Candidature officielle - 13 août 1893

La Candidature officielle
Nous la croyions morte avec l'Empire ; on nous l'assurait du moins. Sous le régime de l’égalité, entendions-nous dire, le même traitement, les mêmes égards, les mêmes prévenances sont réservés à tous les candidats..... ou du moins devraient l'être.Est-ce ainsi que les choses se passent ?Tout le monde sait le contraire.Quand on a affaire au candidat de l'opposition, on lui refuse impitoyablement, pour développer son programme devant les électeurs, la salle de mairie, la salle d'école, tous les édifices publics. On cherche à étouffer sa voix, On ameute des perturbateurs: payés pour l’empêcher de parler et faire du scandale.Mais quand c’est le candidat agréable qui arrive dans une commune, le maire le reçoit le sourire aux lèvres, dans la salle de la mairie pavoisée et ornée de la circonstance ; la musique municipale, s'il y en a une, lui donne une aubade, le maire l'invite à dîner avec les électeurs influents ; pour un peu on lui ferait offrir des fleurs par les jeunes filles, et on inviterait les habitants à illuminer. Tout cela, bien entendu, aux frais des contribuables.Dernièrement, à Aydoilles, M. Boucher annonce se visite.Bien vite le maire convoque son conseil municipal d'urgence.Nous avons la lettre sous les yeux :«12 août. — Monsieur le conseiller, j'ai l’honneur de vous informer que le conseil municipal se réunira le dimanche 13 août 1893, à 7 heures du matin, au lieu ordinaire de ses séances, pour délibérer sur les objets portés à l’ordre du jour :« Formation du bureau électoral du 20 août prochain.(Ceci est le prétexte ; mais voici le véritable objet de la réunion) :« Entente pour la réception de M. Boucher, député, le 15 août.Et le maire ajoute de sa main :« Prière instante de ne pas manquer à cette séance.Le maire,Signé : MARTIN. »Où diable le maire d'Aydoilles a-t-il trouvé dans la loi municipale un article qui l’autorise à réunir son conseil tout exprès pour délibérer sur la réception à faire à l’ex-député, aujourd’hui candidat Boucher ?Adorable de naïveté et de sans gêne, n’est-il pas vrai, amis lecteurs ?
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges