Transgabon

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, Jean-Claude Brouillet, qui vient de se former comme pilote aux Etats-Unis, débarque au Gabon pour y créer une compagnie aérienne… mais voilà l’administration locale ne veut pas en entendre parler. Aussi se lance-t’il dans le transport routier ce qui lui réussira puisque en 1947, sa société est forte d’une flotte de cinq camions. Cependant le rêve d’Icare le poursuit et il va faire la connaissance de deux personnes qui vont faciliter sa concrétisation : Léon M’Ba (alors chef de village… mais qui deviendra par la suite le premier président de la République du Gabon) et Louis Laurent (ingénieur chez Farman). Et il se fait que ce dernier connaît bien et l’aviation et l’Afrique de l’Ouest aussi J-C Brouillet l’engage à son service… ce qui l’arrange bien car J-C Brouillet vient alors, nous sommes en 1948, d’acheter un biplan De Havilland DH82 Tiger Moth en Angleterre et ainsi ils ne seront pas trop de deux pour le convoyer par les airs jusqu’à Libreville via le Cameroun.

Douglas DC-6

Seulement pas de chance, un peu après être arrivé à destination, une tempête a raison du pauvre petit avion… voilà une bien triste façon de casser du bois, mais à ce propos, le secours viendra de bûcherons locaux avides de liaisons rapides intérieures qui accordent un prêt de cinq millions de francs à J-C Brouillet. Celui-ci acquiert en France un De Havilland DH-89 Dragon Rapide alors que ses amis bûcherons aménagent des terrains en aérodromes de fortune et que son employé Louis Laurent reconstruit un Tiger Moth à partir de deux épaves. Et enfin tombe l’autorisation d’exploitation pour six mois d’un service aérien postal pour la ligne Bitam-Oyem-Booué et Lambaréné. Parallèlement à ce contrat, J-C Brouillet commence de développer à l’essai une activité passagers (pour ces braves bûcherons entre autres), mais Air France débarque alors comme un chien dans un jeu de quilles et demande à avoir le monopole en ce domaine. Le Gouverneur général ne l’entendra pas de cette oreille et autorise J-C Brouillet à continuer ses essais sur la ligne Libreville-Equata-Dome les Barnes (Maridot)-Gongoue-Port Gentil dont l’exploitation débutera en 1951 dans le cadre de la toute nouvelle compagnie « TAG – Transports aériens du Gabon » avec 2300 passagers au compteur au terme du premier exercice annuel.

HS 748

Cela incite Transgabon a acquérir d’autres Dragon Rapide et a adopté une tactique commerciale agressive face à Air France et UTA qui cherchent à lui voler des parts de marché… mais avec le temps et l’acquisition de nouveaux avions (Dragon Rapide et Douglas DC-3), les choses vont s’arranger entre les trois compagnies aériennes au sens où UTA et Air France délégueront à Transgabon le suivi de leur passagers sur les lignes domestiques et Transgabon amènera les passagers locaux vers les aéroports internationaux d’où opèrent UTA et Air France.

Suite à l’indépendance du pays en 1960, la donne change encore, Air France cède ses droits de trafic à UTA et le Gabon étant devenu membre de « Air Afrique » le 21 juin 1961, Transgabon peut désormais effectuer des vols domestiques voire même internationaux si cela se met. Entre 1961 et 1964, J-C Brouillet suggère que sa compagnie soit nationalisée, mais finalement elle sera achetée par UTA. Fin de parcours pour J-C Brouillet qui se retire, mais reviendra à l’aviation via Corsair dont il sera un des fondateurs.


Il n’a pas en tout cas à rougir de ce qu’il laisse à ses successeurs, une compagnie aérienne qui au cours de l’année 1965 véhiculera plus de 70 000 passagers. Et en 1968, Transgabon est la première compagnie africaine à mettre en service un Britten Norman BN-2 Islander sur ses lignes courtes. En juillet 1968, cette compagnie, qui dessert alors 40 destinations (dont certaines au Congo ou en Guinée espagnole (Guinée Ecuatoriale), est nationalisée sous le nom de Société nationale Transgabon (SNT) avec pour actionnaires principaux l’Etat et « Air Afrique ». Entre 1971 et 1977, Transgabon achète deux Hawker Siddeley HS-748 et deux Douglas DC-6 et le Gabon se retire du consortium Air Afrique pour voler de ses propres ailes et Transgabon disparaît au profit de « Air Gabon ».

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