Saint Georges va au temple des païens

CHAPITRE XII.
SAINT GEORGES VA AU TEMPLE DES PAÏENS, ET AU MOYEN DU SIGNE DE LA CROIX, RENVERSE ET BRISE LES IDOLES. BELLES PAROLES AU PROCONSUL. À SA PRIÈRE, LA FOUDRE TOMBE.
Sur la proposition faite par saint Georges d'aller au temple où se trouvaient les dieux adorés des païens, l’empereur Dioclétien fit assembler tout le sénat, les soldats de sa garde, avec le peuple, les prêtres en tête, et tous allèrent vers les dieux, criant et répétant durant la marche : « Georges, érudit dans les mystères du Galiléen, s’en va sacrifier au grand Apollon. « Les prêtres grecs qui entendaient ces rumeurs, ces chants de triomphe, criaient de leur côté : « Apollon a vaincu : Dioclétien, ô notre empereur, votre règne sera un règne éternel, et les dieux eux-mêmes sont de grands empereurs. Le proconsul Dacien faisait en même temps publier dans toute la ville que Georges allait renoncer à la religion chrétienne et sacrifier aux dieux. Alors, ceux des habitants qui n’avaient encore eu aucune connaissance de ce prétendu triomphe du paganisme voulurent prendre part à l'allégresse du proconsul et se hâtèrent de monter aussi vers le temple. La foule prodigieuse étant arrivée pénétra vite dans l'enceinte en suivant à pas précipité les prêtres des faux dieux.
Après quelques chants joyeux destinés à préparer les idolâtres à l'acte solennel du sacrifice, il se fit un profond silence. Georges fut invité par le chef des cérémonies à s'approcher de la statue du dieu Apollon qui dominait toutes les autres et au pied de laquelle se trouvait l'autel qui servait à l’immolation des victimes ou à l’offrande des dons de l’encens. Les païens croyaient bonnement que saint Georges allait offrir de l’encens, puis, sacrifier aux dieux. Ce fut le contraire. Se tenant debout, avec un air ferme, d’une voix fortement accentuée il dit : « Apollon, es-tu dieu ? » « Je ne suis point dieu, » répondit Apollon ou plutôt le démon parlant par la statue. « Eh bien ! répliqua Georges, si tu n’es point dieu, pourquoi donc te fais-tu adorer par les hommes ? pourquoi les séduis-tu, malheureux, par tes artifices et en simulant l'Être suprême ? « L'esprit impur répondit : « En vérité, nous ne sommes pas Dieu, les autres non plus que moi, qui sommes ici. présents ; il n’y a qu'un seul vrai Dieu qui a fait tout ce qui existe, par son Fils Jésus-Christ et dans le Saint-Esprit, Trinité de Personnes qui forme le vrai et unique Dieu que les chrétiens adorent. Nous étions autrefois des anges de lumière ; mais n'étant point demeurés dans la justice, nous avons été déchus, et nous sommes maintenant démons, parce que toute notre occupation est de séduire les hommes, de les entraîner avec nous dans les abîmes d’une éternité malheureuse. » « Comment, répartit saint Georges, vous n'êtes que des démons et vous osez demeurer en ma présence en ce lieu, moi qui suis serviteur du vrai Dieu dont vous redoutez la justice ?» Alors il se fit un grand bruit ; l’on entendit les cris et les lamentations effroyables des démons qui habitaient les statues et remplissaient le temple. Le Saint s'étant mis à genoux, fit une prière au Seigneur, qu'il termina par ce Signe auguste de la Croix ; il n'eut pas achevé les dernières paroles qui accompagnent ce Signe sacré que toutes les idoles, celle même du grand Apollon, tombèrent ensemble, se brisèrent en mille pièces et les morceaux volèrent de tous côtés.
Les prêtres des Grecs, indignés de l’outrage que saint Georges venait de faire à leurs dieux, crièrent, en s'adressant à Dacien : « Enlevez-nous ce corrupteur, veneficum, ce magicien, qui par ses actes diaboliques, non content d’avoir détourné les nôtres du culte des dieux, s’en est pris aux dieux mêmes. » Dacien, trompé par le démon, excité d'ailleurs par les clameurs de ses ministres, dit à Georges : «Homme pervers, pessime, plein d'erreur et de malice, pourquoi n’as-tu pas voulu te rendre à l'invitation de ton empereur et offrir des sacrifices à Apollon ?» « Insensé et imprudent que vous êtes, répondit saint Georges, ne vous ai-je point dit et répété mille fois que je ne sacrifie qu’à mon Seigneur Jésus-Christ, seul vrai Dieu, pour la confession duquel vos dieux ont été démolis, renversés, brisés. Je sais qui est mon Dieu, je le connais ; vous, pouvez-vous vous vanter de connaître les vôtres, et que sont-ils ? Ces statues qui les représentent ne sont que de vains simulacres qui les renferment ou plutôt qui renferment les démons, car vos dieux sont les princes de l'abime qui travaillent incessamment à perdre les hommes par les prestiges et les séductions qu'ils emploient de toutes les manières, afin de détourner les fidèles du culte qu'ils doivent au vrai Dieu, Jésus-Christ Notre-Seigneur. » « Ô l’imposteur, reprit Dacien, ô l’imposteur qui veut faire passer nos dieux pour des démons ! Georges, à qui penses-tu faire croire ces rêveries ? » « Vous faites semblant d'ignorer, reprit Georges, la faiblesse de vos dieux et par contre la puissance du mien. C'est pourtant une vérité reconnue, attestée par tous les peuples que les démons n’ont aucun pouvoir contre Dieu ; qu'ils ne sauraient avec toute leur malice prévaloir contre lui ni contre sa religion sainte ; tandis que le Dieu des chrétiens au contraire se joue à son gré des princes de l'enfer.» « Oh ! s’écria Dacien dans l'emportement de la colère, montres-nous donc encore une fois la puissance de ton Dieu que tu vantes tant. » « A l'heure même, répondit Georges, vous verrez combien mon Dieu est fort et puissant, » Le Saint leva les yeux et les mains au ciel et pria. Et tout à coup la foudre descendit du ciel et elle brûla le temple, les idoles et les prêtres qui y étaient restés. Ainsi fut confondue l'impiété du proconsul Dacien. Saint Ambroise, en parlant de ce fait, s'exprime de la sorte : « Georges, très-loyal chevalier de la chrétienté, confessa sans crainte Notre-Seigneur au milieu des païens. La grâce de Dieu lui donna une telle fermeté dans la foi, qu'il déconcerta tous les ordres de la puissance des princes des ténèbres, et qu'il brava ses nombreuses persécutions. Ô noble et bienheureux défenseur de Notre-Seigneur, que l’attrait des biens temporels ne séduisit pas, tes persécuteurs furent déchus et leurs faux dieux furent précipités dans l’abîme !»