De l'étymologie du nom de Saint Georges

CHAPITRE I.
DE L'ÉTYMOLOGIE DU NOM DE SAINT GEORGES.
La question d’un nom aussi célèbre, aussi vénérable que celui du saint martyr dont nous allons raconter la vie et la passion, est certainement digne de notre attention, selon le mot d'Ovide :
... Magnum et memorabile nomen.
Le nom de Georges est tiré du grec et il se rend dans la langue latine par georgius, qui est synonyme de agricola, c’est-à-dire cultivateur, qui cultive, ou en terme plus littéral, laboureur, Selon quelques-uns, le mot Georges signifie encore vigneron, jardinier, berger ; mais le premier sens, le plus adopté, est celui de cultivateur, agriculteur, homme des champs. Ceux qui sont un peu versés dans l'étude de l’antiquité et surtout des Livres Saints, conviendront que, généralement, les noms des grands personnages ont toujours élé l’objet d'un but, d’un dessein arrêté de la part de ceux qui les leur ont donné ; aussi ces noms influent souvent sur la conduite de la vie de ceux qui les portent. Le nom de saint Geor- ges, dit à ce sujet saint Pierre Damien, était le présage, l'indice des travaux auxquels il devait s'exercer dans le champ de la vie spirituelle et chrétienne. Saint Georges a en effet travaillé par ses exhortations saintes et ses pieux avis à déraciner les vices du champ du Seigneur et à y planter et y faire croître les arbres et les plants des vertus. Saint Georges a donc été un bon cultivateur ; il a cultivé son âme d’abord par la prière et les mortifications ; il a cultivé les âmes de ses frères par ses soins et a mis son zèle à les instruire, par ses exemples comme par ses discours. Comparons-nous saint Georges à un vigneron ? Quel soin n’a-t-il pas pris de la vigne du Seigneur, de son âme, de celles des autres. Comme pasteur, saint Georges est le chef, le guide des martyrs. Mais il est surtout agriculteur. Et nous pouvons lui appliquer ces paroles de saint Ambroise au sujet de saint Agricole : « Agricole s'entend de celui qui sème un champ bien cultivé, qui arrose ces plants de vertus par ses mérites et l’effusion de son sang en leur faisant produire des fruits spirituels de grâce et de sainteté. » Or tel fut saint Georges.Quand au titre de grand martyr, megalo-martyri, que tout l'Occident lui donne de concert avec l'Orient où il est si fort honoré, il vient sans doute de ce que saint Georges fit preuve d’un grand courage à souffrir pour la foi qu'il défendit devant son prince, de sorte qu'il est devenu le plus excellent des athlètes chrétiens. Dans la liturgie de saint Jean Chrysostôme, saint Georges y est souvent nommé prince des martyrs : Princeps martyrum. Prince des martyrs non dans l’ordre des temps, ce qui ne convient qu'au premier martyr saint Étienne, mais dans l'ordre de l'excellence et de la dignité. D'autres appellent saint Georges le coryphée des martyrs, corypheus martyrum. Coryphée se disait chez les anciens de ceux qui étaient à la tête des chœurs dans les pièces de théâtres. Il signifie celui qui se distingue le plus dans un parti, une profession. Ce mot tiré du grec a encore un sens plus indicatif, puis qu'il signifie, sommet de la tête ; aussi, aujourd’hui encore, l'on s’en sert pour désigner le chef et le principal d’une compagnie, d'une communauté. Selon cette acception, ce mot est synonyme de celui de prince, et appliqué à saint Georges il nous le représente comme le chef des martyrs, le très illustre martyr, ainsi que l'explique le P. Raynauld, qui est le titre, dit Grueber, dont ce saint martyr est décoré par saint Grégoire le décapolitain.Quand à l'autre qualité de Tropeophore, ou celui qui multiplie les trophées, de Vexillifer ou guide, de celui enfin de Garant de la victoire ou de Protecteur des armées chrétiennes, ajoutés au nom de saint Georges, comme on le lit dans le ménologe des grecs, il est certain qu'il le mérite par les grands bienfaits que sa protection a procurés aux armées des chrétiens qui ont combattu sous son étendard. Les faveurs de ce genre que l’empereur Constantin, que tant d’empereurs de Constantinople et autres princes ont obtenus en ces occasions en est la preuve la plus satisfaisante. Pourquoi de nos jours encore le représente-t-on habillé en cavalier, monté sur un cheval, sinon pour montrer qu'il est le patron et protecteur spécial des gens de guerre ?Ce qui ajoute enfin à la gloire du nom de saint Georges, c'est qu’un ange vint à la naissance de saint Georges, évêque de Suellenzi, en Sardaigne, lui imposer ce nom, comme un présage de sa sainteté future, ainsi que le rapporte Nadase, dans son Année céleste, au 23 avril.