Utilisation de la fréquence cardiaque pour le suivi de l'entraînement

La FC peut servir à fixer ou à contrôler l'effort effectué.

Contrôler l'effort et suivre l'entraînement

Contrôler l'entraînement c'est, une fois une séance ou un cycle d'entraînement réalisé, revenir dessus et se poser une question : que signifie l'impact observé ?

Cette question renvoie à l'évolution cardiaque attendue en fonction de l'entraînement effectué. La réponse passe par la prise en compte des indices mesurés et de leur évolution avec l'entraînement.

Que mesurer ?

4 points clés de l'évolution cardiaque peuvent être relevés pendant une séance :

    • la rapidité de la transition entre le repos et l'effort : passage de la FC de repos à la FC d'exercice

    • le niveau atteint à chaque vitesse de course

    • la dérive cardiaque : pendant l'exercice, la FC a tendance à augmenter en dépit d'une intensité restée stable. C'est cette élévation que nous avons appelée dérive cardiaque dans le chapitre précédent.

    • la rapidité de la récupération : à la fin de l'exercice, la fréquence cardiaque diminue plus ou moins rapidement.

Enfin, deux indices supplémentaires peuvent être ajoutés dans le cadre du suivi de l'entraînement : les fréquences maximales et de repos.

Six paramètres cardiaques utilisés pour le suivi de l'entraînement :

1 la transition

2 le niveau atteint à chaque effort

3 la dérive cardiaque

4 la récupération

5 la FC maximale

6 la FC de repos

Evolution de la fréquence cardiaque avec la vitesse de course aérobie avant et après une période d'entraînement

Pour une même puissance absolue d'exercice, la fréquence cardiaque diminue donc après une période d'entraînement (Billat et al 1999). Ainsi, si suite à quelques semaines de pratique, l'athlète repère une baisse de sa FC sur un parcours effectué à la même vitesse qu'avant l'entraînement, c'est certainement qu'il a progressé.

Cette baisse se retrouve au cours des exercices réalisés à vitesse constante ou sous forme de fractionné.

Ces valeurs évoluent différemment selon la difficulté de la séance et l'état de forme du sportif. Leur dynamique permet d'évaluer l'impact physiologique d'une séance ou d'une période d'entraînement sur un organisme.

Interpréter les effets d'une séance et d'un processus d'entraînement

Avant de voir les évolutions des critères cardiaques retenus, revenons sur le passage qui précède.

Dans nos propos, nous mêlons allègrement effets d'entraînements, difficulté d'un exercice et état de forme ou de fatigue d'un athlète. Si nous nous permettons ces mélanges c'est simplement que, selon le contexte, une même évolution cardiaque peut traduire ces trois notions.

Un exercice physique produit un impact physiologique sur l'organisme qui le réalise. Or, cet impact est à l'interface entre une difficulté externe (l'exercice) et une réponse interne (l'organisme qui réalise l'exercice).

Ainsi, l'impact ressenti peut être le fait :

1) de l'intensité de l'exercice (charge externe qui peut être objectivée par la vitesse par exemple)

2) de l'état physiologique de l'athlète lequel peut être du à des facteurs passagers (forme ou fatigue du moment) ou plus durables (effets d'entraînement).

C'est le contexte dans lequel la mesure cardiaque est effectuée qui va permettre de faire la part de ces influences. Une réponse cardiaque plus faible est le reflet d'un moindre impact de l'exercice sur l'organisme. A l'athlète et à l'entraîneur de déterminer si ceci est le fait d'une moindre intensité de l'exercice (charge extérieure évaluée par exemple par la vitesse de course) ou d'une meilleure capacité du sportif (adaptations internes suite à un entraînement par exemple).

Ainsi, dans ce qui suit, nous pourrons parler tout aussi bien d'une séance facile que d'un entraînement bien réalisé ; d'une séance dure que d'un entraînement aux effets néfastes ou d'une fatigue du sportif.

L'explication est certainement confuse mais elle va s'éclaircir à la lecture des exemples qui suivent. Commençons par parler du niveau de FC atteint à chaque vitesse de course.

1.1 Effets d'entraînement sur le niveau des FC à chaque vitesse de course

L'évolution de la fréquence cardiaque en général et le niveau du seuil cardiaque (point de déflexion) en particulier sont modifiés par l'état d'entraînement, de désentraînement ou de fatigue du sportif (par exemple, Lehnertz et Martin, 1988).

Cet effet peut être perçu sur les différents types d'exercice.

Pendant un test progressif, des athlètes bien entraînés dans le domaine de l'endurance présentent une courbe nettement plus aplanie avec un point de déflexion survenant plus tardivement (figure ci-dessous). Pour une FC identique, ils peuvent fournir une charge de travail plus élevée. A ce titre, l'adaptation cardiaque présente un intérêt indéniable pour le suivi de l'entraînement (Howald in Herren et al, 1988). Il suffit de faire un test progressif avant et après une période d'entraînement pour faire le constat ou non d'une évolution cardiaque correspondant à une amélioration de l'aptitude aérobie (décalage de la courbe vers la droite).

Evolution de la fréquence cardiaque au cours d'un footing réalisé à la même vitesse

avant et après une période d'entraînement

Le profil présenté ci-dessus serait proche si nous avions comparé, à quelques jours d'intervalle, un exercice intense et un exercice léger.

Outre, la valeur cardiaque plus faible associée à une même allure de course, les autres paramètres cardiaques que nous avons donnés montrent eux-aussi une évolution significative.

1.2 La transition entre le repos et l'effort

L'adaptation cardiaque à l'effort est plus rapide chez des athlètes de niveau supérieur (Courteix et al 1995). Après une période d'entraînement, un athlète met donc moins de temps pour atteindre une certaine stabilité de FC. Cette évolution est particulièrement visible au niveau de la figure montrant l'évolution cardiaque observée pendant un footing rapide (partie verticale de la courbe).

En revanche, elle est difficile à prendre en compte dans le cadre du suivi de l'entraînement. C'est, en général, un indice qui n'est pas utilisé.

1.3 La dérive cardiaque

Nous avons signalé, dans la première partie, que la FC pouvait très bien ne jamais se stabiliser même si la vitesse restait identique. Nous avons appelé "dérive cardiaque" cette différence de FC repérée entre le début et la fin de l'exercice. Cette dérive montre que la durée de l'effort comme l'intensité a un impact sur l'évolution de la FC.

Cette dérive est, elle aussi, réduite suite à une période d'entraînement.

Dérive cardiaque relevée au cours d'une séance de fractionné (5x1000)

réalisée avant et après une période d'entraînement.

La figure ci-dessus présente la dérive cardiaque observée au cours d'un même exercice effectué avant et après une phase d'entraînement. Rappelons que si nous faisions la représentation de deux exercices réalisés la même semaine mais à des intensités différentes, le schéma serait exactement le même. L'exercice difficile provoquerait une dérive importante alors que l'exercice facile pourrait ne pas induire de dérive cardiaque. La stabilité de la fréquence cardiaque est simplement l'indice d'une bonne adaptation à l'effort que celle-ci soit le fait de l'exercice ou de l'état d'entraînement.

Le niveau d'adaptation cardiaque à l'exercice peut aussi être donné par la FC de récupération.

1.4 FC de récupération

A l'issue d'un effort, la FC peut s'élever pendant 5 à 10 secondes ; mais ensuite, elle diminue de manière très rapide. La baisse est d'autant plus marquée que l'athlète est entraîné et que l'impact est faible.

L'entraînement s'accompagne d'une récupération cardiaque plus rapide.

Classiquement, la mesure est prise après une minute de récupération. Le simple suivi de la fréquence cardiaque atteinte après cette minute permet de se faire une idée de l'intensité de l'effort enduré par l'athlète (Noding et Mende, 1979). Généralement, un athlète bien entraîné retrouve des valeurs proches de 120-130 pulsations/minute après une séance réalisée à la VMA. Si l'intensité est plus élevée, si l'athlète est fatigué, ou si l'entraînement a été néfaste, ces valeurs peuvent monter jusqu'à 150-170 pulsations/minute.

Finalement, nous observons que la fréquence cardiaque suit très finement l'évolution de l'effort fourni. Plus la fatigue provoquée par l'effort aérobie est importante, plus la dérive et le niveau cardiaque sont élevés, plus la récupération est lente.

Rappelons, une fois de plus, que ces adaptations doivent toujours être interprétées dans un va et vient entre l'athlète et son environnement. Elles peuvent être le fait de la charge extérieure ou de modifications internes à l'organisme (forme du moment ; effets d'entraînement).

Parlons enfin, des deux indices supplémentaires qui peuvent être utilisés dans le cadre du suivi de l'entraînement : les fréquences maximale et de repos.

1.5 La fréquence cardiaque maximale

La valeur de la FC maximale réelle (par opposition à la FC maximale théorie vue dans la partie précédente) peut être obtenue par différents types d'exercices. Le test progressif de course est celui le plus souvent utilisé. Toutefois, un footing rapide terminé par une accélération maximale sur une durée proche d'une minute peut également faire l'affaire. Une séance de VMA conduit également à la FC maximale dans les dernières répétitions… Dans tous les cas, ces exercices sont à réserver aux athlètes entraînés ou en bonne santé. A partir de la quarantaine, ils doivent être destinés aux seuls sportifs bien entraînés.

Suite à un entraînement aérobie, la FC maximale a tendance à diminuer légèrement. Nous verrons dans le chapitre suivant l'explication physiologique de cette baisse. Cette évolution est tout à fait habituelle. Elle ne dit rien de la capacité de performance du sportif. En revanche, une baisse importante de la FC maximale (plus de 5 à 10 pulsations) s'accompagne très souvent d'une perte de capacité à encaisser des variations d'allures, à courir à des allures proches et supérieures à VO2max. Une telle adaptation est souvent le fait d'un entraînement réalisé quasi exclusivement dans les allures modérées (footings lent à rapide, zones verte et jaune).

1.6 La fréquence cardiaque de repos

Comme son nom l'indique, la FC de repos est mesurée pendant une période de calme. Généralement, les moments les plus propices sont l'avant ou l'après "dodo". Etant donné que sa valeur est sensible à la position (debout, assise ou couchée), à l'heure (elle est la plus faible vers 3 heures du matin), à l'alimentation… il est conseillé de veiller à la mesurer dans des conditions proches.

Dans tous les cas, la validité des mesures passe par le respect d'une période de calme de plusieurs minutes précédant la mesure. Elle gagnera à être répétée pendant plusieurs jours.

L'entraînement aérobie provoque une baisse de la FC de repos. Si suite à une période d'entraînement un athlète remarque que sa FC de repos a baissé c'est donc plutôt bon signe. Mais attention ! Les signes de très bonne adaptation sont souvent proches des signes de fatigue. En effet, une FC de repos extrêmement basse peut être le fait d'un état de fatigue qui s'installe. Si tel est le cas, après une première période de "déprime", la FC de repos devrait commencer à remonter.

Le diagnostic permettant de faire la part entre la fatigue momentanée (ou plus durable) et les effets liés à l'entraînement, repose sur une mise en relation de la FC avec les sensations ressenties.

1.7 Lire les FC à la lumière des sensations

Pour rendre compte de l'interprétation d'un entraînement basé sur la FC et les sensations, appuyons-nous sur la lecture des niveaux cardiaques observés à l'issue d'une même séance réalisée avant et après une période d'entraînement.

A l'issue de la séance "post-entraînement", quatre situations sont possibles :

1) les FC ont baissé et les sensations sont bonnes, l'exercice est accompagné d'une impression de facilité

C'est le meilleur profil pouvant être obtenu. Indiscutablement, l'entraînement a eu des effets positifs sur la filière aérobie.

2) les FC ont baissé mais les sensations sont mauvaises, l'exercice paraît difficile.

L'adaptation aérobie s'est améliorée mais le sportif est certainement fatigué. S'il prend le temps de récupérer, il passera certainement dans la première catégorie. En revanche, s'il persiste à s'entraîner durement sans s'accorder le temps du repos, il risque de tomber dans le surentraînement.

3) les FC ont augmenté mais les sensations sont bonnes.

Cette adaptation est souvent observée dans les phases de reprise de l'entraînement. L'athlète " a de l'énergie" pourtant ses systèmes fonctionnels aérobies ne sont pas à la hauteur. Il peut très bien réaliser de bonnes performances dans les épreuves courtes (800m-1000m). Le risque inhérent à cet état est d'accumuler les séances très fatigantes et de tomber dans le surentraînement. Toutefois, le plus souvent, l'athlète évolue vers les catégories 2 ou 1.

4) les FC ont augmenté et les sensations sont mauvaises

L'athlète n'est pas en forme. Il peut sortir d'une période d'inactivité assez longue ou ne pas supporter son entraînement. Dans ce second cas, une période de repos et la réévaluation de l'entraînement s'imposent.

Nous savons comment la FC évolue avec le type d'exercice effectué et avec le niveau d'entraînement. Nous savons lire ces évolutions en termes d'état de forme et de niveau d'entraînement.

Evolution de la récupération cardiaque après un même exercice de course réalisé avant et après une période d'entraînement