Hygiène - 19 juillet 1891

L'hygiène dans les Vosges. — Nous avons très brièvement signalé avant hier, en seconde édition, l'ouvrage présenté à M. le préfet, au nom du conseil central d'hygiène, par M. G. Gebhart, pharmacien à Epinal. Il importe de revenir sur les observations que formule l’honorable secrétaire.Les épidémies n’ont été ni plus nombreuses ni plus graves que les années précédentes : 7126 personnes ont été atteintes et il y a eu 251 décès. « En présence de ces deux chiffres qui semblent trop élevés, n’est-il pas triste de penser, écrit M. Gebhart, qu’ils auraient pu être réduits dans une notable proportion par l’application rationnelle d’une bonne hygiène privée et publique. Ainsi, rien qu’en ce qui concerne la contagion, peut-on affirmer que la désinfection des locaux, des vêtements et de la literie a été partout sérieusement pratiquée. Il est permis d’en douter, surtout quand on constate l'extension prise par plusieurs des maladies contagieuses signalées. »M. Gebhart cite l'exemple frappant des heureux résultats obtenus dans l’année ; grâce à des mesures hygiéniques bien appliquées, la mortalité par fièvre typhoïde a été diminuée d’un quart pour la première année.« Quel enseignement, dit le rapporteur, pour les municipalités qui souvent hésitent, en raison des dépenses, à entreprendre certains travaux d’assainissement, oubliant ainsi qu'il est plus onéreux encore d’avoir à soigner des maladies que de les empêcher de se produire ou de se développer. »Les vaccinations ont atteint dans le département et pour l’année 1890 une moyenne de 80 pour mille. C’est un résultat, mais combien nous sommes inférieurs, sous ce rapport, aux autres nations qui ont rendu obligatoires la vaccination et la revaccination. Les résultats obtenus par cette mesure démontrent du reste son incontestable utilité.Ainsi, avant l’obligation, il y a eu en Prusse, pour 100000 décès, 33,84 pour mille de décès varioleux ; dès que la vaccine a été rendue obligatoire, la proportion est tombée à 2,23 pour mille et diminue chaque année progressivement, tellement que pour la seule année 1886 il ya eu dans toute l'Allemagne 193 décès par variole, soit 0,4 pour mille, tandis qu’à Paris seulement il y en a eu la même année 218, à Marseille 2051, soit 545,3 pour mille, et à Berlin 4 seul.Le conseil central a, du reste, émis un vœu favorable à l'application d’un projet de règlement de la vaccination dû à l’initiative du docteur Bailly. Ce travail est publié in-extenso avec les autres rapports dans l'ouvrage dont nous nous occupons. Un projet analogue a été présenté au Conseil général par M. Bouloumié ; il est reproduit également. Après avoir résumé les délibérations du Conseil central sur plusieurs requêtes telles que la création d’un cimetière nouveau à Aydoilles, le rapporteur reconnait modestement que voilà bien peu, étant donné le droit d'initiative des membres du conseil et, cependant, les causes d’insalubrité sont nombreuses.De grandes dépenses ont été faites pour arrêter les maladies contagieuses exotiques et les empêcher d’arriver jusqu’à nous. Mais combien de maladies nées et entretenues dans nos villes et dans nos maisons, auxquelles nous payons chaque année un lourd tribut et qui auraient disparu depuis longtemps si les règles les plus élémentaires de l'hygiène étaient appliquées. C'est aux conseils d'hygiène qu’il appartient de réagir contre cette inertie et d’en montrer tout le danger.N’a-t-on pas vu baisser le chiffre de la mortalité chaque fois que des mesures de salubrité, voire de propreté, ont été prises soit dans une ville soit dans un hôpital ? La fièvre typhoïde, par exemple, diminue aussitôt que l’eau et l’air sont répandus à profusion dans le quartier envahi. La fièvre puerpérale qui, avant l’application de l’antiseptie aux accouchements, emportait 3000 et plus des femmes, n'existe plus dans les maternités.M. G. Gebhart réclame que l’on construise des égouts et supprime les puits perdus, encourage la consommation de l’eau de source et condamne l’usage de l’eau de puits, enfin recommande partout la propreté, ce qui suffirait déjà à justifier le zèle et le bon vouloir des hommes instruits et dévoués dont l’administration s’est assuré le concours.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges