Congrès à Epinal - 11 janvier 1898

UN CONGRÈS À ÉPINALNous disions, l’an dernier, que la réunion tenue par la société de Girecourt semblait un véritable congrès, vu l’importance des questions que des hommes compétents y avaient traitées. Nous ajoutions que rarement la Chambre même peut se flatter d'une séance aussi féconde. Notre association vosgienne a mérité cet éloge à un plus haut degré encore, après la séance qu’elle a tenue, hier dimanche, à la Bourse—séance qui amènera d’heureux résultats pour la culture vosgienne.Les rapports qu’on y a présentés attestent que l’esprit d’émulation anime la plupart des adhérents. Ils étudient avec ardeur les problèmes dont la solution vaudra le salut à nos paysans. Ils ouvrent des voies nouvelles. Cette science agricole, encore imparfaite, ils l’envisagent sous toutes ses faces. On a consacré une grande partie du débat à la carte agronomique des Vosges ; elle sera bientôt dressée et, alors, les vieilles méthodes, les procédés traditionnels et stériles auront vécu.Parmi les lecons hautement intéressantes que nous avons entendues, nous placerons au premier rang celles qu'a données M. Henry Boucher. L’honorable ministre du commerce est un de ceux qui vont le plus de l'avant, qui donnent la plus vive impulsion aux choses de leur département. Tout ce qu'il a dit sur les alcools dénaturés, l’avenir de la distillerie, l'emploi des colis postaux qu'il a créés, les taxes douanières, le rôle des syndicats, les octrois, l’exportation des produits de la ferme, les assurances, à hautement intéressé l’auditoire, où il ne compte que des amis.Cet exposé était neuf. Et quel entrain, quelle netteté dans l’expression, quel agréable tour d'esprit ! On a apprécié surtout le passage improvisé par le ministre répondant à une question sur le blé. M. Boucher, en cet instant surtout, a trouvé la véritable éloquence française, faite de vivacité, de trait, de clarté et d’à-propos.L’honorable membre du gouvernement a remporté une victoire sur un adversaire — ce n’est ni la première ni la dernière -— quand M. Figarol est venu reconnaître, avec une bonne grâce charmante, les services que M. Boucher a rendus et quand il a fait le plus complet éloge de la politique économique suivie avec constance par le cabinet Méline. Pendant qu'il y était, le président honoraire de la société a même salué la République, acclamée au passage par une brève interruption.En cette journée si pleine de précieux enseignements, on a fait — le ministre tout d'abord — beaucoup de bien, en vue d'améliorer le sort des pauvres attachés au sol. Mais, les orateurs n’ont point poussé les rugissements qu’on a coutume d’ouïr dans les réunions socialistes ; ils n’ont point eu de gestes tragiques ; ils n’ont point roulé de gros yeux ou pris des figures rappelant celle de Méduse. Ils ont échangé de fécondes idées, paisiblement, en camarades, en gens sérieux et charitables, en bons Français.Par malheur, un voile noir drapait les trophées rustiques. Dès le matin, on savait l'honorable président, M. Camille Krantz, retenu au chevet de son beau-père agonisant et bientôt arrivait un télégramme funèbre. En la douloureuse circonstance, tous ces Vosgiens ont envoyé un témoignage de profonde condoléance à ce président qu’ils aiment et qu’ils savent si cordialement dévoué à leur cause. M. Henry Boucher, interprétant le sentiment commun, a trouvé des paroles touchantes pour son collègue et ami. Nous joignons à tant de marques affectueuses le tribut de notre personnelle sympathie.
Nestor DENIS
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges