Affaire de Viménil - 19 décembre 1897

L'affaire de Viménil. — Le Mémorial a déjà parlé trois fois, en des notes courtes, du tuilier Charles-Joseph Stouvenel, âgé de 32 ans, qui a frappé d'un coup de couteau son beau-frère Ernest Vinot, âgé de 36 ans. On avait cru tout d'abord que le blessé en serait quitte pour une incapacité de travail d’environ trois semaines ; mais il avait eu le poumon droit perforé et la mort est venue, fatale, inévitable, le quatrième jour après la scène.Nous croyons devoir aujourd’hui revenir en détail sur cette affaire. Les circonstances dans lesquelles elle s’est déroulée la rendent particulièrement triste et pénible.C'était samedi 11 décembre. Les époux Ernest Vinot avaient enterré, le matin, un de leurs enfants, la jeune Irma, âgée de 3 ans. Après la cérémonie funèbre, un repas avait été servi dans la maison mortuaire. Les époux Stouvenel, les frères André, qui habitent Aydoilles, et plusieurs autres personnes y assistaient.Vers 4 heures, Ernest Vinot est au café Mentré, avec son beau-frère et quelques invités. Ce n’était peut-être guère le jour ; mais passons. Aucune querelle ne s’élève, personne ne paraît gris. La femme Stouvenel vient bientôt chercher son mari ; mais celui-ci n’en reste pas moins au café, ne le quitte qu’à 7 heures et emmène chez lui Vinot et les frères André, pour « manger un morceau ».« J'étais alors couchée, dit la femme Stouvenel, et mon mari chercha chicane à mon frère Hatton, qui vit chez nous. Il se plaignit d'avoir à le nourrir et finalement le mit à la porte. Je me suis levée pour défendra mon frère, j'ai suivi mon mari à la cuisine et je lui ai lancé mon sabot. Comme je rentrais dans l’autre pièce, lui tournant le dos, il m’a frappée au cou avec son couteau. J'ai alors prié Vinot d'aller chercher sa femme ; mais il m'a répondu : « Ce n’est pas la peine, tu n’as pas grand mal ».La femme Stouvenel sortit alors dans la rue, écoutant à la fenêtre. En même temps son mari rentrait dans la pièce où ses convives étaient attablés. «J'ai f..!, dit-il, un coup de couteau sur la g... de ma femme »Tout de suite Ernest Vinot intervint, pendant que les frères André, pris de peur, l'engageaient à se sauver avec eux. Mais il s’y refusa et, s'adressant à son beau-frère : « Ta as fait un beau coup ! » lui dit-il. Stouvenel, brandissant son arme, répondit : « le voilà encore! » Sur quoi Vinot reprit: « Tu ne voudrais pas m’en faire autant ! »Il avait à peine achevé ces mots que Stouvenel s’avançait sur lui el le frappait au-dessus du sein droit. Le blessé put sortir seul et dire à la femme Stouvenel, qui était toujours devant la maison : « Celui qui t’a donné un coup de couteau m’en a donné un aussi; je crois que j’ai reçu le coup de la mort ! »Trois cents mètres plus loin le blessé s’affaissait : « Laissez-moi tomber, disait-il à ceux qui le soutenaient ; je ne peux pas aller plus loin. »Les époux Vinot et Stouvenel ne se fréquentaient plus depuis le mois d’août, mais n'étaient point pour cela « mal ensemble ».Stouvenel est resté jusqu’au mardi sans aller voir sa victime. Ce jour-là, par exemple, il est allé trois fois prendre de ses nouvelles. Il avait auparavant signé l’engagement de payer le médecin, les médicaments et d'indemniser son beau-frère pour toute là durée de son chômage forcé. Nous avons dit qu'aussitôt le décès, Stouvenel est venu se constituer prisonnier à Epinal.Il reconnaît avoir frappé sa femme : mais en ce qui regarde Vinot, voici sa réponse : « Il paraîtrait que je lui ai plongé mon couteau au-dessus du sein droit ; je ne m'en souviens pas ! » La malheureuse veuve, deux fois en deuil en une semaine, reste seule avec cinq jeunes enfants, et elle sera bientôt mère d'un sixième, orphelin avant de naître !
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges