Potasse d'Alsace - 24 mars 1930

AYDOILLES
Grande conférence sur les sels de potasse d'Alsace. — Les nombreux cultivateurs d'Aydoilles ont été favorisés dimanche dernier, 16 mars, par une très intéressante conférence sur les sels de potasse d'Alsace qui leur a été faite par M. Ernest Petitnicolas, ingénieur agronome de la Société commerciale des potasses d'Alsace, et président du Bureau d'études agricoles de Nancy, 84, boulevard Jean-Jaurès. Ce savant conférencier est un Vosgien, fils de cultivateur, dont les premières études ont été faites au collège de Saint-Dié. Presque chaque jour, il fait une conférence dans une commune de Lorraine, ou d'une autre province ; son zèle pour favoriser partout l'agricuture n'a pas de limite.M. le lieutenant-colonel Toussaint, maire d'Aydoilles ; M. l'abbé Maugenre, curé de la paroisse ; M. l'instituteur Ragot ; M. Morel, directeur de la tuilerie ; M. Edmond Fève, adjoint, et presque tous les cultivateurs de la localité, s'étaient fait un gland plaisir d'assister à cette conférence, dans la grande salle de la mairie. Tous furent très satisfaits des conseils à suivre qui leur furent donnés sur la fumure des terres, et sur la culture des céréales, des prairies, des pommes de terre, des betteraves, des jardins et des vergers.Pendant plus d'une heure, se mettant parfaitement à la portée de tous les cultivateurs, cet éloquent causeur sut captiver son auditoire par l'abondance de ses instructions, faites dans un genre très populaire.Son prélude fut une courte description du gisement alsacien de sels de potasse, s'étendant au pied des Vosges, sur une surface de 800 kilomètres, dans la région comprise entre Rouffach et Battenheim. Ce bassin, dont la puissance est estimée à 1870 millions de sels bruts, suffirait à lui seul pour assurer, pendant plusieurs siècles, le ravitaillement en potasse du monde entier, car il s'étend au delà des limites reconnues.La couche supérieure, située à 625 mètres de profondeur, épaisse de 1 mètre 25, renferme 40 p. 100 de chlorure de potassium, et la couche inférieure, épaisse d'environ 4 à 5 mètres, contient 32 p. 100 de chlorure de potassium.Séquestrées après l'armistice, ces mines, découvertes en 1904 par M. J. Vogt, devinrent domaniales, excepté celle de la Société franco-alsacienne de Kali-Sainte-Thérèse. L'administration française améliora les conditions techniques du gisement alsacien, de telle sorte que l'extraction produisit 2580196 tonnes en 1928, plus de 550 fois qu'avant la guerre.Dans l'industrie chimique, la potasse, spécialement le chlorure de potassium, sont utilisés en fournissant différents sels : chlorate, sulfate, nitrate, bromure, iodure, cyanure, ferrocyanure, alun, etc...Mais c'est dans l'agriculture que la potasse est indispensable à la vie végétale. De même que la nourriture essentielle de l’homme se compose de pain, de viande et de vin, de même la vis de toute plante exige trois éléments : l'azote, l'acide phosphorique et la potasse. Ces trois engrais ont chacun leur rôle bien défini : celui des engrais potassiques est de favoriser chez les plantes les fibres textiles, la fécule, le sucre, les tissus, la vigueur et la santé, la qualité et la quantité des produits récoltés.L'action de la potasse sur céréales se traduit par une augmentation de 3 quintaux à l'hectare, et par une élévation de poids de 4 kgr 500 par hectolitre, pour le blé, l'avoine et l'orge. Mais la teneur en potasse doit être supérieure à celle des deux autres engrais, suivant cette formule : 4 p. 100 d'azote, 8 p . 100 d'acide phosphorique et 10 p. 100 de potasse, lorsque l'on fait un seul épandage de tous les engrais composés avec un hersage énergique.Pour la culture de la pomme de terre, il ne suffit pas de bien choisir la semence, il faut alimenter les plants par une nourriture riche à la fois en azote, en acide phosphorique et en potasse. Celle-ci active l'élaboration de la fécule dans les feuilles et en facilite la concentration dans les tubercules. La proportion des gros tubercules augmente suivant la quantité de l’engrais potassique. Pour obtenir la précocité et la valeur marchande de la pomme de terre, certains producteurs de primeurs emploient jusqu'à 1240 kilogrammes de chlorures de potassium par hectare. L'augmentation due à la potasse est de 100 quintaux à l'hectare, résultat que l'on obtient pas en n'employant que des scories et du nitrate de soude.Avant tout, il faut distinguer entre les terres pourvues de calcaire et celles qui manquent de chaux, entre les terres légères et les terres fortes.Les formules générales de fumure varient suivant ces terres.Les terres légères peuvent avoir pour fumure complète à l’hectare 200 kilogr. de nitrate de soude, 150 kilogr. de sulfate d'ammoniaque, 400 kilogr. de superphosphate, et 800 kilogr. de sylvinite, c'est-à-dire de sel de potasse brute, broyé à la grosseur de 4 mm. Mais dans les terres fortes, il faut remplacer les 800 kilogr. de sylvinite par 350 kilogr. de chlorure de potassium, c'est-à-dire de sel brut transformé en sel concentré pour l’agriculture.Traitant ensuite la question de l'amélioration de la fertilité des prairies, le conférencier prouva la nécessité de recourir aux engrais complémentaires potassiques et phosphatés. Ces engrais augmentent la proportion des trèfles, des légumineuses, des graminées pendant deux années. Leur emploi doit se faire au moins quinze jours avant le départ de la végétation. La formule préconisée par hectare renferme 140 kilogr. de nitrate de soude, 150 kilogr. de chlorure de potassium et 400 kilogr. de superphosphate. Voilà ce qu'exigent les prairies en potasse pour leurs conserver les éléments nutritifs utilisés et enlevés par la précédente récolte de foin et de regain.C'est encore à la potasse qu'est due l'augmentation du bétail, spécialement des vaches laitières. Toute fumure exige d'être complétée par un apport d'engrais de sylvinite, de superphosphate, ou de nitrate de soude, suivant les terres.Ce rendement, obtenu à l'hectare a été de 38000 kilogr. avec 300 kilogr. de sylvinite, de 50000 kilogr. avec 600 kilogr. de sylvinite, et de 54800 kilogr. avec 800 kilogr. de sylvinite. Tous ces engrais potassiques et phosphatés doivent être appliqués en automne ou au plus tard au début du printemps.Le moment ne pouvait donc pas être mieux choisi par le conférencier pour venir de Nancy à Aydoilles où les cultivateurs forment le plus grand nombre de la population afin de leur donner ces bons conseils. Ils furent écoutés avec la plus grande attention et, sitôt après, les commandes de ces principaux engrais se multiplièrent. Un seul de ces cultivateurs en achète chaque années pour 5000 francs.La séance fut clôturée par une représentation de l'exploitation par galeries et par grandes usines des mines de potasse d'Alsace.M. Troussel, qui accompagnait le conférencier, avait installé un grand cinéma dans la mairie et il réjouit toute l'assistance en utilisant trois films nouveaux, remarquables et très instructifs. Toutes les scènes représentées confirmaient très efficacement les différentes thèses d'agriculture qui venaient d'être mises à la portée de tous les cultivateurs.Devant la mairie, un vaste auto était transformé en musée, où tous pouvaient voir les produits, les travaux, les grandes photographies de la Société des Mines potassiques d'Alsace.Inutile d'ajouter que le conférencier fut bien félicité par M. le maire et par tous les assistants. Nous lui souhaitons une plus grande récompense du ministère de l’agriculture.
Article publié dans le journal Le Télégramme des Vosges