Courtoisie - 20 septembre 1889

COURTOISIELe toast porté dimanche par M. Henry Boucher à la santé de M. de Ravinel semble avoir produit d'heureux effets. Nous avons eu la satisfaction d'apprendre que l'état du baron s'est amélioré sensiblement. Beaucoup de personnes ont admiré l’à-propos avec lequel le candidat républicain avait relevé la maladresse de M. Figarol, qui avait chanté une ode en l'honneur du baron et l'avait terminée par une autre « santé » que celle de son ami, le candidat réactionnaire.Les orléanistes mêmes ont reconnu que M. Henry Boucher s'était conduit en parfait galant homme. Cette courtoisie à l'égard d'un adversaire est légitimement prisée par nos populations vosgiennes, dont le tact est indiscutable. Chez nous, on aime la modération, la politesse, et on n’admet pas que, sous prétexte de dissentiments politiques, un candinat adresse de gros mots à ceux qu'il combat dans l'arène électorale.Ainsi, nous avertissons charitablement plusieurs candidats réactionnaires — on dit révisionnistes aujourd'hui - de ce que leur attitude provocatrice leur aliène maints esprits impartiaux. Par exemple, M. de Vomécourt produit ua effet contraire à ses intentions quand il parle de l' « horreur » qu'on éprouve dans les Vosges pour le nom des Ferry.Pareillement M. Picot — qui, cependant, a fréquenté la bonne société quand il était attaché au cabinet du général Ferron — blesse les oreilles des endurcis quand il emploie dans son journal les mots de « misérable » et autres épithètes non mieux sonnantes. On ne gagne rien à forcer la note. Le Vosgien répugne à la vulgarité ; il se détourne de ce qui est grossier.En outre, qui veut trop prouver ne prouve rien. M. Picot et ses amis qui boulangent la pâte électorale — soit dans la plaine, soit dans la montagne — se sont efforcés de démontrer que les droits sur les céréales et les bestiaux avaient été plus nuisibles qu’utiles. Ils n’ont point réussi à persuader ; ils ne sont parvenus qu'à blesser le sens droit des paysans. Dans ce pays, le phraseur est dédaigné ; on est attaché à la loyauté non moins qu'on goûte la courtoisie. Nestor Denis.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges