Saint Georges soumis de nouveau à la question, puis persécuté à outrance

CHAPITRE IX.
SAINT GEORGES SOUMIS DE NOUVEAU À LA QUESTION, PUIS PERSÉCUTÉ À OUTRANCE.
Georges durant l'interrogatoire d’Alexandra était resté près de la roue. Il avait prié Dieu de couronner la persévérance de cette princesse, ainsi que celle des saints martyrs Anatole et Protole. Le moment était arrivé ou il devait encore donner au Seigneur de nouvelles preuves de son inviolable amour pour lui, et du triomphe de la grâce en son âme. Cette fois, ce fut avec une fureur indéfinissable que Dioclétien vint lui-même le trouver. » Eh ! quoi Georges, lui dit ce prince, en l'abordant, n’as-tu pas assez souffert, et persisteras-tu toujours dans ton entêtement ? Adore les dieux, en leur offrant un sacrifice, et je te tiendrai quitte ; je ferai davantage, je te comblerai d'honneurs et de richesses. » — « Vous pouvez garder vos honneurs et vos biens, répondit Georges ; je possède la grâce de Jésus-Christ, je serai assez riche, assez en honneur, si au prix de mille tourments et de la mort même, je peux conserver ce précieux trésor. » — « Tu n'es donc pas décidé à sacrifier, repartit l’empereur. » — « Non certes, répliqua Georges : apprenez ô Prince que c’est bien en vain que vous cherchez à ébranler ma constance ; car jamais je n’oserais trahir les intérêts de Jésus-Christ, mon Roi. » Alors Dioclétien, dans un accès de rage s'écria : « Georges, tu vas être exterminé ! » « Ah ! que m'importe, répondit Georges, faites-le de suite.» Aussitôt Dioclétien dit aux officiers: « déchirez une fois encore les chairs de cet imposteur, puis vous le jetterez pieds et mains liés dans une fosse. » L'ordre fut immédiatement exécuté. Ces tigres se ruèrent sur le Martyr, lui déchirèrent le corps avec des crochets de fer. Sa chair était en lambeaux et ses os se voyaient à découvert. Ils jetèrent sur ses plaies du vinaigre mêlé avec du sel et de la chaux vive, ce qui augmenta le volume d’intolérables douleurs que souffrait le saint Martyr. Cela fait, ils le renversèrent à terre, sur le dos, puis l'ayant garrotté de lourdes chaînes, ils le portèrent à la fosse étroite, profonde, embrasée et l'y firent tomber avec une férocité difficile à décrire. Georges en eut les os brisés, toutefois il ne murmurait, ni ne se plaignait pas même d’un si indigne et si douloureux traitement. Au contraire, durant ce temps, le visage radieux de douce joie il priait Dieu en ces termes :« O Consolateur des affligés, Seigneur mon Dieu, qui êtes leur unique ressource et hors duquel il n’y a nul espoir, exaucez les prières de votre serviteur, et me regardant favorablement, prenez compassion de moi. Je vous en conjure, Seigneur, délivrez-moi de tous les adversaires de mon âme, et accordez-moi la force de confesser votre saint nom jusqu’à la fin. Ne m’abandonnez point, Seigneur, à cause de mes iniquités, afin que mes ennemis ne me disent point : Georges où est ton Dieu ? Montrez plutôt votre puissance et signalez sur moi votre petit serviteur, la gloire de votre nom. Envoyez votre saint Ange pour qu’il me conserve malgré mon indignité, pour qu'il me rafraîchisse comme par une rosée douce et bienfaisante contre les ardeurs du feu violent qui me brûle, et pour qu’il me préserve de ses atteintes de même qu'il a été fait aux trois jeunes hommes dans la fournaise. Exaucez ma prière, ô Seigneur, qui êtes béni dans tous les siècles.Amen. »Ayant terminé cette prière, Georges fit pieusement le signe auguste de la Croix, puis il se mit à chanter allègrement dans la fosse, environné de flammes ardentes, les louanges du Seigneur son Dieu. Ce qui ayant été raconté à l'empereur, il fit jeter dans la même fosse d’autres fagots de bois, et ordonna que l’on eut soin de bien entretenir le feu durant les trois jours que le Saint devait rester dans cette fosse. Mais, ô merveille, ô bonté de mon Dieu, la Providence qui veille avec des soins si grands sur les élus, surtout pour adoucir à leur égard les jours mauvais, permit que Georges ne ressentit point l’action pénétrante et vive du feu pourtant si violent, selon que le constatèrent dans leur rapport ceux qui en avaient été les témoins. L’empereur qui pensait bonnement que le martyr, depuis trois jours de si cruelles tortures, devait bien être mort d’épuisement et de douleur, rôti par l’action du feu et réduit en cendres, commanda à des officiers d'aller voir à la fosse la situation de Georges.Quelle ne fut point la saisissante surprise des émissaires, lorsqu'à leur arrivée ils voient le martyr sain et sauf, qui chantait encore des hymnes à la louange de la sainte Trinité... Ils aperçurent même un Ange du Seigneur à ses côtés qui le protégeait d’une manière admirable contre les ardeurs du feu, ainsi qu’il avait ordre de le faire de la part de Jésus-Christ. Angelus enim Domini una cum illo erat, Christi curam in eum exercens . À la vue d'une si étonnante merveille, ils s'écrièrent, et ceux qui se trouvaient aussi présents : « Il est grand le Dieu des chrétiens ! Magnus est Deus Christianorum ! Ce qui étant parvenu aux oreilles de la princesse Alexandra, elle vint et s’approcha pour voir aussi ce prodige, et, dans le sentiment de l’admiration elle éleva la voix et dit : « Assurément, le Dieu que les chrétiens adorent est le seul vrai Dieu ; il n'en est point d’autres qui puissent comme lui délivrer ceux qui le servent, dans leurs angoisses. » Ceux-là donc qui avaient été envoyés à la fosse pour en retirer saint Georges, crurent comme Alexandra au Seigneur, renoncèrent au culte des idoles. L'empereur, informé de ce qui venait de se passer n’en fut que plus irrité, il envoya une nouvelle cohorte avec ordre de lui amener le saint. Le martyr étant arrivé, l’empereur s’assit sur son tribunal, il était entouré des sénateurs. Ayant fait approcher saint Georges, il lui dit : « Qu'est-il donc arrivé que, malgré le tourment du feu auquel je vous avais condamné et que vous avez subi, vous soyez encore vivant ?» Saint Georges lui répondit : « Prince, si vous aviez vu ou si vous aviez entendu raconter ce qui s’est passé à mon sujet, sans doute vous croiriez au Seigneur aussi bien que moi et que ceux qui ont été les témoins de cette merveille. Vous ne savez donc pas que c’est le Christ, Fils du Dieu vivant, qui m'a délivré des supplices auxquels vous m'aviez condamné, et qu’il délivre de même des lacets des démons tous ceux qui invoquent son saint Nom. » Mais l'empereur fit semblant de ne rien entendre à le réponse du saint, il ordonna qu’on le battit à coups de nerfs de bœuf et de gros bâtons de bois très dur, dut-on lui briser les os. Puis, comme si sa rage ne put être assouvie par tant de supplices que déjà il avait fait endurer au saint martyr, après que cette flagellation eut été accomplie, il dit aux bourreaux qu'il fallait qu'ils fissent rougir au feu des brodequins de fer ! et qu'on lui en chaussât les pieds au moyen de clous pointus et ardents qui les transperceraient. Le saint martyr souffrait des douleurs intolérables, il ne pouvait malgré son courage et la force de sa volonté ni marcher, ni même se tenir debout. Il essaya, mais en vain, de le faire, il se laissa tomber. Alors il versa des larmes abondantes et pria le Seigneur Dieu en ces termes: « Seigneur, mon Dieu, qui êtes le sauveur de ceux qui affligent mon âme en persécutant mon corps, le refuge de tous ceux qui souffrent, accordez-moi d’endurer patiemment ces tortures pour la gloire de votre saint Nom. Ne me délaissez pas, moi si faible, mais donnez-moi plutôt la patience jusqu’à la fin, afin que mes ennemis ne disent point, fiers de leur triomphe impie : Nous l’avons emporté sur lui : Ne dicat inimicus meus : Prœvalui adversus eum.Aussitôt que saint Georges eut fini sa prière, on entendit une voix céleste qui disait : Sois courageux, Georges, je suis avec toi pour te soutenir, te consoler dans les tourments que tu souffres pour mon nom. Esto bono animo, Georgi, tecum enim sum. En même temps il se trouva guéri de ses plaies, soulagé de ses peines, sans aucun doute par les soins de son bon ange gardien qui veillait avec un amour si bienveillant sur lui et le consolait au milieu de ses angoisses avec une tendresse tout à fait inexprimable ; comme ces bienheureux esprits ont tous reçu du Dieu qui les envoie, ordre de le faire à l'égard particulièrement des fidèles confiés à leur vigilante sollicitude. Ô glorieuses intelligences, ô aimables protecteurs, ô amis généreux, oh ! si les hommes vous connaissaient et vous honoraient comme saint Georges connut et honora celui préposé à sa garde, oh ! qu'ils ne seraient point si malheureux dans les épreuves de la vie. C’est alors, ainsi qu'il est écrit dans la Page sainte, que vous les couvririez de l’aile de votre protection dans tous les dangers si nombreux et si périlleux du parcours de la vie ; c’est alors que avec une indicible affection vous les porteriez en quelque sorte dans vos mains, ô pensée capable de faire mourir d'amour et de reconnaissance ceux qui sont pénétrés d’une foi bien vive, vous les porteriez dans vos mains très pures et si puissantes pour empêcher qu'ils ne heurtent le pied de l’âme contre la pierre du scandale ! Ah ! beaux anges, quand viendra l’heureux moment où je révélerai à mes frères vos célestes perfections, vos ineffables bontés.