Question des fécules - 20 février 1876

La lettre suivante a été adressée au journal le Vosgien :Monsieur le Rédacteur,Dans votre article du 18 février sur « la question des fécules », vous dites que si les glucoses, et par conséquent la pomme de terre, n’ont pas été mieux défendus à la Chambre, la faute m’est imputable et que je n’ai rien envoyé à M. de Ravinel touchant les renseignements qu’il m’avait demandés sur la question.Vous êtes dans l’erreur, et la mémoire de M. de Ravinel le sert bien mal.M. Schupp, fabricant de glucoses à Épinal, et moi, arrivant à Versailles, avons d’abord exposé nos réclamations à l’homme qui, parmi les députés des Vosges, occupait la plus haute situation gouvernementale, à M. Buffet (à tout seigneur tout honneur), qui nous a engagé à voir M. de Ravinel. Il est plus à même que qui que ce soit, nous a-t-il dit, de s’occuper de la question, puisqu’il fait partie de la Commission du budget.Nous avons, en conséquence, pris rendez-vous avec M. de Ravinel et lui avons donné verbalement tous les renseignements que nous possédions.Puis je lui ai écrit plus tard à ce sujet une lettre, dont la copie se trouve à mon copie de lettres, mais qu’il a oubliée, au milieu des ardentes préoccupations du centre droit et de la droite travaillant à l’établissement d’une liste, restée célèbre, de candidats inamovibles au Sénat. Il s’agissait de sauver la France, la famille, la propriété, l’Eglise, Henri V ; c’était plus important pour M. de Ravinel : la politique d’abord ; les intérêts de tous les cultivateurs de son département ensuite.J’ai donc écrit à M. de Ravinel. Entre sa dénégation simple et mon affirmation, appuyée par mon copie de lettres, Messieurs les cultivateurs jugeront.M. de Ravinel a donc aussi oublié le Mémoire adressé à la Commission du budget, dont il faisait partie, par les fabricants de glucose de Paris, de Lyon, des Vosges, du Nord ; par MM. les féculiers et cultivateurs de dix ou douze départements ?Il lui a été cependant adressé, comme à tous les députés.Aussi, lorsque la loi sur les sucres et glucoses a été présentée à la Chambre, les sucres et betteraves ont été défendus, mais pas une voix ne s’est élevée pour la défense des glucoses et des pommes de terre.Cependant M. de Ravinel, quoi qu’il puisse dire, avait entre les mains leséléments nécessaires pour notre défense, et, si sa parole avait à l’Assembléeune aussi grande autorité que vous voulez bien l’affirmer, il eût pu fairebeaucoup pour la défense des intérêts menacés d’une industrie naissante et dela culture la plus importante de l’arrondissement d’Epinal, la seule cultureindustrielle et la seule qui rapporte de l’argent à nos agriculteurs.Président d’un Comice agricole de l’arrondissement, député des Vosges, M. deRavinel avait tous les titres et toute l'autorité pour s’occuper d’unequestion aussi importante pour nous, mais la politique, les rois, l’église...Permettez-moi de me borner à cette rectification et de ne pas répondre à vos insinuations contre les fabricants de glucose, car vous raisonnez industrie comme je raisonnerai journalisme : chacun son métier. Aucune animosité, ni jalousie n’existent entre les fabricants de glucose, les féculiers et les cultivateurs. Tous savent fort bien que leurs intérêts réci proques sont solidaires et intimement liés les uns aux autres, et que, lorsqu’il y a bénéfice pour l’un, il y a bénéfice pour tous.Je vous prie, et au besoin vous requiers d insérer cette réponse dans votre plus prochain numéro.Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, mes salutations. E. Noël, Fabricant de glucoses, a Thunimont.
Les explications nettes et catégoriques présentées par l’honorable M. Noël, dans la lettre qui précède, prouvent jusqu’à l’évidence que M. le baron de Ravinel, membre de la Commission du budget, n’a pas compris les intérêts qu’il avait mission de défendre. Nous trouvons une preuve nouvelle de l’insuffisance de M. le baron, dans la réfutation qu’il a fait publier par son journal ; les arguments exposés sont tellement obscurs et confus que nous avons eu de la peine à en saisir le sens.M. de Ravinel répond aux plaintes des agriculteurs et des fabricants defécule, que l’impôt de 20 % qui frappe les sirops et glucoses n’est que l’équivalent des droits établis par la même loi sur les autres sucres, et que dès lors il n’y avait pas lieu d’établir une exception en faveur des sucres de fécule.M. le baron croit devoir ajouter qu'une surtaxe de 9 fr. 50 par 100 kilos ne peut causer un préjudice direct aux fabricants de fécule, ces conséquences incombant exclusivement aux consommateurs.M. le baron fait encore observer aux fabricants que leurs produits sont recherchés par une infinité d’industries dont le nombre et l’importance se développeront avec le temps, et que dans un avenir très prochain le marché alsacien leur sera rendu.Nous désirerions pouvoir nous associer aux espérances que M. le baron veut bien donner à l’agriculture et à l’industrie féculière, mais ses arguments nous paraissent aussi faibles que spécieux.Il nous parait souverainement injuste d’assimiler complètement les sucres de fécule aux sucres de canne et de betterave qui ont une richesse saccharine bien supérieure. Nous croyons que le législateur aurait dû établir une proportionnalité entre les deux qualités.Nous ne sommes pas convaincus que les charges nouvelles incomberont exclusivement aux consommateurs, nous croyons, au contraire, qu’elles seront plus directement supportées par les producteurs et les fabricants.Nous croyons aussi que le renchérissement d'un produit quelconque en réduit forcément la consommation, et que si ce renchérissement dépasse une certaine limite, ce produit est abandonné ou remplacé par un produit équivalent.Nous ajouterons que l’industrie des glucoses et des sirops constitue le principal débouché de la féculerie ; qu’on ne saurait estimer à moins de 300000 quintaux métriques de fécule la consommation annuelle des usines françaises ; leur état de souffrance rejaillit donc infailliblement sur la féculerie et l’agriculture.En ce qui concerne l’espoir de reprendre au 1er janvier prochain nos relations avec l’Alsace, M. le baron de Ravinel nous donne une affirmation qui nous paraît hasardée ; il sait mieux que personne qu’il est impossible de préjuger dès aujourd’hui des questions de douane que soulèvera le remaniement du régime économique non seulement de la France, mais de l’Europe ; que dès lors il peut arriver que des droits relativement élevés soient maintenus sur l’entrée des fécules en Allemagne ; quoiqu’il arrive, la féculerie des Vosges trouvera à l’avenir dans l’industrie similaire d’Allemagne une redoutable concurrence. Les industriels allemands qui, depuis l’annexion, approvisionnent le marché alsacien, ont fait de grands efforts pour améliorer leur fabrication, dans le but de rester en possession de ce marché.Si nous n’étions obligés de nous restreindre dans un cadre très étroit, ilnous serait trop facile de multiplier les arguments qui justifient la plainteformulée par les fabricants de notre arrondissement ; nous terminerons en leurdisant qu’ils ont le sentiment réel de la situation qui les menace, qu’ils ontraison de se grouper pour la défense de leurs intérêts, et qu’enfin ils agiront sagement en confiant cette défense à un membre plus autorisé que M. de Ravinel, qui nous parait aussi étranger aux questions économiques qu’aux matières agricoles et financières.
Epinal, le 12 février 1876.A MM. LES FABRICANTS DE FECULESde l’arrondissement d’epinal.Messieurs et chers confrères,Les électeurs de notre arrondissement sont appelés le 20 de ce mois à élire un député au Corps législatif.Le parti républicain conservateur présente a nos suffrages M. Eugène JEANMAIRE, avocat, membre du Conseil d’arrondissement.Nous connaissons tous M. JEANMAIRE; son patriotisme, son dévouement aux intérêts publics, et la modération de ses opinions politiques nous inspirent une confiance absolue.C’est donc avec une entière confiance que nous nous associons aux nombreux industriels et commerçants qui ont acclamé la candidature de notre honorable concitoyen.Dans les circonstances actuelles, l'agriculture et l’industrie ont besoin de défenseurs dévoués et intelligents ; il faut que les charges publiques soient équitablement réparties, et que désormais, nos législateurs repoussent énergiquement les taxes exagérées qui auraient pour conséquence de compromettre et de vouer à la ruine certaines branches de notre industrie.Si les intérêts de la féculerie avaient été mieux compris ou mieux défendus au sein de l’Assemblée nationale, nos législateurs n’auraient pas, dans les derniers jours de leur session, élevé de 11 à 20 francs les droits qui grèvent les sirops de fécule.Cet impôt, antérieurement fixé à 11 francs par quintal métrique, paraissait déjà exorbitant ; comment justifier aujourd’hui une aggravation qui frappe en réalité d’une contribution de 4 francs chaque resal de pommes de terre qui arrive à nos usines, c’est-à-dire, de plus de la moitié de sa valeur ? Une charge aussi excessive aura pour conséquence inévitable d’accentuer la crise pénible que traverse notre industrie, et de porter un coup fatal à notre agriculture.Pour conjurer le péril qui nous menace, il nous importe donc, Messieurs et chers confrères, d’avoir au sein du Corps législatif, un représentant parfaitement initié à nos intérêts et résolu à les protéger.M. JEANMAIRE vit au milieu de nous ; l'aménité de son caractère le rend accessible à tous et nous pourrons, en toute circonstance, compter sur son dévouement ; unissons-nous pour faire un énergique appel aux agriculteurs, dont les intérêts se confondent avec les nôtres, et, poursuivant le même but, confions, avec une entière sécurité, la représentation de notre arrondissement à M. JEANMAIRE, qui en est digne à tous égards.Agréez, Messieurs et chers confrères, l'assurance de nos sentiments distingués.FARINEZ, féculier à Xertigny.FRANÇOIS, féculier à Dounoux.VAUTHIER, féculier à la Chapelle aux-Bois.MANGIN, féculier à Hadol.LECOANET, féculier à Arches.THIÉRY Frères, féculiers à Chenimenil.GÉRARDGEORGE, féculier à Olima, près Epinal.SCHUPP, fabricant de glucose à Epinal.E. NOËL, féculier et fabricant de glucose à Thunimont.G. RIVAT, féculier à Fays.J.-V. GÉRARD, féculier au Char-d’Argent.L. RIVAT, féculier à Docelles.COTTEL Frères, féculiers à Soba (Epinal).GÉRARDIN, féculier à Gruey.Léon KRANTZ, féculier à Docelles.HAILLANT, féculier à Uriménil.F. HAILLANT, féculier à Cône (Uriménil).A. HAILLANT. féculier à Girancourt.N. FARINEZ, féculier à Uriménil.J. FARINEZ, féculier à Uriménil.E. MANGIN, féculier à Bains.VILLEMIN-CONTAL, féculier à Bouzay.VINOY, féculier à Bruyères.NOEL-VAUTRIN, féculier à Uzéfaing (Epinal).BARRET et Cie, féculier à Rambervillers.BARADEL, féculier à Pierrepont.GEORGES, féculier à Deyvillers.BAFFRAY, féculier à Deycimont.MATHIEU, féculier à Xertigny.J.-B. GREMILLET, féculier à Jussarupt.J.-N. GREMILLET, féculier à Lépanges.BEXON, féculier à Xamontarupt.MARLIN, féculier à Gruey.THOMAS, féculier à Harsault.F. BAUDOIN, féculier à Thunimont.J. THOMAS, féculier à Charmois-l’Orgueilleux.PORTE frères, féculiers aux Voivres.DUC, féculier à Xertigny.YAGER, féculier à Grandvillers.L. CREUZOT, féculier à Senade (Hadol.)A. LOUIS, féculier à Senade (Hadol.)
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges