L'agriculture dans les Vosges 1889

L'AGRICULTURE DANS LES VOSGES PAR M. FIGAROL, Membre associé
SECTION 1
A. — Rendement des cultures.Pour les céréales le rendement a sensiblement augmenté depuis 1875, mais seulement chez les cultivateurs aisés et instruits et chez quelques petits cultivateurs qui ont suivi les exemples de leurs voisins. On peut estimer à 400 kilogrammes à l’hectare l’augmentation du rendement en blé chez les cultivateurs qui se sont mis à la tête du mouvement. Cet accroissement est dû à des fumures plus abondantes fournies par les fumiers mieux soignés, à l’appoint des fosses à purin, à l'emploi des engrais chimiques, scories de déphosphorisation et nitrate de soude et à l'usage judicieux des semences de blé à grand rendement qui réussissent dans les meilleurs terres du pays.Les prairies ont dû une très grande amélioration à l'emploi des scories de déphosphorisation (1,300 kilog. à l’hectare), au prix de 3 francs les 0/0 kilog., des phosphates fossiles qui reviennent au même prix mais ne sont pas partout aussi efficaces. L’un et l’autre de ces engrais améliorent la qualité plus qu'il n’augmentent la quantité du foin.Les pommes de terre ont un rendement à l’hectare plutôt inférieur. On comptait il y a quinze ans, comme récolte moyenne, vingt resaux de deux hectolitres au jour de 20 ares ; il ne faut plus compter que 16 resaux, soit 160 hectolitres à l’hectare, au lieu de 20, 10,560 kilos. au lieu de 13,200. La raison de cet abaissement provient, en grande partie, de l’augmentation de la main d'œuvre. Le petit cultivateur, travaillant de ses mains ou avec l’aide de sa famille, pour peu qu'il fume raisonnablement ses terres, obtient les mêmes récoltes que précédemment.
B. — Prix de vente.Le prix moyen du blé a été de 29 fr. les 100 kilog. de 1875 à 1878, et de 1885 à 1888, malgré les droits de 3 fr. et de 5 fr. 22, soit 7 fr. en moins par 100 kil. La viande a valu de 1 fr. 75 à 1 fr. 80, suivant qualité, pendant la première période ; dans la seconde, de 1 fr. 20 à 1 fr. 40.La pomme de terre a valu :En 1875, 3 fr. l’hectolitre ou 4 fr. les 100 kilog.En 1876, 3, 4, et 5 fr. moyenne, 4 fr. l'hectotitre ou 5 fr. 33 les 100 kilog.En 1877, 5 fr. l’hectolitre, 6 fr. 66 les 100 kilog.En 1878, 5 fr. l’hectolitre, 6 fr. 66 les 100 kilog.Moyenne des quatre années: 4 fr. 25 l’hectolitre ou 5 fr. 66 les 100 kilos.En 1885, 2 fr. 62 l’hectolitre, 3 fr. 66 les 100 kilos.En 1886, 2 fr, 75 l’hectolitre, 3 fr 66 les 100 kilog.En 1887, 2 fr. 75 l’hectolitre, 3 fr. 66 les 100 kilog.En 1888, 3 fr. 75 l’hectolitre, 5 fr. les 100 kilog.Moyenne des quatre années 2 fr. 969 l’hectolitre, 3 fr. 95 les 100 kilog.Différence en moins 1 fr. 281 l’hect., 3 fr. 75 les 100 kilos, soit 204 p. % en moins à l’hectare.La valeur du sol a baissé ; il est difficile de dire au juste dans quelle proportion ; les terres éloignées, d'accès difficile, de qualité médiocre, qui valaient 1,500 francs l’hectare ne valent plus que 4 à 500 francs et trouvent difficilement preneurs ; les meilleures terres n’ont pas perdu moins d’un quart de leur valeur. Il est surtout à remarquer que les acheteurs deviennent de plus en plus rares et que les marchands de biens qui, jusqu’à ces dernières années, ne cessaient de courir les campagnes, ne se montrent plus.Aussi, le sol a-t-il peu changé de mains et les propriétaires el cultivateurs, de beaucoup les plus nombreux dans les Vosges, n’ont que peu acheté dans ces dernières années. La baisse du prix de la terre ne leur a donc pas profité et même un grand nombre qui avaient acheté au temps des hauts prix et n’avaient point parfait le paiement se trouvent très gênés en ce moment ; le taux du fermage a sensiblement baissé et il devient de plus en plus malaisé de trouver des fermiers solvables. Beaucoup de fermiers paient irrégulièrement et les propriétaires ne les poursuivent pas crainte de ne pas trouver à les remplacer. Dans la région des pommes de terre, le loyer de la terre a baissé de plus de moitié. La location s’y faisait en détail et les prix étaient devenus exorbitants ; j'ai vu des petits champs, de six à huit ares, loués à raison de 2 francs l’are, la moyenne était au moins 1 franc l’are. La baisse est de moitié, le paiement difficile et les propriétaires sont obligés de cultiver eux-mêmes, surtout en prairies temporaires, les pièces qui ne trouvent plus preneurs.Depuis 1875 la main d'œuvre n’a pas haussé, mais elle est devenue plus rare, moins habile et moins forte. Les grands travaux publics que notre rapprochement de la frontière a rendus indispensables dans notre département, — canaux, chemins de fer, routes, forts, la fondation d’usines nombreuses venues d'Alsace, — ont augmenté, dès 1872, les prix de la main d'œuvre dans une très forte proportion, et enlevé aux travaux agricoles les ouvriers les plus forts, les plus intelligents. Au début, ce n’était pas les meilleurs qui quittaient le village, mais les pires paresseux ou ivrognes sont bientôt revenus ; les entrepreneurs et les industriels ont peu à peu fait un choix, et, en définitive, la perte a été aussi grande en qualité qu’en nombre. L'armée, aussi, enlève un plus grand nombre d'hommes à la campagne et tous ne reviennent pas au village. L’instruction, qui n’a pas attendu les lois nouvelles pour se développer dans les Vosges, permet à beaucoup de nos paysans d'obtenir les galons de sous-officiers. Il est rare qu’un sous-officier consente, à la fin de son congé, à reprendre la charrue. A défaut d'une place du gouvernement, d'un emploi dans les chemins de fer, ils trouvent, dans les villes dont ils ont goûté et dont ils aiment la vie, à se caser dans le commerce ou l'industrie.L'usage, dans la plupart des exploitations agricoles des Vosges, est de nourrir, non seulement les domestiques, mais les manœuvres. L'habitude du bien-être — qui a pénétré partout — a rendu cette nourriture beaucoup plus coûteuse qu'autrefois. L'usage du vin, surtout, en toute saison et à tous les repas, est admis presque partout. On peut dire que le prix de la journée du manœuvre a augmenté d’un tiers et que le coût de la nourriture a doublé.Les domestiques de ferme ont vu leur gage doubler depuis 1870. Il semble que le mouvement de hausse est enrayé. Mais, il s’est établi dans les Vosges, un usage qui nous semble très fâcheux ; beaucoup de cultivateurs engagent des domestiques, surtout de jeunes enfants et ne les gardent que six mois, pendant la saison des forts travaux, de Pâques à Noël. Les autres six mois, c'est pour la plupart la misère et la paresse. Un gage moindre et un séjour de toute l’année dans la ferme nous semblerait plus avantageux pour l’une et l’autre partie et plus moral.La situation de l’agriculture dans les Vosges ne s’est pas améliorée depuis 1878, sans qu'on puisse dire quelle ait empiré depuis cette époque, sauf en ce qui concerne la culture de la pomme de terre.
SECTION IISi nous recherchons les causes de cette situation, il en est une générale et contre laquelle :l n’y a rien à faire. C’est la facilité des transports et l’abaissement de leurs prix. Jadis, une mauvaise récolte locale avait une influence directe, immédiate, sur les prix de la denrée atteinte ; aujourd’hui, la récolte totale seule, la récolte pour ainsi dire du monde entier, peut exercer une action sur les prix. Cet effet, devenu plus sensible à mesure que les anciens courants commerciaux disparaissent et que de nouveaux s'établissent, n’a pas encore été compris des cultivateurs vosgiens qui vivaient de la vente de la pomme de terre aux féculeries. Ils s’étonnent que les variations de prix, en raison de la récolte, ne soient plus les mêmes qu'autrefois. Les féculiers eux-mêmes ne l’ont appris qu’à leurs dépens et beaucoup ont été victimes de cette erreur. Les conditions n’ont pas changé depuis 1878, mais de nouveaux concurrents com- merciaux se sont établis. Nous avons perdu, avec l’Alsace, le marché le plus important et le plus proche, où trouvait à s’écouler plus de la moitié de la fécule fabriquée dans le département. Les très belles sortes, fécules extra-supérieures, ont continué à y trouver quelques placements devenus chaque année plus rares et aujourd'hui nuls. La fécule allemande, meilleur marché, défendue par un droit d'entrée de 7 fr. 25 par 100 kilog., a remplacé, en Alsace, la fécule vosgienne. Au lieu de se trouver les plus rapprochés d’un grand centre de consommations, les féculiers des Vosges se trouvent plus éloignés que tous leurs concurrents de tous les marchés. Le Nord s’alimente principalement en Hollande, Rouen dans l'Oise ou en Allemagne (par eau les fécules ont un transport moindre de Hambourg au Hâvre ou même à Rouen, que les fécules vosgiennes par rail et même par canal à Seine) ; Lyon à l’Auvergne, les papeteries du Limousin, la Sarthe et le Loiret ; Paris, enfin l’Oise, Seine-et-Oise et Seine. Notre fabrication, trop importante pour la région diminuée, ne peut plus trouver un écoulement avantageux sur les marchés intérieurs ; il en est de même pour les places étrangères. Pour aller en Espagne il nous faut atteindre, par une voie ferrée, Cette ou Marseille. L’Auvergne y atteint à moindre prix que nous. L’Allemagne, par mer, obtient un prix inférieur. C'est l'Allemagne, aujourd’hui, qui, grâce à des tarifs spéciaux, fournit la Suisse et l’Italie. Enfin, la concurrence des fécules de maïs s'oppose à la hausse des fécules de pommes de terre au-dessus de 30 à 35 fr., c'est-à-dire condamne la pomme de terre à ne pas dépasser, quelque mauvaise que soit la récolte, le prix de 3 ou 3 fr. 50 l’hectolitre.Toutes les autres régions françaises, produisant des fécules, obtiennent des pommes de terre à un prix sensiblement inférieur à celui qu'elles atteignent dans les Vosges, à tel point que les féculiers vosgiens font venir tous les ans des wagons et des bateaux de pommes de terre de la Meurthe, de la Meuse, de la Haute-Saône et de la Saône-et-Loire. Notre sol est-il moins propre que jadis à la production de la pomme de terre ? Il est possible que la continuation de cette culture l’ait en partie épuisé. Cependant, c’est plutôt au manque de soins culturaux qu’il faut attribuer, à l’affaiblissement graduel des récoltes, mauvais choix et mauvais soin des semences, un travail mal fait, avec des instruments dont la plupart des aides agricoles ne se servent qu’à regret et de mauvais vouloir ; on trouve encore des villages composés de petits cultivateurs laborieux qui obtiennent des rendements doubles de la moyenne et qui, tout en regrettant le haut prix d'autrefois, trouvent encore, dans les conditions actuelles, une juste rémunération de leurs peines.Néanmoins, la féculerie ne pourra pas durer dans les Vosges, et, chaque année, de nombreuses usines se ferment et beaucoup ne marchent qu'avec peine. Celles qui cessent se vendent à des prix dérisoires. Une usine qui avait coûté 100,000 fr. à la gare de Xertigny a été adjugée à 21,000 fr. ; une autre de 50,000 fr. n’a pu obtenir que 12,000 fr.L’effort le plus grand qu’ait fait la culture des Vosges s’est porté sur les engrais chimiques. Les scories phosphoreuses, les phosphates des Ardennes, le nitrate de soude étaient peu employés en 1878. Grâce à des essais particuliers, aux leçons données par le professeur d'agriculture et l’établissement de syndicats, aux exemples de quelques cultivateurs plus aisés, plus instruits, depuis trois ans l'usage s’en est généralisé.Le syndicat de Remiremont a fourni à ses membres des scories, celui de Mirecourt et celui de Neufchâteau en ont fait autant ; celui de Bruyères a importé 35 wagons de 10 tonnes, celui de Rambervillers 120 wagons ; les cantons de Bains et de Xertigny utilisent surtout les phosphates des Ardennes. Le nitrate de soude est employé sur les blés dans toutes les bonnes cultures du pays.Les phosphates, d’où qu’ils proviennent, sont employés à raison de 1,500 kil. par hectare ; sur prairie, leur effet est d'assez longue durée, ils réussissent également par la culture du sarrazin et des céréales ; on leur attribue le mérite de rendre le blé plus résistant, dans les terres chaudes, aux alternatives de gelée et de dégel si fréquents dans les Vosges au printemps.Les machines, autres que les herses à cheval, sont d'un emploi difficile dans la plupart des cultures du département. La terre est trop divisée pour qu'on puisse faire fonctionner utilement les semoirs, les moissonneuses et les faucheuses. Ces instruments se trouvent en nombre toujours grandissant partout dans les Vosges où leur emploi est possible. Pour les petits instruments, les maréchaux du pays copient, et, quelquefois améliorent, en les adaptant au sol, ceux qu’ils voient dans les concours. Les syndicats, qui obtiennent des fabricants importants une remise de 20 % environ, rendront inutile celle concurrence pas très loyale.Les améliorations fermières sont également rendues presque impossibles par le morcellement de la propriété. Les chômages qui seraient fort utiles dans une grande partie du département ne se font pas faute d’étendue suffisante, et la plupart de ceux que nous connaissons ont été entrepris dans les arrondissements de Remiremont, de Mirecourt et de Neufchâteau où l’on trouve encore d’assez vastes espaces, d’un seul tenant, appartenant au même propriétaire.
SECTION IIILa loi du 3 novembre 1884, favorisant par la réduction des droits de mutation les échanges de parcelles, est excellente, mais si elle n’a pas produit beaucoup d’effets utiles, c’est la faute des populations.Nous craignons que des mesures législatives, pour rendre obligatoire des réunions de parcelles, bien que désirables et avantageuses en elles-mêmes, ne soient considérées, par la population, comme une atteinte à la propriété.
SECTION IVIl ne semble pas que les agriculteurs vosgiens se soient beaucoup adressés à la station agricole de l’Est ni même au laboratoire départemental de Remiremont. Les prix de ces deux établissements paraissent très élevés. Les syndicats s’adresseront à eux plus volontiers que les particuliers.Les champs l'expérience n’ont pas rendu tous les services qu’on en pouvait attendre ; néanmoins, ils ont contribué à développer l’usage des engrais chimiques et attiré l’attention sur les blés à grands rendements et les variétés de pommes de terre.
SECTION VFéculerie.La culture de la pomme de terre existait dans les Vosges longtemps avant qu’elle fût répandue par Parmentier. La féculerie y a paru vers 1948.Elle s'est rapidement développée et a atteint son apogée de 1894 à 1867.La pomme de terre pour fécule est cultivée dans une partie de arrondissement de Remiremont, une partie de l'arrondissement de Saint-Dié et la presque totalité de celui d'Epinal.La pomme de terre la plus répandue est celle dite Jeuxey, introduite vers 1848, au moment ou la maladie avait détruit la plus grande partie des espèces précédemment employées. Depuis quelques années, on a tenté la vulgarisation des variétés nombreuses pour les substituer à la Jeuxey, dont le rendement en tubercules et la teneur en fécule ont sensiblement diminué. Les Red-Shinned, on les appelle Rouges, ou belles d’Amérique ou Farineuses rouges, sont les plus employées après la Jeuxey. Cette espèce a l'inconvénient de se garder difficilement en cave et de pourrir complètement en tas quand elle s’échauffe.La merveille d'Amérique, dite vive rouge ou l'évêque, donne un rendement inférieur. Beaucoup d'autres espèces ont été introduites mais n'ont pas pris pied dans le pays.La plantation se fait: 1° à la main. La terre étant labourée et hersée, des hommes font des trous espacés de 0,40 cent. environ, des femmes ou des enfants jettent les tubercules dans ces trous que les hommes recouvrent en faisant les trous de la rangée suivante ; 2° à la charrue de deux en deux raies. Les pommes de terre se plantent suivant l’état du champ, soit au fond de la raie, soit sur le bord non encore labouré du sillon, soit à mi-côte de la couche de terre précédemment retournée.L’espacement des tubercules est de 0,33 cent. sur la longueur, d'environ 0,50 cent. entre les lignes.Les pommes de terre plantées à la main reçoivent un coup de herse avant la levée, ou mieux un coup de crochet qui rejette sur le sol les herbes adventives. Une fois levées, on bêche le champ à la houe en ayant soin de faire pénétrer l’instrument au-dessous de chaque tubercule qui trouve ainsi une terre ameublée pour son développement. Grandies, on les butte à la main et on les laisse ainsi jusqu'à la récolte. Ces tubercules plantés à la charrue sont quelquefois cultivés à la main comme les précédents.Le plus souvent elles recoivent un où deux coups de herse, le premier avant, le second sitôt après la levée. Plus tard, un passage de la houe à cheval entre les lignes ; un homme enlève ensuite, à la houe à la main, les herbes restées entre les tubercules ; l’arrachage se fait le plus souvent à la main.Quelques cultivateurs, pour la plantation, se servent d’une charrue butteuse.L'engrais employé est le fumier de ferme à une dose très variable de 30 à 10,000 kilog. à l’hectare.On avait, dans beaucoup de localités, l'habitude de répandre sur les pommes de terre levées des cendres lessivées. Cet usage est à peu près perdu. Depuis l’an dernier on essaye des scories.Le produit brut à l’hectare est essentiellement variable avec une même espèce, une même culture, les mêmes engrais. L'influence de la température est plus forte que tout le reste.Chez un même cultivateur nous avons trouvé 8,000 kilog. une année et 45,000 une autre. Nous avons donné la moyenne des récoltes et le prix dans la 1ère partie.À la main le manœuvre ne gagne guère au-delà de ses journées.En effet :Location du champ à. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50Labourage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Fumier et transport, déduction faite de la saveur. . 100 ----- 180La récolte moyenne est de 160 hectolitres dont poursemences 30 ; reste 130 hectolitres au prix moyende 3 francs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 390 ----- Soit. . . . . . 210Pour la main d'œuvre, quand il travaille à façon, ildemande 37 fr. pour 20 ares ou par hectare . . . . . . . 185 ----- Différence en plus. . . . 29Le cultivateur, généralement propriétaire, ne gagne de son côté par ce système de culture, que 25 fr., plus le loyer du champ. L'économie semble considérable à n'employer que les instruments ; mais, en réalité, le travail beaucoup moins bien fait entraîne une diminution de récolte assez grande, variable aussi suivant les années. La culture des pommes de terre ne donne donc, actuellement, qu’un très mince bénéfice, mais c'est pour la partie du département qui la cultive, la seule qui procure de l'argent.En général, les féculeries ne sont pas annexées à des exploitations agricoles. Le rendement des pommes de terre, en fécule, est très variable par année : il dépend de la qualité de la pomme de terre et de sa conservation en cave. Les extrêmes sont, à ma connaissance, de 7 à 13 hectolitres, soit 462 kilog. à 858 ; la moyenne acceptée généralement est de 10 hectolitres ou 660 kilog. Mais ces 660 kilog., après avoir produit 100 kilog. de fécule première, rapportent encore de 15 à 17 kilog. de fécule seconde ou repassée qui représentent les frais de fabrication et les bénéfices du féculier, ce qui, les ruines nombreuses des féculeries l'attestent, n’est pas suffisant. En 1865, Le prix de la pomme de terre s’établissait sur le prix de la fécule en le diminuant de 5 francs pour frais de fabrication, il y avait là une exagération.Les résidus provenant de la fabrication sont de deux sortes : 1° les pulpes qui, ayant été repassées, ne contiennent plus de fécule ; 2° les fécules mélangées de pulpes très fines. Ces dernières se vendaient autrefois aux fabricants d’alcools qui maintenant n’en demandent et n’en veulent plus. Les uns et les autres se vendent pour la nourriture des cochons. Le prix varie suivant les années de 0,50 à 2 fr. l'hectolitre ressuyé, mais non purgé. Les eaux de lavage servent à l'irrigation des prés qui, le plus souvent, n’appartiennent pas aux féculiers. L'amélioration qui en résulte est considérable et on estime qu'avec une irrigation suffisamment étendue, la plus value de la prairie peut atteindre 10 p. % du prix des pommes de terre rappées, de sorte qu’une féculerie achetant 100,000 fr. de pommes de terre, lâcherait, dans des eaux de lavage, 10,000 fr. L'effet fertilisant se fait sentir à de grandes distances. L’herbe très abondante, poussant rapidement, est de qualité médiocre et ne peut être utilisée qu'en nourriture. Quand l’année est précoce et sans gelée on peut couper jusqu’à cinq fois. En général, on met trop d’eau fertilisante sur les prairies qui finissent par être envahies par les carottes et les panais sauvages et par les oseilles.
OBSERVATIONS DE M. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE SUR LE RAPPORT DE M. FIGAROLAvant 1876, le commerce spécial de la France produisait en moyenne une exportation supérieure à l'importation. Depuis cette date, soit depuis treize ans, l'importation a dépassé l’exportation de treize milliards, dont les étrangers se sont enrichis à nos dépens. Ce sont les traités de 1860 qui ont fini par aboutir à ce désastre et à toutes les souffrances de notre agriculture. Ces treize milliards, l’ouvrier français les aurait touchés en partie, sous forme de salaire, sans ces fatals traités. Si, sous prétexte du bon marché, chaque français achète à l’étranger ses aliments, ses vêtements, son chauffage, ses meubles et autres objets nécessaires à la vie, les travailleurs ou producteurs français, c’est-à-dire tous nos compatriotes, sauf les commerçants et les parasites, n'auront plus qu’à s'expatrier pour trouver du travail et le salaire nécessaire pour eux et leur famille, ou à laisser tristement s'éteindre leur race. À cet anéantissement de notre patrie le remède est simple, c’est de protéger le travailleur français contre l'étranger mieux armé pour la lutte, par exemple contre l’ouvrier indien qui a pour vêtement le soleil et pour ration journalière une poignée de riz coûtant quelques centimes ; c’est de ne plus renouveler les néfastes traités de 1860, et de relever les droits d'importation dans la mesure nécessaire pour que l’importation ne dépasse plus l'exportation. À cet égard, imitons la sagesse des Etats-Unis qui doivent leur prospérité à la protection de leur tarif douanier. Au siècle dernier, nous avons combattu pour leur donner l'indépendance, sachons en retour profiter de leur exemple et, comme eux, conquérir fièrement l’indépendance de notre commerce, de notre production ; ainsi, nous serons vainqueurs dans l’inexorable lutte pour la vie, que nous soutenons vaillamment contre le monde entier.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges