Les tombeaux des Evêques - 25 août 1922

Chroniques Vosgiennes
Les tombeaux des Evêques de Saint-Dié
Notre récente chronique sur Mgr Sonnois, évêque de St-Dié et archevêque le Cambrai, prédécesseur immédiat du vénéré Mgr Foucault, nous a valu plusieurs lettres intéressantes, de prêtres vosgiens, désireux de connaître cette vie de leur ancien évêque. L’un d’eux nous disait : « Vous devriez bien nous parler un peu de nos anciens évêques de Toul et de St-Dié, de ceux que nos pères ont connus, surtout depuis le rétablissement du siège épiscopal, il y aura un siècle le 13 août 1823, avec la nomination de Mgr Jacquemin. »Justement, je prépare pour le Pays Lorrain, un travail historique assez important sur les Tombeaux des Evêques de Nancy et de Saint-Dié depuis l'établissement de ces dieux sièges en 1776.J ai pensé qu’un court résumé de ces pages documentaires pourrait intéresser, non seulement le clergé vosgien, mais encore — et ils sont très nombreux — tous les fervents de notre histoire régionale. Colligite fragmenta, ne pereant. Oui, pour qu’ils ne disparaissent pas, il est bon de recueillir tous ces menus détails de l’histoire vosgienne et lorraine.
Formé une première fois, en 1776 et 1777, par un double démembrement, de l’immense diocèse de Toul, qui remontait avec St Mansuy, aux temps apostoliques, l'évêché de Saint-Dié avait eu, pour premier titulaire, le propre fils du terrible chancelier de Lorraine, Mgr Barthélémy de Chaumont de la Galaizière, né à Paris en 1737, sacré au château de Brienne, le 21 septembre 1777, par le trop fameux cardinal de Loménie. On connaît la suite, son entrée solennelle à Saint-Dié, son magnifique palais épiscopal, son exil à la Constitution civile du clergé, le 19 mars 1791, son remplacement à Epinal, par Maudru, curé d’Aydoilles, (l’évêque intrus et schismatique), et sa démission en 1801 lors du Concordat entre Napoléon et le Pape Pie VII. Le premier évêque légitime de Saint-Dié, rentré en France, avant le Concordat alla résider près de Paris, dans sa famille au château de Mareil-le-Guyon. C'est, là qu’il mourut le 30 juin 1808, entouré rie l’affection des siens et de l’estime de tous.Mgr de la Galaizière fut inhumé dans un caveau de l’église de Mareil. On lit encore cette simple épitaphe sur ce sépulcre : « Barthélémy Louis-Martin de Chaumont, évêque et comte de Saint-Dié, décédé à Mareil, le 30 juin 1808. » Peut-être le diocèse de Saint-Dié voudra-t-il un jour aller chercher en Seine-et-Oise les restes mortels de son premier évêque pour les ramener dans sa cathédrale, comme le diocèse de Nancy ira demander au cimetière de Gagny, près de Paris, les cendres du dernier évêque de Toul, Mgr des Michels de Champorcin, mort en 1807, âgé de 86 ans.
Le diocese de Saint-Dié no fut pas rétabli au Concordat, de 1801. Il fut de nou veau incorporé dans celui de Nancy-Toul jusqu’en 1817. A cette époque, le roi Louis XVIII nomma évêque de Saint-Dié, M. de Montblanc, qui ne fut pas sacré, puis MM. de Moussac et Lallart de Lebucquière, qui refusèrent, enfin, le 13 août 1823, M. l’abbé Alexis Jacquemin, ancien professeur, ancien vicaire-général de Mgr de La Fare à Nancy. Mgr Jacquemin devait tellement rester sept ans sur le siège de Saint-Dié. Démis sionnaire le 9 mai 1830, en faveur de l’abbé Michel, curé de la cathédrale de Nancy Mgr Jacquemin revint finir ses jours dans sa ville natale. Il n’eut pas la joie de pouvoir sacrer son illustre ami, M. Michel, qui ne fut pas nommé, mais il eut pour successeur l’ancien auxiliaire du cardinal de La Fare, Mgr Dupont, alors évêque de Samosate. Mgr Jacquemin, mourut à Nancy, le 15 juin 1832, âgé de 82 ans. Il habitait au premier étage d’une maison entourée d’un jardin, au numéro 2 de la place Saint-Jean (ce doit être l’emplacement de la Banque Renauld actuelle.) Il allait être enterré au vieux cimetière Saint-Jean (gare des marchandises), lorsque le séminaire de Saint-Dié voulut être le gardien du tombeau de son fondateur.
Après les obsèques solennelles, célébrées à la Cathédrale de Nancy par Mgr Dupont, le corps de Mgr Jacquemin fut donc ramené dans la chapelle du Grand Séminaire de Saint-Dié. Et sur sa tombe on grava une très belle épitaphe latine que tous les déodatiens connaissent bien et dont voici la traduction : « Ici repose, dans l’espoir de la bien heureuse résurrection, le corps du Révérendissime Père en J.-C., Mgr Jacques-Alexis Jacquemin, évêque de Saint-Dié. Docteur éminent et confesseur invincible de la vérité catholique, il nourrit d’exemple et de doctrine son troupeau, heureux de posséder un tel pasteur, le soigna avec douceur, s'oubliant toujours lui-même, vrai père pour les autres et se faisant tout à tous. Chéri de Dieu et des hommes, dont la bienfaisance à peine croyable est proclamée assez haut par les séminaires qu’il créa et combla de dons, il a été ravi à nos yeux, non à nos coeurs, le 15 juin 1832. à l'âge de 82 ans. » On lira toujours avec fruit sur Mgr Jacquemin, le beau livre, œuvre des abbés Thiriet et Mangenot, publié chez Vagner. à Nancy, en 1892 : « Monseigneur Jacquemin, évêque de Saint-Dié, 1750- 1832. » Rappelons que les cendres de Mgr Jacquemin sont aujourd’hui à la Cathédrale, dans le tombeau des évêques.
Le premier successeur de Mgr Jacquemin fut Mgr Célestin du Pont (1831-1835). Il était né en Sardaigne, à Iglesias, en 1792 et prêtre à Nice en 1814, avait été nommé vicaire-général de Sens et auxiliaire du cardinal de La Fare (l’ancien évêque de Nancy de 1789) en 1823.
A Saint-Dié, on le sait, Mgr Dupont promulgua les premiers Statuts diocésains en 1833, sous forme d’Ordonnance sur la discipline ecclésiastique, en une brochure (devenue assez rare) de 84 pages, avec 314 articles sous 4 chapitres, inspirés des anciens statuts de Toul et de Saint-Dié, mais complétés, modifiés et adaptés aux temps présents. Mais Mgr Dupont ne se plaisait guère à St-Dié, dont il trouvait le climat trop rigoureux pour un sarde.Il fut promu archevêque d’Avignon le 10 août 1835. puis transféré à la métropole de Bourges, primatie des Aguitaires en 1841, c’est à Bourges que Mgr Dupont fut élevé à la dignité cardinative par le pape Pie IX, au Consistoire du 12 min 1847, du titre de Sainte-Marie du Peuple. La position consistoriale le fait naître à Nice et lui donne le titre de : Jacques-Marie-Antoine-Célestin Villefranche du Pont. Le cardinal Dupont mourut seulement à Bourges le 26 mai 1859. Il fut inhumé dans la crypte de sa cathédrale et il devait, avoir pour successeur l'évêque de Nancy. Mgr Basile-Alexis Meniaud, dont le corps repose maintenant auprès du sien. (1861.)
Le quatrième évêque de Saint-Dié (après NN. SS. de la Galaizière, Jacquemin et Dupont), fut Mgr Jean-Joseph Marie Eugène, de Jerphanion, né au Puy en 1796 et vicaire-général de Bourges en 1835. Il demeura huit ans dans nos Vosges, réorganisant tout le diocèse, rétablissant, avec le vénéré curé Hadol, le pèlerinage de Mattaincourt et refondant, en 1837, les Ordonnances de son prédécesseur. Mgr de Jerphanion ne devait pas mourir à Saint-Dié ; le 27 janvier 1843, il était promu à l’archevêché d’Alby, dans le Midi, où il mourut seulement le 20 Novembre 1864.La tombe de l’ancien évêque de Saint-Dié, se trouve dans la splendide cathédrale Sainte-Cécile d'Alby.Ils furent les quatre premiers évêques de Saint-Dié, depuis la fondation du siège. Nous ne parlons pas de l’évêque intrus de Maudru, qui, après le Concordat, fut nommé curé de Stenay, dans la Meuse pour aller mourir en 1820. à Belleville (alors village aux portes de Paris) où le trop fameux Grégoire, prononça son oraison funèbre.Il nous reste à voir ce que sont devenus les tombeaux des anciens évêques de St- Dié, depuis 1843 : NN. SS. Gros, Manglard, le cardinal Caverot, Albert de Briey et Alphonse Sonnois.
Emile BADEL.
(A suivre).
Article publié dans le journal Le Télégramme des Vosges le 25 août 1922