Electrification de la Région du Durbion - 27 décembre 1923

LE PROGRÈS EN MARCHE
L’Electrification de la Région du Durbion est aujourd’hui un fait accompli.
Le premier, dans nos Vosges, le Syndicat d’électrification de la région du Durbion, vient de réaliser son programme et depuis hier, toules les communes intéressées jouissent des bienfaits de l’électricité.Il est superflu de rappeler ici le grand intérêt que présente pour nos campagnes la diffusion de cette force mystérieuse : signalons seulement, eu faisant nôtre l'avis des personnes particulièrement compétentes, que le fait de dispenser largement la lumière et la force dans nos campagnes, est un des plus sûrs moyens de retenir la jeunesse à la terre.Et avant de poursuivre plus avant le compte rendu de l'assemblée générale du Syndicat du Durbion, nous tenons à adresser nos plus vives félicitations au bureau du Syndicat, à M. l’ingénieur du Génie Rural et aux représentants de toutes les communes qui ont compris la haute portée du but à atteindre et n’ont ménagé ni leur temps ni leur peine pour assurer une prompte réalisation.
L’Assemblée générale
Le bureau du Syndicat intercommunal pour l'électrification de la région du Durbion, avait décidé de tenir une assemblée générale le jour même de l'inauguration de son réseau.C’est cette assemblée qui s’est tenue hier a 11 heures du matin dans l’ancienne salle du Conseil général, à la Préfecture des Vosges.M. Paul Lederlin, sénateur des Vosges, préside. Il a, à ses côtés, M. Lefrançois, vice-président ; M. Louis Guillon, secrétaire général ; M. Koch, trésorier ; MM. Simonet et. Divoux, membres du bureau : M. Préaud, ingénieur en chef du Génie rural.Les communes de Bayecourt, Destord, Deyvillers, Domèvre-sur-Durbion, Dompierre, Fontenay, Girecourt-sur-Durbion, Jeuxey, Longchamp, Méménil, Nonzeville, Padoux, Pallegney, Pierrepont, Vaudéville, Vllloncourt, Viménil et Zincourt sont représentées par leurs maires et par leurs délégués.M. le maire et M. le délégué de Hadigny se sont fait excuser.M. Paul Lederlin ouvre la séance. Il dit d’abord sa joie de voir réaliser un projet donl l'intérêt ne saurait échapper à personne et il remercie chaleureusement M. Préaud, ingénieur en chef du Génie rural, et M. Guillon, d’avoir, grâce à leur activité, permis de donner aussi rapidement l'électricité à la région du Durbion. Le président passe ensuite la parole à M. Guillon pour la lecture du rapport moral.
L’historique de l'électrification de la vallée du Durbion
M. Louis Guillon, secrétaire général, présente un historique complet et clair du Syndicat.L’Amicale des Maires du canton de Châtel, dit-il, envisageant au lendemain de sa création les différentes questions qui pourraient être utilement étudiées par elle pour le plus grand profit des habitants de sa région, entrevit que l'une des plus importantes étaient celle de la distribution de l'énergie électrique aux communes rurales. On se mit facilement d’accord sur le principe, mais de grosses difficultés dr réalisation apparurent immédiatement. Il était évident en effet qu'aucun concessionnaire ne voudrait installer à ses frais le réseau de lignes nécessaires car les recettes ne seraient pas en rapport normal avec la dépense engagée. On peut admettre en effet que pour amener et installer l'électricité dans un village moyen, la dépense totale atteint environ 40 à 50.000 francs et que la recette brute annuelle ne dépasse guère 2.000 francs. Le Génie rural consulté confirma ce point de vue et il apparut que les communes, devaient elles-mêmes faire les frais du réseau pour en confier en suite l’exploitation à un concessionnaire qui leur verserait chaque année une certaine redevance. Le groupement des communes intéressées en un Syndicat puissant parut alors indispensable pour la recherche aussi avantageuse que possible d’une solution générale et la mise au point de ia répartition des dépenses qui seraient engagées.Ce principe admis, l’Amicale des maires du canton de Châtel se mit de nouveau en rapport avec M. l’ingénieur en chef du Génie rural à Nancy, pour lui demander de bien vouloir la renseigner sur les possibilités de donner une suite rapide a ses désirs.Au cours d'une causerie aux maires du canton de Châtel, en août 1921, M. Préaud faisait comprendre à cette assemblée qu’il paraissait indispensable de sortir des limites étroites du canton, et de rallier à notre projet certaines communes des cantons voisins situées sur la rive droite de la Moselle, et peut-être même certaines communes de la vallée de la Mortagne. Mais, à ce moment, il n’était guère possible encore de fixer d’avance la solution définitive. Aussi le Génie rural ayant entretenu l'auditoire de la formule de répartition des dépenses qui pourrait être la suivante : moitié de la dépense répartie proportionnellement au nombre des habitants, et l’autre moitié répartie proportionnellement à la valeur du centime communal, on décida qu’une étude plus complète serait faite de la question, et qu’un avant-projet serait présenté ultérieurement.A l’issue de cette réunion, un comité du Syndicat provisoire d’études fut constitué.En décembre de la même année, alors qu’on considérait encore comme la meilleure solution un Syndicat englobant les communes du canton de Châtel, rive droite de la Moselle, et certaines communes de la vallée do la Mortagne, il fut décidé qu’une nouvelle réunion aurait lieu à Thaon le 27 décembre, sous la présidence de M. Lederlin, et que les communes de la région de la Mortagne verraient leurs représentants convoqués.Cette réunion eut lieu comme il avait été décidé, et, indépendamment des communes du canton de Châtel, les communes de Deinvillers, de Clézentaine, de Saint-Maurice, de Fauconcourt, d’Hardancourt, de Romont, de Saint-Genest, de Moyemont et d’Ortoncourt furent également représentées.Quoique l’accord sembla se réaliser alors sur les bases proposées par le Génie rural, il ne devait pas y avoir, cependant, de réalisation immédiate car des événements nouveaux étaient intervenus pour modifier sensiblement la physionomie du premier avant-projet. En effet, depuis la causerie faite par M. Préaud, les communes de Damas-aux-Bois, de Moriville, de Rehaincourt et de Haillainville préférant poursuivre des pourparlers antérieurs, s'étaient décidées à traiter directement avec la C. L. E.Néanmoins, cependant, du fait de l'intervention du Génie rural, ces communes, quoique séparées pour l’avenir du Syndicat d'organisation, devaient réaliser chacune 14.000 francs d’économie sur les projets envisagés par elles isolément et primitivement avec la Compagnie Lorraine.Ce résultat bien qu'à côté des intérêts particuliers du réseau du Durbion, méritait à mon point de vue d’être signalé.D'autre part, les représentants des communes de la région de Dompaire avaient eu avec M. Préaud, depuis la date du 27 décembre, une réunion à Epinal, et avaient décidé la constitution d’un Syndicat intercommunal, dit de la région de Dompaire, qui devait englober en un vaste réseau électrique les communes de ce canton, quelques-unes du canton de Mirecourt, les villages de Mazelay, Frizon et Oncourt du canton de Châtel et Fomerey du canton d’Epinal.Toujours à la même époque, à la demande de plusieurs maires de la vallée de la Belvitte, on voyait éclore un nouveau Syndicat de cette région. Ces trois événements qui furent désagréables à l’époque à quelques-uns par suite du nouveau retard qu'ils créaient, devaient permettre de voir d’une façon plus nette la physionomie des futurs réseaux.Aussi, te Génie rural, à la faveur de ces circonstances, avait étudié le problème sous un autre angle, et le Syndicat de la vallée du Durbion était alors envisagé ; les communes du canton de Rambervillers, primitivement pressenties, devant être constituées en un Syndicat spécial, comme aussi celles de la vallée de la Belvitte. Enfin le Syndicat de Dompaire comprendrait les communes de Frizon, d’Oncourt, de Mazelay et de Gigney. Ce futur Syndicat du Durbion comprendrait, lui, les communes du canton d’Epinal Est, quelques communes du canton de Bruyères et les communes de la rive droite de la Moselle du canton de Châtel.Une nouvelle et dernière réunion consultative était nécessaire ; elle eut lieu le 22 février 1922 à Epinal.Parmi les communes intéressées, seules les communes de Destord, de Nonzeville et de Pierrepont n’étaient pas représentées. PierrePont avait néanmoins adressé son adhésion de principe.Cette séance fut très intéressante, et se termina par les résolutions suivantes qui furent adoptées à l’unanimité.1° Les maires ou délégués des communes intéressées acceptent en principe la constitution d’un Syndicat intercommunal ayant pour objet la construction du réseau nécessaire et qui en confiera ensuite l’entreprise et l'exploitation à un concessionnaire ;2° La dépense totale comprenant les lignes à haute tension, les postes de transformation et les réseaux communaux (c'est-à-dire en somme l'électricité à la porte de chaque immeuble dans les agglomérations) sera répartie entre les communes intéressées, moitié proportionnellement à la population, moitié proportionnellemnt à la valeur du centime communal ;3° Il reste entendu que chaque commune, après avoir accepté la quote-part de dépense ainsi fixée fera connaître le montant de ses fonds fibres ou de ses ressources diverses qu'elle décide d’affecter à l’électrification. Le surplus devra être recherché par voie d'emprunt.Au sujet de l'emprunt, les avis des maires furent partagés : 4 optèrent pour le taux de 4 %, 13 pour le taux de 5 % et 8 pour le taux de 6 %. En conséquence, et après diverses observations, la résolution suivante fut votée à l'unanimité.« Chacune des communes examinera dans quelles conditions l'emprunt pourrait être réalisé parmi ses habitants. Suivant le cas, l'emprunt pourra être définitivement effectué, soit par la commune elle-même, soit par le Syndicat pour le compte de la commune. »Deux questions particulières sont ce même jour également réglées :1° Le projet de dépenses ne comprendra pas le rattachement des fermes isolées, c est-à-dire de celles qui ne pourraient être alimentées à l'aide d'un poste de transformation communal (rayon maximum de 1 kilomètre).(Il est entendu néanmoins que lors du piquetage définitif des lignesr, on s’efforcera de passer le plus près possible des fermes isolées, de manière à réduire leurs frais propres).2° Le projet de dépenses ne comprendra pas non plus les indemnités qui seraient exigée par les propriétaires pour la pose de poteaux. On peut espérer d’ailleurs que ces indemnités né seront pas demandées puisqu’il s'agit d'un réseau d’intérêt commun. Cependant, le cas échéant, elles seraient payées par chacune des communes intéressées, en sus de sa quote-part de dépenses.Le nouveau projet envisagé représente une dépense totale de : 866.600 francs au cours moyen des matériaux durant l'été 1922, comportant l’alimentation de tous les immeubles situés dans un cercle de 1 kilomètres de rayon autour du poste de transformation.Les moyens financiers de couverture s'établiront ainsi :Versements par les communes en fonds disponibles.... 600.600 fr.Emprunt syndical ....................................266.000 fr. Total : 866.600 fr.Enfin, il est procédé à l’élection du bureau du Syndicat.Sont élus :Président : M. Paul Lederlin, sénateur des Vosges ; Vice-président : M. Lefrançois, conseiller général ; Secrétaire général : M. Louis Guillon, conseiller d’arrondissement ; Membres : MM. Divoux et Simonet, conseillers généraux.Après cette date du 22 février 1922, la consultation des conseillers municipaux devait être particulièrement laborieuse. Malgré les délibérations toutes prêtes qui ne consignaient en somme que les décisions prises le 22 février, celles-ci revinrent pour la plupart, par suite d'hésitations et de malentendus, ou pleines de réserves ou fort différentes de ce qu'elles devaient être. Les premiers retards pour le retour de ces délibérations compliquèrent encore la situation.Malgré des conversations particulières nombreuses entre le secrétariat du Syndicat, le Génie rural et certaines communes intéressées, il ne fut possible de réunir un dossier complet qu’au courant de mai, soit trois mois après. Le 16 de ce mois de mai, M. le Préfet des Vosges pouvait enfin consacrer par arrêté, la constitution définitive du Syndicat ; 21 communes seulement figuraient sur cet arrêté, Aydoilles ayant fait connaître son refus d’adhérer ; Nonzeville et Destord, d'accord sur le principe, n’ayant pu envoyer leur adhésion définitive, par suite de raisons d’ordre local.Comme vous le voyez, messieurs, la non participation d’Aydoilles était une nouvelle cause du retard, car il fallait rechercher un tracé nouveau de la ligne principale, en laissant de côté cette commune.D’autre part, des difficultés nouvelles naissaient du fait que les communes inté ressées ne se mettaient pas d’accord pour le taux de l’emprunt et il fallut engager une nouvelle correspondance avec les communes pour les amener, la majorité étant acquise à un taux de 5 %, à adopter ce taux.Au 1er juin 1922, la discussion continuait encore avec certaines communes (Dompierre et Girecourt-sur-Durbion).Fin juin, les communes mises d’accord, les adhésions définitives sont toutes recueillies (sauf pour Nonzeville et Destord), et le taux d’emprunt de 5 % est adopté.Les délibérations de principe en vue de mise à l’enquête sont également prises par les communes intéressées. L’administration va faire procéder à l’enquête.Première quinzaine de juillet. Il est enfin possible de passer commande des travaux de piquetage et des poteaux à la Compagnie Lorraine d’Electricité, dont le siège est à Nancy, choisie comme concessionnaire.Le 16 août 1922, le comité demande à M. le préfet l’autorisation de lancer l’emprunt de 460.000 fr. Cette délibération mise à l’étude par l’administration n’est approuvée que le 14 septembre, soit un mois après.Entre temps, une nouvelle réunion avait été rendue nécessaire, le 31 août, pour répondre à une violente campagne menée contre les futurs tarifs, obtenus, cependant, par le Génie rural, après bien des discussions très serrées avec la Compagnie concessionnaire.Le 3 novembre, sur le vu de leurs délibérations, M. le préfet consacre par arrêté l’adhésion des communes de Nonzeville et Destord.Le 25 novembre l’emprunt est lancé, et le marché de construction peut être enfin passé le 1er décembre 1922.Le 23 février, une nouvelle réunion à la préfecture est nécessaire pour demander aux maires de faire un effort très sérieux, l’emprunt étant encore à cette date loin d’être complètement réalisé. C’est au cours de cette réunion que M. le maire de Destord veut bien rechercher des dommages de guerre. Ces dommages ont été trouvés par lui, mais malheureusement le Tribunal n’a pas voulu les homologuer, estimant le taux de cession trop élevé. Ces dommages étaient cédés à 55 %.A la suite de cette réunion, l'emprunt fut enfin couvert, mais nous étions alors à une époque où pratiquement il était impossible de continuer les travaux. Dès que le temps le permit, ceux-ci furent menés rapidement, mais nous devions connaître à nouveau de nombreuses et sérieuses difficultés pour le passage des lignes, difficultés solutionnées difficilement, mais solutionnées tout de même dans la plupart des cas.Le réseau était en somme terminé et aurait pu être mis en exploitation au commencement d’août si nous n’avions trouvé à Dogne ville, pour le passage de la ligne d’alimentation, une intransigeance chez certains propriétaires qui, quoi qu’on ait pu colporter ou broder sur la question, sont les seuls responsables d’une inauguration aussi tardive.Il me suffira de dire pour répondre à toutes les calembredaines qui ont circulé sur ces questions, que si un arrangement quelconque avait été possible, votre bureau ne se serait pas décidé à faire abandon de la ligne Dogneville-Longchamp à la Compagnie concessionnaire qui pouvait seule obtenir, par sa concession d’état, et très rapidement, l’autorisation de passage. Le service du Génie rural notre conseil dans toutes nos tractations a trouvé que c'était là la meilleure façon d’en terminer. Quant au bruit répandu dans certaines communes que la Compagnie Lorraine pouvait éviter la pose de la vingtaine de poteaux dont les emplacements étalent refusés par les propriétaires, c’est inexact ; au point de vue technique la chose a été étudiée et jugée irréalisable, le tracé enfin ne pouvait être modifié.Je n'aborderai pas dans ce rapport qui est terminé, le côté financier qui sera exposé dans quelques instants par mon collègue du bureau, M. Koch, et je conclurai si vous le permettez, en me réjouissant simplement mais très sincèrement qu'au milieu des difficultés dans lesquelles nouS nous sommes débattus nous ayons pu, les uns et les autres, mener à bien l'oeuvre que nous avons entreprise.Votre bureau vous remercie de votre collaboration et il espère que de votre côté vous sanctionnerez favorablement et avec confiance les opérations auxquelles il s’est livré en votre nom.Le 19 décembre 1923. L. GUILLON.
M. Koch présente ensuite un lumineux exposé de la situation financière d’où il résulte qu’il restera dans la caisse du Syndicat après paiement des dettes, une somme d’environ 136.000 francs, compte tenu des sommes qui n’ont pas encore été versées par certaines communes.
L'avenir du réseau
M. PREAUD, ingénieur en chef du Génie rural, reçoit ensuite la parole. Il est heureux de féliciter les maires de leur remarquable effort pour aboutir à un résultat. J’ai suivi de près, dit-il, le travail de nombreux syndicats analogues aux vôtres et je suis heureux de constater que nul n’a montré une aussi grande activité que celle que vous avez déployée.Abordant ensuite la question financière. M. Préaud apporte la bonne nouvelle qu’une intéressante subvention est en ce moment en cours d’examen au Ministère de l’Agriculture et que dans deux ans au plus elle sera versée au Syndicat.Ce point acquis, dit-il, il convient maintenant d’étudier comment nous allons répartir cette subvention de l'Etat. Des suppléments de dépenses doivent être nécessairement aménagés. On peut les ranger en deux catégories :1° Supplément de dépenses d’ordre général : le devis ayant été établi au cours de 1922 il faut s’attendre à une augmentation de prix entraînée par l’augmentation des prix du cuivre et des éléments nécessaires à la construction du réseau. Je ne crois pas pourtant, poursuit M. Préaud, que cette augmentation puisse dépasser 350.000 fr.2° Certaines communes qui possèdent des écarts auront également pour électrifier ces hameaux, un supplément de dépenses, car notre projet ne comporte l’électrification que dans un rayon d’un kilomètre autour du poste transformateur.M. Préaud propose alors de répartir la subvention de l’Etat entre toutes les communes en proportion de leur quote-part dans l'établissement du réseau.L’ingénieur en chef du Génie rural en ayant terminé avec les questions d’ordre financier aborde la question de l’avenir du réseau.Le programme d’électrification de la région lorraine, dit-il, est très avancé. On a réalisé 12 réseaux intéressant 350 communes et il y a actuellement 6O0 autres communes pour lesquelles des projets sont à l’étude. Si tout va bien on peut espérer qu’en 1925 toutes les communes agricoles de la Lorraine pourront jouir des bienfaits de l’électricité. D’ailleurs les résultats ont dépassé nos espérances et on a pu constater un remarquable élan pour obtenir dans les campagnes la lumière et la force.M. Préaud cite alors l’exemple de la région Bayon-Gerbéviller où 125 moteurs sont actuellement installés et il insiste sur les immenses avantages que l'électricité ne peut manquer d’apporter à la vie agricole. Il souligne en particulier les intéressantes expériences de traite-mécanique des vaches, l’utilisation des appareils de déchargement automatique, etc., qui, chaque jour, gagnent du terrain. M. Préaud montre ensuite que plus tard quand l’exploitant du réseau aura bouclé son déficit inévitable des débuts et qu’un dépassement de la garantie des usagés lui permettra de couvrir entièrement ses frais, les excédents de recettes viendront en diminution des frais engagés par les communes et on peut espérer que dans l’avenir le réseau électrique sera une source de revenus pour les municipalités.M. Préaud s’attache à montrer que la solution prise par le Syndicat du Durbion est la seule viable et il y oppose les expériences malheureuses faites par certains groupements qui, ayant voulu confier l’électrification de leur région à des entreprises privées qui ne pouvaient pas, en raison des charges excessives, assurer l’exploitation continue, se sont vus privés d’électricité. En terminant, M. Préaud se félicite du résultat obtenu et remercie vivement les maires des communes.M. Paul LEDERLIN prend a son tour la parole. Il rend hommage à M. Préaud et le remercie de la clarté, de la précision, de la netteté avec lesquelles il a exposé la situation.M. le président met ensuite aux voix le projet de répartition de la subvention de l'Etat, proposé par M. Préaud. Celui-ci est adopté, à l’unanimité, ainsi que les rapports moral et financier de MM. Guillon et Koch.La séance est ensuite levée.
Le Banquet
Les maires et délégués des communes se réunissent ensuite à l’Hôtel de Ville pour le banquet d’inauguration. A la table d’honneur nous remarquons M. Paul Lederlin, sénateur des Vosges, président du Syndicat ; M. Girard, représentant M. le préfet des Vosges ; M. Préaud, ingénieur en chef du Génie rural ; M. Louis Guillon, secrétaire général du Syndicat ; MM. Simonet et Lefrançois ; M. Roth, ingénieur en chef ; M. Chevreux, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées ; M. Dupré, chef de cabinet de M. le préfet ; MM. Carra, Haillouy et Petit, ingénieur à la Compagnie Lorraine d’Electricité.Servi par M. Mulatier, l’aimable directeur de l’Hôtel du Louvre, le menu et son ordonnance ne pouvaient qu’être parfaits. Nous l’en félicitons.Au champagne, M. Paul LEDERLIN prit la parole.« Je suis heureux, dit-il, de la réunion d’aujourd’hui. Nous devons marcher avec le progrès et la civilisation, car c’est poursuivre l’œuvre accomplie par nos héros qui ont sacrifié leur vie pour ce progrès et cette civilisation.L’électrification est une grande et intéressante question et nous ne doutons pas que la réalisation que nous fêtons aujourd’hui fasse venir à la lumière les derniers récalcitrants. La force et la lumière répandues avec abondance dans nos fermes ouvriront la marche des grandes règles d’hygiène et de progrès, mieux que ne sauraient le faire tous les discours. M. Lederlin déclare qu’il est fermement convaincu que cette amélioration à la vie rurale sera une des plus puissantes barrières pour arrêter l’exode vers les villes.Il termine en rendant un magnifique hommage à M. Guillon pour la tâche délicate qu’il a bien voulu assumer, à M. Préaud dont le nom dans nos campagnes est devenu le synonyme de magicien et d’ami, à l’autorité préfectorale près de laquelle le Syndicat rencontra toujours tant de bienveillance, aux ingénieurs de la Compagnie concessionnaire et à M. l'ingénieur du contrôle. Puis, au milieu d’applaudissements, M. Lederlin lève son verre au beau succès du projet entrepris, à l’équilibre économique de nos Vosges, à nos cultivateurs et à leurs familles et à la France républicaine qui ne redoutent pas la lumière mais la donnent au contraire autant à nos esprits qu’à nos demeures.M. GIRARD présente tout d’abord les excuses de M. le préfet des Vosges que son état de santé a empêché d’assister à cette fête. A son tour il remercie tous les réalisateurs de l’électrification de la région du Durbion et rend un particulier hommage à M. Paul Lederlln qui emploie la plus grande partie de son intelligence et de son activité à la prospérité des Vosges (applaudissements).Le Syndicat du Durbion, dit-il, est un précurseur et son exemple ne manquera pas d’être suivi. M. Girard termine en assurant les maires et les membres du bureau qu’ils trouveront toujours auprès de l’administration l'accueil le plus cordial et il boit à la prospérité de nos campagnes vosgiennes.
Si nous nous sommes longuement étendu sur cette manifestation, c’est pour bien faire ressortir que lorsque la confiance, le désir d’aboutir et la bonne volonté réciproque s’unissent vers un but d’intérêt général, le succès est toujours assuré.Malgré les difficultés, après seulement deux années d'études, toute une partie de notre département jouit aujourd’hui des bienfaits du progrès et en félicitant encore une fois tous ceux qui menèrent à bien cette œuvre nous formons le vœu qu’un tel exemple suscite l'émulation et que nous puissions bientôt assister à la fête d’inauguration de l’électrification complète de nos campagnes vosgiennes. — F. B.
Article publié dans le journal l'Express de l'Est le 27 décembre 1923