Dassault Mirage IV

L’histoire de cet appareil débute en 1956, quand le gouvernement français (emmené par son premier ministre Guy Mollet) dépose un cahier de charge concernant un bombardier qui soit à même d’emporter une bombe atomique de deux tonnes sur une distance de 2000 km (sans ravitaillement en vol)… et ce encore bien à une vitesse supersonique, ce qui à l’époque fut jugé irréaliste par de nombreux spécialistes.

Passage à basse altitude ce 22 décembre 1986, de ce Mirage IV A, 31-BD, qui appartenait à l'Escadron de bombardement EB 1/91 "Gascogne" de la base aérienne 118 Mont-de-Marsan / Landes, Aquitaine (France) (Courtesy, PH2 Ron Ambroseno)

Toujours est-il que deux concurrents tentent leur chance : d’un côté Nord et Sud aviation se mettent ensemble pour proposer une extrapolation agrandie du biréacteur « Vautour » annoncée comme à même de croiser à 0 ,9 mach avec un rayon d’action de 2700 km ; de l’autre Dassault propose le Mirage IV… et est déclaré vainqueur en avril 1957. Basé sur le Mirage III, le bombardier stratégique à venir n’en est pas moins beaucoup plus grand avec tout ce que cela implique au niveau de la surface alaire (le double du Mirage III) ;de la motorisation (deux réacteurs au lieu d’un) ; de la capacité en emport de carburant (le triple du Mirage III) logé dans plusieurs réservoirs dont un intégré dans la dérive verticale ; du revêtement qui intègre du titanium par endroits (et cela dans la perspective de rendre la cellule apte à de longs vols en croisière supersonique) ; etc.

La construction du prototype à Saint Cloud (Paris) s’étendra sur 18 mois et fin 1958 l’appareil est acheminé à Melun Villaroche, pour les essais en vol dont le premier aura lieu le 17 juin 1959 avec le pilote Roland Glavany aux commandes… tout comme pour le troisième vol de cet appareil au salon du Bourget le 20 juin 1959, en présence du président Charles de Gaulle. Deux records de vitesse au cours de l’année 1960 confirment la capacité supersonique de l’avion : l’un le 19 septembre (1822 km/h sur un circuit fermé de 1000km entre Paris et Melun) ; l’autre le 23 septembre (1972 km/h sur un circuit fermé de 500 km). Dassault envisage alors d’extrapoler un appareil encore plus grand le Mirage IVB ayant un rayon d’action accru… et un prix beaucoup plus élevé par appareil, bien au-delà du budget envisagé alors par la Défense qui du coup se déclare beaucoup moins intéressée.

Mirage IV de l'escadron 1/91 "Gascogne" en mission de reconnaissance au-dessus d'un champ pétrolier en flammes en 1991 suite à la guerre du Golfe. (Courtesy, USAF)

Donc un peu forcé, Dassault réduit la voilure, mais propose quand même un Mirage IV A (légèrement plus grand que le prototype) dont trois exemplaires sont construits entre 1961 et 1963, le dernier d’entre eux étant rendu à même de se ravitailler en vol et pourvu de ses systèmes de navigation et bombardement. Et le 7 décembre 1963 a lieu le vol initial du premier exemplaire de série, dont 62 appareils seront commandés et entreront en service entre 1964 et 1968. A partir de 1972 , douze exemplaires de ce lot sont aménagés en version reconnaissance et reçoivent, en lieu et place de leur bombe atomique, un pod CT-52 pourvu de caméras classiques et dont la première mise en œuvre opérationnelle aura lieu au Tchad en 1974. Et au cours des années quatre-vingt, 18 autres appareils sont modernisés afin de leur permettre d’emporter le missile de croisière ASMP (Air-Sol Moyenne portée) de technologie plus récente. Les versions de bombardement seront retirées du service en 1996 et celles de Reconnaissance en 2005. Et le Mirage 2000 N prendra la relève pour ce qui est de la dissuasion nucléaire.

Enfin encore un point qui le distingue du Mirage III, l’absence de vente à l’export même si l’Australie avait été pressentie (quand cette dernière voulut remplacer ses English Electra Canberra en 1963) ; ou encore la Grande Bretagne (suite à l’abandon du BAC TSR-2). Cela ne se fera pas ni dans un cas, ni dans l’autre, mais avec la consolation que les pilotes de la Royal Air Force qui avaient eu entre les mains l’appareil se déclarèrent agréablement surpris par les capacités du Mirage IV à évoluer à basse altitude.

xxx