il lui tranche le corps et la brogne
[20] safrée [21],
La bone sele ki à or est gemmée, la bonne selle aux gemmes sertie d’or,
E al ceval a l'eschine tranchée; et du cheval il a tranché l’échine.
Tut abat mort devant loi en la prée. Il les abat morts devant lui dans le pré.

Dans le dictionnaire de la langue française [22] a le sens d’ « affectatio, comitatus, confociatio ».

Et « accompaignement pour faire honheur à aucun, affectatio officiofa, afsiduitas» [23] ; dans le dictionnaire français latin de 1564 de Maître Jean Thierry rédigé avec l’aide et diligence de gens savants, dont sera issu le Thresor de la langue francoise de Jean Nicot en 1606.

Le compagnon de partage, le copain, l’acolythe et le camarade:

Accompagner vient ainsi de compagnon (et son dérivé tardif la compagne) et, vers 1100, de cumpainz qui est celui qui vit ordinairement avec quelqu'un.

Le bas latin companio, ou cum panis est issu du latin cum (signifiant avec) et du mot Picard et Wallon paignon [24], un petit pain [25]. Le dictionnaire Jean Nicot [26]indique « le même Picard, dit paignon en diminutif de pain ».

Si en grec un compagnon est un « akolouthos » (ᾰκόλουθος [27]), le compagnon de route ; celui qui fait, ou qui comme un acolyte partage une chose avec un autre est un « koinonos » (κοινωνός au sens de ce qui est joint, associé) et la camaraderie se dit « koinonia » (κοινωνία [28]).

Les sept sages ont laissé, sur le fronton du temple de Delphes, en Grèce antique la maxime suivante (n° 32) concernant le koinos (κοινόσ [29]) :

Κοινός γіνου [30] (Koinos ginou) sois impartial,
[au sens de : ‘interesse toi aux affaires publiques’]

[Noter que le sens de koinos concerne là ce qui est commun, en sera issu le mot latin Coena, la cène, parce que les anciens mangaient en commun [31].]

Ces mots sont des composés du préfixe issu de la racine indo Européenne " kom ", signifiant " avec ", " à coté ", " en face de ".

De ce préfixe viendront les préfixes " con-" ou " contra " qui signifie " contre ".
Ainsi la " contrée " est la terre située " en face " de la ville et le " compagnon ", celui en face de qui on brise le pain.
[32]

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(22 août 2010 ; 26 août, 16 Janv 2011, 20 mars, 19 déc. 2013 ; 26 avril , 08 mai ; 13 oct. 2017 ;
21 avril 2021 ; 27 sept. 2022)

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Notes et références :

[1] Dictionnaire d’Etymologie française par Auguste Scheller. Charles Muquardt, Bruxelles 1873.
Page 100 colonne II.

[2] Dictionnaire erudit de la langue Française, Larousse 1979. Edition 2009, page 14 colonne II.

[3] Source CNTRL : Accompagnement, étymologie contrat de pariage (Lettre de Thibaud de Champagne)

[4] Dictionnaire Godefroy. Volume 5, page 769. Colonne I

[5] Dictionnaire de l'Académie Française Tome premier A - L . (1694)
Chez la veuve de Jean Baptiste Coignard ruë S. Jacques
à la bible d’or et Chez Jean Baptiste Coignard ruë S. Jacques au livre d’or. Page 219 colonne II.
[6] Texte "Du prêtre et des .ij. ribaus

[7] Nouveau recueil complet de fabliaux. Willem Noomen. Van Gorcum, ASSEN, 1993, Pays-Bas.
Tome VII Glossaire page 416. afaire , affaire, afere, besogne, cas, situation.
Et Dictionnaire critique de la langue Française Jean François Féraud. A Marseille chez Jean Moissy 1787.
Tome I, page 52 Afaire: état, affaire :

[8] Grammaire général et historique de la langue français M Poitevin. Paris au Bureaux du Magasin Pittoresque
rue Jacob. 1856. "Li" : le, les, la. Page 90

[9] Le compaignon est une "sorte de monnaie" pour le dictionnaire Godefroy (page 202), et compagnon
etant veux qui partagent e paigin, une sorte de petit pain.En l'occurrence dans ce fabliau de compaigonons
en question pargent le pain, certes, mais aussi le fait de vouloir détrousser leurs victimes.
En ce sens Fripons n'est que la traduction non du mot "compaignon" mais du comportement des deux "voyous".

[10] Origine et formation de la langue française, Volume 3, Par Joseph Balt. A: Albin €d'Abel Chevallet)
page 389 Tome trois. Paris Imprimerie Impériale 1858). En langue d'oïl "quar", car, conjonction équivalait
à la préposition "donc", ou en effet, parce que.

[11] Si : De cette manière.

[12] Grammaire et syntaxe Françoise. A Paris, 1625. Chez Adrian Bacot. Page 177). Ainsois, Ainçoys :
Mais, toutefois, Ainsi…

[13] Nouveau recueil complet des fabliaux. (NRCF) Publié par Willem Noomen, et Nico van den Boogaard.
Van Gorcum 1990.
"Le prestre et les deux ribauds", texte diplomatique, page 151, vers 20 à 24 : "un allemant ou un François"

[14] Le vendre "pour tel" (ainsoit) et si nos compères pouvaient en exagerer le prix, ils ne ménageraient pas
leur victime !

[15] Roman de la Rose, (vers 10 179 et 10 180) Edition de Francisque Michel Paris Didot 1864, page 313

[16] Roman de la Rose , (vers 9 398 et 9 399) Paris Librairie Champion 1973. Edition publiée par Félix Lecoy,
Tome II page 36

[17] Rutebeuf "la Complainte du roi de Navarre" vers 44 "Egal aux barons, et père des pauvres et des
moins compagnons et frères"

[18] Dictionnaire universel de la langue française, Volume 2, Par Claude-Marie Gattel page 192 :
De moins haute lignée.

[19] Chanson de roland à Roncevaux par Francisque Michel, page 190. Paris Firmin Didot 1869.

[20] "Broigne" ancien vêtement militaire, sorte de gilet qui est une cuirasse ou cotte de maille.

[21] La chanson de Roland (vers 712) par M François Génin. Imprimerie nationale M DCCC L (1850)
page 393 Orné d'orfroi (aurum phrygium aurifres) avec une frange ou un galon.

[22] Thresor de la langue francoyse, tant ancienne que Moderne. [Dont la moitié ]Par Jean Nicot.
A Paris chez David Dovcevr,
Libraire juré, rüe fainct Iaques, 1606. Page 7 colonne I.

[23] Dictionnaire Francoiflatin. Corrigé et augmenté par Maiftre Iehan Thierry auec l’aide & diligence
de gens fcauants. Paris Chez J du Puys à l’enfeigne de la Samaritaine, 1564. Page 7 colonne II.
affectatio officiofa, afsiduitas : serviable, assidu.

[24] Antoine Thomas. Etymologie du mot français compagnon. In: Comptes-rendus des séances de l'année.
- Académie des inscriptions et belles-lettres, 75e année, N. 1, 1931. pp. 79-86

[25] Dictionnaire Frédéric Godefroy Paris 1881-1902. Page 689. Paignon, paingnon, pagnon, paignon, petit pain.

[26] Thresor de la langue francoyse, tant ancienne que Moderne. [Dont la moitié ] Par Jean Nicot.
A Paris chez David Dovcevr,
Libraire juré, rüe fainct Iaques, 1606. Page 134 colonne II.

[27] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly. Librairie Hachette. Paris 1950. Seizième édition.

Page 62 colonne I : compagnon de route, d’où qui suit, qui accompagne.

[28] Dictionnaire Grec anglais Woodhouse page 150, colonne I

[29] En ce sens "Κοινος" signifie ce qui est commun à plusieurs, mais aussi ce qui est commun à tout le peuple, l'état,

les affaires publiques, qui est équitable. Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly Hachette

Edition 1963, page 1110 colonne II.

[30] "Υποθηκαι των επτα"Les commandements des sept sages (Strobaeus & Hense) Al N Oikomides. 32e maxime..

[31] Dictionnaire universel de la langue française par Claude-Marie Gattel. Lyon 1813, chez Mme J Buynand.
Page 301. colonne II

[32] The Origins of English Words: A Discursive Dictionary of Indo-European Roots.
Par Joseph Twadell Shipley. Baltimore Maryland 1984. Introduction page xiii.