Syndicat des féculiers - 4 novembre 1934

Syndicat général des Féculiers de la Région de l’Est Compte-rendu de l’Assemblée générale extraordinaire du 27 octobre 1934 L'Assemblée Générale extraordinaire a été tenue le 27 octobre 1934, dans les locaux de la Grande Taverne, à Epinal. Une quarantaine de féculeries étaient représentées. Au bureau, MM. de Malhiard, Lecomte, Couval, Mathieu, Didier. En raison de l’intérêt qui s’attachait à cette réunion, plusieurs personnalités s’étaient spontanément jointes aux adhérents du Syndicat, notamment MM. Rucart et Guillon, députés, M. du Fretay, délégué général de la C.N.P.P.T., M. Bertier, directeur de la Coopérative des féculeries de France. Lecture est donnée du P.V. de l'Assemblée génerale du 27 juin 1934, qui est adopté à l’unanimité. M. de Malhiard expose que ce P.V. a soulevé des protestations injustifiées, à propos de démarches faites spontanément, auprès des Pouvoirs publics, par plusieurs parlementaires dévoués à la cause de la Féculerie de France. En dépit de ce malentendu, nous devons des remerciements à ces parlementaires : MM. Hayaux, Renaudot et Richard, sénateurs, MM. Montillot et Rucart députés. Rien d’étonnant à ce que l’admi nistration soit mal renseignée, puisque les féculiers eux-mêmes, pour qui la question du maïs constitue un danger de mort ; et même les féculiers signataires de l’accord interprofessionnel du 20 juillet 1933 (pomme de terre, fécule, amidon, glucose), l’ignoraient complètement, avant que MM. Roquette frères, les nouveaux gérants de la Grande Féculerie du Nord, révélassent au S. G. F. F., le 12 septembre, à Paris, le véritable régime des maïs en amidonnerie. A la lumière de leur documentation, on saisit mieux la portée de la résolution rédigée par M. du Fretay, et votée par le Syndicat de l’Est, le 27 juin : « Qu'à défaut d’entente, l’accord avec les amidonniers soit rompu, et la lutte reprise pour l’obtention d’une meilleure protection contre l’amidonnerie, et pour la réduction des avantages abusifs de cette industrie, en matière d’admission temporaire. » À cette réunion du 12 septembre, ainsi qu’à la séance de la Commission des délégués des producteurs et transformateurs d’amylacés, le 10 octobre, il a été démontré : Que la réglementation de l’amidonnerie révélée par MM. Roquette, est, en tous points, d’une exactitude absolue ; Que le maïs d’amidonnerie, admis en admission temporaire, ne paye ni droit, ni taxe (droit de douane, taxe d’importation, surtaxe d’entrepôt, surtaxe de change, taxe de 2 Fr.) ; Que le maïs d’amidonnerie, entré en consommation, ne paye que 26 fr. ; tandis que l’agriculture et la maïserie payent 40 fr. ; Que le contingent du maïs d’amidonnerie est égal à la moyenne des deux dernières années ; c’est-à-dire à 100 % ; tandis qu’il est réduit à 6 % pour l’agriculture et la maïserie ; Que le droit d’accise du maïs de l’amidonnerie est toujours de 25 fr. , depuis 1930 ; tandis que pour la maïserie il est monté à 40 fr. ; Que la surtaxe d entrepôt n'est pas appliquée à l’amidonnerie ; Que l’amidonnerie travaille 400 tonnes de maïs par jour ou 1250000 quintaux par an (dont 750000 quintaux en admission temporaire, et 500000 quintaux en consommation) ; Que le prix mondial du maïs est environ 30 fr. les cent kilos : Que la teneur des bons mais en amidon (Cap, Plata, Argentine) est de 70-75 % ; Que le rendement en amidon est probablement de 65 % du maïs, laissant 35 % de sous-produits, dont 1/3 d’amidon extractible. (M. Corbay, ancien amidonnier, a reconnu à la réunion du 12 sept, qu’avec son vieux matériel, il extrayait autrefois 57 % d’amidon). Mais depuis, on a inventé et appliqué en France le système dit « en bouteille » (Bottle System) ; Que le décret Méline (25-2-91), réglementant encore l’admission temporaire du maïs, sans réajustement aux conditions actuelles prescrit seulement la réexportation de 47 % d’amidon ; d’où une freinte de 53 % ; tandis que la maïserie n’a qu’une freinte de 1.5. (Les minotiers sont mieux avertis et plus écoutés que les féculiers) ; Que ces conditions trop avantageuses ont fait croître l'admission temporaire du maïs d’amidonnerie, en 5 ans, de 68000 quintaux à 750000 quintaux, dans le rapport de 1 à 11 ; Que cette augmentation a fait un saut brusque en 1931 : passant de 156000 à 529000 quintaux ; correspondant à une surproduction de 200000 quintaux d’amidon, qui ont pris la place de 200000 quintaux de fécule hollandaise, péniblement éliminés du marché français par le vote des droits protecteurs de 1930. De ce qui précède, et qui a été reconnu exact par la commission précitée, nous sommes fondés à conclure : Que les réglements surannés de l’admission temporaire du maïs en amidonnerie permettent de déverser sur le marché français une quantité importante d’amidon n’ayant acquitté ni droits, ni taxes ; Que les sous-produits du mais (1250000 x 35/100 = 437500 quintaux) concurrencent les sous-produits du blé et les céréales secondaires ; Que le maïs exotique et l’amidon prennent progressivement et inéluctablement la place de la pomme do terre et de la fécule nationale, à la cadence de 50000 sacs par an ; Que l’amidonnerie et la glucoserie réalisent des bénéfices formidables ; tandis que la féculerie se ruine, et que la pomme de terre est tombée à 13 fr. les cent kilos et même au-dessous ; Que la France se doit de sauvegarder les intérêts et les droits de ses nationaux, 100000 planteurs, féculiers et contribuables, que fait vivre la pomme de terre industrielle. Tel est, à ce jour, l’état de la question du maïs. Il appartient aux adhérents du Syndicat de l'Est de donner leurs directives. La discussion générale est ouverte.M. Guillon, député, président de l’Union féculière, expose qu’il a participé à l’entente avec les amidonneries (20-7-33) ; qu'il a accepté de bonne foi les chiffres de production d’amidon fournis par eux, mais qu'il ignorait l’existence de la surtaxe d’entrepôt ; qu’on lui a accordé la priorité d’écoulement des fécules de l'Union et une subvention pour les valoriser si elles étaient vendues au-des sous du cours de la coopérative de la rue Montorgueil ; ce qui a donné naissance au faux bruit qu'il aurait touché de gros chèques de l'amidonnerie. En 1934, la tacite reconduction de cette entente a été signée ; ce qui n’a pas empêché la fécule des Vosges de tomber à 130 fr. La consommation de fécule diminue. Une enquête s’impose pour déterminer le rôle joué par l’amidon dans la baisse de la fécule. L’amidonnerie accepte que l’Etat exerce un contrôle sur toute sa production. M. Rucart, député, tous les parlementaires des Vosges sont d’accord sur un point : la défense de la pomme de terre. Ils diffèrent sur les moyens à employer. M. Rucart est physiocrate. Il croit que toute prospérité vient de la terre ; qu’en défendant la fécule, il travaille dans l’intérêt général, même pour la défense nationale et le commerce extérieur. On peut compter sur son activité et son dévouement. Il s’étonne qu’à Epinal on produise du glucose avec de l’amidon à 180 fr., lorsque la fécule est tombée à 130 fr. La France libérale s’est décidée tardivement à protéger les nationaux contre l’envahissement des produits étrangers. Elle est forcée d’y venir. Les amidonniers, qui utilisent le maïs étranger, feront valoir qu’ils ont passé des accords avec certains féculiers ; que leurs glucoseries transforment aussi quelques sacs de fécule. N’empêche qu’en thèse générale, si quelques produits manquent en France, mieux vaut les prendre dans nos colonies qu’à l’étranger. La crise en serait atténuée. Le maïs doit subir des mesures douanières et fiscales ; ainsi que des modifications dans son régime d’admission temporaire. M. du Fretay, délégué général de la C.N.P.P.T. Le contrôle donnera à la fécule une priorité précaire ; car les amylacés coloniaux prendront vite la place des amylacés étrangers. L’amidonnerie en utilise déjà 350000 quintaux qu’on est obligé d’admettre. Le maïs d’amidonnerie n’acquitte que 25 fr. à la douane ; celui de la maïserie 40 fr. Mais, si on additionne 12 fr. de droit d’accise avec 25 fr., ça fait tout de même 38 fr. L’écart est faible. Pour augmenter le droit d’accise — qui s’applique également au maïs colonial — il faudrait l’accord du Ministre des Colonies, qui compte précisément en demander la réduction. Quant aux contingents, ils vont être augmentés du fait que les pays ayant pris part au congrès du bloc or, se sont engagés à augmenter de 10 % les échanges internationaux. M. Rucart. — Tous les pays sont devenus protectionnistes. Une politique impériale s’impose à la France métropolitaine et coloniale. S’il faut ménager certains pays, dans l’intérêt de la paix ou des alliances, le Gouvernement pourra s’entendre avec ceux ayant une monnaie d’or ou au moins une monnaie stable et pas de dumping. Ces pays sont peu nombreux. Aucun n’exporte du maïs. M. du Fretay. — La réforme de l’admission temporaire sera difficile à obtenir si on ne prouve pas qu’il y a 53 % de freinte. Les sous-produits ne peuvent être taxés, puisque ceux de l’amidonnerie belge entrent en franchise. Le Comité consultatif des Arts et Métiers a confirmé, il y a trois ans, le rendement de 47 %, laissant aux industriels une petite marge de 4-5 % ; car on ne peut extraire l’amidon en totalité. M. Couval, conseiller général. — Comment expliquer que l’admission temporaire du maïs en amidonnerie ait progressé par bonds formidables ? M. du Fretay. — Les chiffres sont exacts. Il résulte de l’élévation des droits de douane sur la fécule étrangère, qui a procuré de plus grands bénéfices, lesquels équivalent à une prime d'exportation. Enfin, la hausse du maïs aux Etats-Unis, fait que la S. P. M. a intérêt à faire travailler en France plutôt qu’en Amérique. La production en admission temporaire est augmentée, mais les ventes d’amidon en France, ont diminué de 100000 sacs depuis 5 ans. M. Couval, - Avant l’application du tarif douanier de 120 francs, il en trait en France 200000 sacs de fécule hollandaise. La production française n’entre plus et, cependant, la féculerie ne peut pas placer quelque 450000 sacs. M. du Fretay. — C’est la consommation de fécule et d’amidon qui s’est réduite. Nous avons obtenu l’accord pour le contrôle. On verra bien s’il existe une fissure. M. Guillon ne croit pas à l’intervention de l’Etat, tant que l’écart de 50 fr. subsistera entre la fécule et l’amidon (130-180). M. du Fretay. — La documentation présentée est fausse. La féculerie n’obtiendra rien. M. Girot. — Puisque l’amidon vaut 180 francs, pourquoi ne lui préfère-t-on pas la fécule à 130 fr. M. Brueder. — L'amidon est indispensable pour certains emplois. Pour d’autres, on peut mélanger amidon et fécule ; mais la fécule offerte est trop souvent de mauvaise qualité.
M. Bertier, directeur de la Coopérative de la rue Montorgueil. — Il n’existe pas de concurrence occulte. La production française d’amidon est de 253000 quintaux. Haubourdin emploie son propre amidon. Thaon en consomme la même quantité qu’autre fois. Ce qui a baissé, c'est la fécule. Elle vaut 7 florins en Hollande, 5 florins en Angleterre. La coopérative de la rue Montorgueil contrôle 275000 sacs de fécule. La baisse est survenue. Aucun client n’achète plus. Nous sommes inquiets. Nous vous demandons de créer une organisation professionnelle pour la vente et la tenue des cours de la fécule. Le Conseil d'Administration de la Coopérative offre son concours et ses signatures. Personne ne demandant plus la parole, il est donné lecture des résolutions suivantes : L’Assemblée Générale, confirmant ses motions et résolutions précédentes, Constate la crise grave qui atteint les féculeries et par conséquent la culture de la pomme de terre. Demande l’aboutissement rapide de l’enquête ouverte sur les conditions d’industrialisation du maïs étranger,Réclame l’adoption de toute mesure susceptible de conjurer la crise féculière et notamment les mesures suivantes :Participation du Syndicat de l'Est à l’entente interprofessionnelle des producteurs et consommateurs d’amylacés ; Vérification des livres de l'amidonnerie, pour s’assurer qu’elle n'a pas dépassé les quantités d'amidon qui lui avaient été attribuées ; Contrôle permanent des sorties de produits et de sous-produits de l’amidonnerie ; Application de l’Amidonnerie au régime d’admission temporaire de la Maïserie ; Application des mêmes droits, de douane à tous les importateurs de maïs ; Application des mêmes contingents à tous les importateurs de maïs ; Application de la surtaxe d'entrepôts aux amidonneries, comme aux niaiseries ; Réexportation de la totalité de l'amidon entré en admission temporaire; Perception du droit d'accise sur les quantités d’amidon réellement extraites ; Organisation professionnelle du Syndicat de l'Est, en collaboration avec la Coopérative de la rue Montorgueil, pour la vente et la tenue des cours de la fécule ; Achat et transformation d'une quantité de fécule suffisante par l’amidonnerie et la glucoserie aux adhérents du Syndicat de l’Est, pour décongestionner le marché ; Application de la taxe unique du chiffre d’affaires, 2 1/2 % à toutes les féculeries. La séance est levée à 19 heures. Le Président : P. de MAILLARD.
Article publié dans le journal L'Express de l'Est