Le drame d'Aydoilles - 22 juillet 1932

Cour d'appel de Nancy
Le drame d'Aydoilles
Pierre-Louis Chope, 25 ans, ouvrier d'usine à Aydoilles, marié une première fois en 1925, divorça en octobre i929 et se remaria le 8 mars 1930 avec Jeanne Valdenaire qui appartient à une honnête famille. Un enfant est né de cette union. Pierre-Louis Chope, qui a toujours beaucoup chopiné, ne tarda pas à se montrer aussi brutal envers sa seconde épouse qu'il l'avait été pour la première.Comme il frappait également ses beaux-parents, et mieux, son père, il fut déféré au tribunal des Vosges, qui, jugement du 8 août 1930, ordonna l'examen mental du prévenu.L'expert constata que Chope - le bien nommé - présentait des signes évidents d'une imprégnation alcoolique très marquée. Il indiqua dans son rapport que Chope était atteint d'intoxication alcoolique avec irritabilité morbide, idées de jalousie et de malveillance, et qu'il avait exécuté en état de démence les actes qu'on lui reprochait. » En conséquence, Chope bénéficia d'un non-lieu et fut interné à l'asile de Maréville. Par suite du régime sec auquel il fut strictement soumis, Chope ne tarda pas à recouvrer toute sa lucidité d'esprit. Il promit de ne plus boire et fut remis en liberté le 5 septembre 1931, sur la demande d'une de ses soeurs habitant la banlieue de Paris, qui s'était engagée à le recevoir près d'elle. Mais dès qu'il eut quitté l'asile, Chope vint retrouver son épouse, à Aydoilles, et se remit à chopiner de plus belle. Paresseux et ivrogne, il passait ses journées dans l'oisiveté à Chavelot, et ne rentrait que le soir au domicile de son épouse et de ses beaux-parents. Le 28 janvier dernier, en revenant, chez lui, vers 18 heures, il manifesta tout d'abord l'intention de se tirer un coup de revolver, puis après le souper, alors que son épouse faisait la toilette de leur enfant, il tira vers elle sept coups de revolver, sous le prétexte qu'elle lui aurait dit, au cours d'une discussion : « Tu as été aux fous. Tu n'as qu'à retourner chez ta mère ! ». Atteinte légèrement par cinq projectiles, Mme Chope eut le bras droit fracturé par une sixième balle qui n'a pu être extraite. Elle dut rester alitée pendant plusieurs semaines.Chope entra, quelques instants après le drame, dans un café et annonça, qu'il venait de tuer sa femme. Il se sauva dès qu'il eut entendu la débitante qui actionnait l'appareil téléphonique. 11 alla jeter son revolver dans un ruisseau et sa bicyclette dans la Moselle. Le 30 janvier, vers midi, il alla s'abriter dans la baraque du garagiste de Golbey. Il demanda du pain, se chauffa et réclama des journaux. Sa conversation ne paraissait pas anormale. Quand les gendarmes vinrent l'appréhender, vers 16 heures, il tint des propos incohérents puis se laissa emmener sans résistance. Il fut de nouveau soumis à un examen mental. Cette fois, M. le docteur Aubry estima que le prévenu devait être considéré comme pênalement responsable de ses actes puisque depuis sa sortie de l'asile de Maréville où il avait été privé de spiritueux pendant un an, les signes d'intoxication alcoolique d'activité délirante, si manifestes en 1930, avaient disparu.Traduit devant le tribunal d'Epinal, Chope demanda, une contre-expertise qui lui fut accordée, mais le ministère public fit appel de cette décision.Après avoir entendu les explications dé M. Ducasse, avocat général, et la plaidoirie de Me Mentré, la cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de procéder à un nouvel examen mental et, tenant compte de la gravité des faits, elle a condamné le prévenu à cinq ans de prison.
Article publié dans le journal L'Est Républicain le 22 juillet 1932