Ma méthode d'observation

LE MEMOBSER

Sans l'aide de l'informatique, l'analyse d'un match nécessite plusieurs semaines de travail et devient très fastidieuse. Et les résultats, que je vais présenter, n'auraient pas pu être obtenus sans l'aide d'outil informatique tel que le MEMOBSER qui traite environ 3000 données par match en quelques minutes.

La prise d'information s'effectue toujours en temps réel, soit en observation directe pendant le match soit en observation différée à partir de la vidéo. Les données, associées à une grille d'observation programmée, sont enregistrées puis traitées, par l'ordinateur qui fournit les résultats sur écran ou sur imprimante.

La façon méthodique de l'observation et le calcul statistique permettent d'évaluer les critères et de les comparer ou de les corréler entre eux.

La difficulté fût, certes, de définir des critères simples à analyser. La première réaction est de tout analysé. En fait, la maîtrise de chaque critère s’est effectuée par approche successive. L'étude d’un critère a amené l'étude d’autres paramètres, et ainsi, pas à pas, la connaissance relative à chaque critère étudié s’est enrichie.

Mon étonnement fût de constater que les lois statistiques s'appliquaient parfaitement aux analyses des données, confirmant par-là que le football est un jeu plein de hasard.

Ce premier constat fût rassurant, car la " Statistique " est un outil scientifique qui oblige la maîtrise des observations (périmètre, caractères relevés, conditions de relevé), le respect de l'exigence mathématique.

L’utilisation de la statistique améliore la confiance dans le résultat et permet, surtout, au statisticien d’identifier les causes des écarts significatifs ou systématiques et laisse à l’entraîneur l’explication de ces causes.

De plus, les tests statistiques (par exemple Ki deux) aident à vérifier si les hypothèses émises sur l’échantillon retenu sont suffisamment dues au hasard de l’échantillonnage et compatibles des lois théoriques pour être étendues à la population entière

Ainsi, le nombre de tirs par match, le nombre de passes par séquence, etc., sont des variables aléatoires (V.A) qui peuvent prendre une infinité de valeurs de façon aléatoire et non dépendante entre elles. Un match comporte un nombre quelconque de tirs ou de séquences qui ne dépendent pas des matchs précédents.

Il devient donc possible de déterminer les probabilités individuelles d’obtention d’une valeur (Vi) en comptant le nombre de fois que cette valeur réapparaît et en établissant un état de la distribution.

Puis, dans un deuxième temps, de vérifier les écarts par rapport à une loi théorique en utilisant un test statistique. Et, selon la nature du résultat, de chercher une autre loi de distribution, de compléter l’échantillon ou d’en déduire que les causes de variation sont dues à des caractères systématiques.

Le MEMOBSER est un outil informatique qui enregistre à l’aide d’une tablette graphique et d’une grille d’observation préalablement programmée, les actions des joueurs, dans chacune des seize zones, virtuellement délimitées sur le terrain.

Un programme traite et visualise instantanément les informations enregistrées.

MEMOBSER - Outils InformatiquesLa grille d’observation est définie par l’entraîneur en fonction des paramètres spécifiques qu’il veut observer. Il est bien sûr possible de définir d’autres grilles pour observer d’autres paramètres.

La grille d’observation (fig3) que nous avons utilisé pour nos observations, permet d’enregistrer plusieurs types de données (zones du terrain, action effectuée, le numéro du joueur).

Pour nos observations nous avons quadrillé le terrain est en 16 zones.

MEMOBSER - Numérotation des Zones du terrainLa grille d’observation programmée permet de traiter et d’enregistrer les données que l’on veut observer.

Cette grille de type général traite environ 3000 données par matchs.

MEMOBSER - Grille d’Observation

Je choisis la grille d’observation en fonction des paramètres que l'entraîneur veut analyser. Par exemple A. JORGE ne voulait que des informations sur la perte (Qui, ou, Comment) et la récupération du ballon ( qui, ou, comment ) .

Pour mes besoins et à la demande d'autres entraîneurs, j'ai développé par approche successive la grille présentée ci-dessus qui permet une observation complète d'un match centrée autour du ballon.

Il n'est pas possible de noter et d'observer tous les faits d'un match quelle que soit la grille. J'ai donc choisi de concentrer l'observation sur des éléments tactiques et techniques.

D'autres grilles me permettent de mesurer la distance parcourue par les joueurs lors d'un match . D'autres me permettent de ne m'intéresser qu'aux pertes et gains du ballon par l'équipe

Pour des besoins spécifiques, par exemple "mesure des temps de jeu et des temps de repos", j'ai développé une grille spécifique que j'ai intégrée par la suite à celle ci. .

J'enregistre aussi l'endroit où se déroule l'action. Le terrain, quadrillé en 16 zones, permet une observation plus rationnelle du jeu et plus proche de la théorie du football. L'espace est une notion importante pour l'analyse du jeu. Les informations relatives à l'espace permettent de reconstituer la géométrie des enchaînements, des remontées du ballon.

La grille présentée ci dessus enregistre-le QUI : le numéro du joueur, le OU : la zone d'évolution et le QUOI : l'action..

Cette grille permet de traiter de 3000 à 4000 données par matchs.

Il est bien sûr possible de définir et de réaliser de la même façon d’autres grilles.

L'utilisation de la méthode

Lorsque j'observe, je dois porter un jugement objectif sur ce j'ai vu. Je dois lire clairement le jeu et retenir du contexte très mobile et fugitif des multiples actions qui se succèdent en échappant au côté émotionnel.

Je dois ensuite transmettre à l'entraîneur le plus objectivement possible les éléments qui vont lui permettre d'apporter des corrections, des remèdes pour améliorer les performances de joueurs, de l'équipe.

Pour observer, je me place dans des conditions qui me permettent de ne pas être gêné par l'entourage (Tribune de presse).

Enfin, je lis calmement le jeu et j'enregistre en même temps que se déroule le match, les données que l'on a préalablement décidées d'observer.

A la mi-temps ou à la fin du match, je prépare les résultats et je fais la restitution des faits observés. Mon but de faire une analyse approfondie du match.

En suite, les données des matchs observés sont enregistrées dans une base de donnée et constituées les échantillons qui vont me permettre de faire l'analyse du jeu.

La pratique répétée de l'observation m'habitue à mieux lire le jeu et à mieux retenir les passages importants. Pour si bénéfique que soit mon aptitude à lire le jeu pour approfondir la connaissance du jeu, je dois m'appliquer à rechercher les éléments fondamentaux du jeu, les critères d'efficacité.

C'est une tâche ardue qui demande de la réflexion, de l'imagination tout en gardant le sens du réel et de la détermination.

Restitution des résultats - exemple d'application

L'exemple présenté est une restitution sous forme graphique une partie des résultats d'un match

Le bloc équipe est allongé trop les deux défenseurs centraux jouent en retrait et laissent une zone inoccupée entre eux et les demi-défensifs qui jouent près des attaquants

L'équipe joue en 2-5-3 avec une récupération haute dans le camp adverse

Le diagramme des passes :

Les liaisons ont lieu principalement entre les joueurs de couloir. L'arrière droit fait des passes au demi droit (27), à l'avant centre (9) et à l'attaquant droit (14). Le jeu est très latéralisé.

Les trajets préférentiels :

Les trajets se font de préférence côté droit.

Une grande partie de trajets passent par la zone offensive centrale droite qui est la zone d'évolution du joueur 14. Les ballons sont ensuite donnés vers la zone de finition droite devant le but adverse pour chercher la tête de l'attaquant.

Les trajets efficaces :

Les trajets qui se terminent par un tir passent par le côté droit (zone offensive latérale droite). L'approche s'effectue côté droit

Le dispositif :

Le déplacement des défenseurs

Les défenseurs latéraux se déplacent dans tous les couloirs latéraux

Les défenseurs centraux effectuent une couverture large dans les zones défensives.

Les 2 demi-défensifs couvrent les zones centrales autour du milieu

Le déplacement des attaquants :

Le demi doit occupe le côté droit

L'avant centre se déplace dans les zones offensives axiales entouré de 2 demi-offensifs

Les joueurs intervenants dans les parcours efficaces :

L'attaquant n'est efficace que sur des ballons venant des joueurs du côté gauche

Le joueur 6 qui n'apparaît pas dans le diagramme des passes participe beaucoup dans les trajets efficaces.

Graphiques de restitution

    • le diagramme du dispositif. Les joueurs sont placés en fonction du barycentre de leur déplacement

    • le diagramme des passes. Le diagramme ne présente que les passes dont la fréquence est supérieure à 7 en bleu et 10 en rouge,

    • les trajets efficaces de l'équipe pour réaliser sa phase d'approche,

    • les écarts entre les duels gagnés et perdus en fonction des zones.

A partir de ces diagrammes on peut faire les remarques suivantes :

    • le bloc équipe est distendu : les joueurs 13 et 3 jouent bas les demi défensifs jouent près des attaquants

    • le bloc est placé haut avec utilisation du pressing

    • les joueurs de couloirs 8 et 2 sont deux joueurs actifs pour le dispositif,

    • les relations, les passes s'effectuent sur les côtés, la remontée du ballon se fait surtout dans les couloirs latéraux. Le côté droit est plus souvent utilisé pour la phase d'approche

    • L'équipe est défensivement plus homogène du côté gauche.

LA RESPONSABILITÉ DE L'OBSERVATEUR

En tant qu'observateur, mon rôle est d'apporter aux entraîneurs des informations auxquelles ils ont confiance pour renforcer leurs certitudes, leur amener une plus grande sérénité dans la connaissance de leur joueur, de leur équipe, de leur collectif et d'apporter une connaissance approfondie de l'adversaire ce qui les rassure lors des présentatifs d'avant match.

Le résultat n'est pas du au hasard, surtout chez les professionnels. Mais ce hasard existe. Mon rôle est de le réduire pour augmenter ces chances de succès.

J'apporte l'information, le détail qui fait peut-être basculer un match.

ENGAGEMENT PERSONNEL

L'analyse statistique du jeu est très contraignante et lorsqu'une hypothèse est vérifiée, il faut de nouveau innover, émettre une nouvelle hypothèse, saisir suffisamment de nouvelles données, les traiter puis de nouveau en vérifier la véracité et ainsi de suite. Ce processus itératif est une démarche continue de progrès. On rapprochera cette démarche de la démarche de l'apprentissage. C'est ainsi que ma connaissance évolue.

Ce que j'ai appris, j'essaie maintenant de le partager avec d'autres éducateurs en faisant paraître des articles, en éditant des livres, en participant aux formations des étudiants et aux recyclages des cadres.

IMPLANTATION DE L'OBSERVATION DANS LES CLUBS

Les entraîneurs de club professionnels et surtout ceux des clubs amateur font peu d'observation méthodique du jeu et encore moins d'analyse du jeu. Ils sont trop "pris " par le match pour prendre le recul nécessaire.

Certains clubs professionnels font appel à des sociétés de service (par exemple DSP société italienne) pour obtenir des informations et des résultats sous forme de documents papier.

La majorité des entraîneurs observent à la vidéo et prennent des notes (dessin, ..). Ils observent mais n'analysent pas le jeu. Cela leur paraît suffisant pour évaluer leur joueur ou établir un plan de jeu pour la rencontre suivante.

L'observation méthodique est une tâche fastidieuse. Les entraîneurs amateurs ne s'y investissent pas. Ils ne demandent pas à leur club d'investir en moyen humain et informatique. Pourtant tous les entraîneurs sont à l'affût d'informations, de détails qui leur permettent d'augmenter leur performance.

A leur décharge, les systèmes informatiques actuellement disponibles sur le marché sont relativement complexes et coûtent très cher (de l'ordre 10 000 Euro par match). Et les systèmes moins onéreux ne sont pas commercialisés car peu rémunérateurs. Quelques clubs font néanmoins des tentatives (Nantes, Auxerre) avec des étudiants en STAPS.

En France, les entraîneurs restent très discrets sur leur méthode et les résultats des observations. Au contraire d'autres sports le football est très en retard sur l'utilisation de l'observation méthodique des matchs.

En Angleterre et en Italie les clubs professionnels sont presque tous équipés de moyens informatiques d'observation.

La difficulté reste au niveau de la saisie, des essais ont été effectués pour utiliser la reconnaissance de la parole pour la saisie des données mais les études sont restées au stade du laboratoire.

VOTRE CONNAISSANCE N'EVOLUERA QUE PAR L'OBSERVATION DES MATCHS

ET LA MISE EN PRATIQUE DE VOS OBSERVATIONS SUR LE TERRAIN