Alimentation des veaux - 7 février 1923

Le Lait écrémé dans l'Alimentation des veauxLes Phosphates et la Chaux dans la Ration
Le lait naturel est l’aliment qui convient le mieux aux veaux, par sa richesse en principes azotés et minéraux assimilables, mais c’est un aliment peu économique quand il peut être vendu facilement en nature ou que sa transformation en beurre ou en fromage est avantageuse. Un veau, à 6 semaines, a consommé environ 450 litres de lait ; sa nourriture, non compris les soins qu’il réclame, revient à 270 fr., si le lait est vendu 0 fr. 60 et à 315 fr. s’il vaut 0 fr. 70 le litre. C’est évidemment très cher et pas à conseiller dans les localités qui se trouvent à proximité d’un centre de consommation. Au lieu de prendre pour base d'alimentation le lait pur, on peut utiliser le lait écrémé et faire du beurre à 6 fr. la livre. De cette façon, le prix du lait écrémé sera inférieur de 0 fr. 20 au lait complet et on lui donnera une valeur nutritive équivalente par addition d'un aliment facile à digérer, susceptible de remplacer, sous un petit volume, la matière grasse enlevée. Tous les principes nutritifs peuvent se substituer à la matière grasse alors qu’ils ne peuvent remplacer la matière azotée, mais la matière grasse a une valeur nutritive plus de deux fois supérieure à celle des autres éléments nutritifs. La substitution ne pourra donc se faire poids pour poids. L’écrémage enlève en moyenne 30 grammes de matière grasse par litre et laisse toutes les matières azotées, le sucre de lait, le phosphate et le carbonate de chaux nécessaires à la constitution des tissus et du squelette ; néanmoins, la valeur nutritive du lait, est fortement diminuée. Les succédanés de la matière grasse du lait qui ont donné les meilleurs résultats sont la fécule, la farine de riz, la farine de manioc. Ce sont d’ailleurs ces produits qui entrent dans la composition des farines lactées avec, quelquefois, des farines de céréales, de fèves, ou même des balles de riz broyées, dont la valeur nutritive est nulle. Elles ne sont point constituées, comme on pourrait le croire, par de la poudre de lait, et tous les cultivateurs peuvent faire eux-mêmes ce lait artificiel. La fécule peut êlre utilisée à la dose fixe de 50 grammes par litre de lait écrémé. Elle est d’abord, délayée dans l’eau, additionnée de lait écrémé, puis portée à l’ébullition. On retire au premier bouillon comme pour la fabrication de la colle de pâte ou empois. La transformation en empois facilite la digestion et empêche la diarrhée ; on ne doit pas retrouver de grumeaux de fécule intacte qui ne seraient pas digérés. On peut compter que 12 litres de lait écrémé additionné de fécule équivalent 10 litres de lait pur, mais on ne peut dépasser la dose de 50 grammes de fécule par litre, pas plus qu’on ne peut remplacer la fécule par la pomme de terre cuite, en purée très fluide, que le veau digère mal. La farine de riz ne peut être donnée qu’en petite quantité, 15 à 20 grammes par litre et il est nécessaire de la faire cuire. Comme elle donne une viande rouge, elle ne peut être utilisée que pour les veaux d’élevage. La farine de manioc semble être la plus recommandable. Elle est plus nutritive que la fécule puisqu’elle contient un peu de matière azotée et des sels minéraux. Le manioc est un arbuste très cultivé à Madagascar, dont les racines ressemblent à celles du dahlia. Le tapioca n’est pas autre chose que de la farine de manioc extraite de ces tubercules comme la fécule est extraite des pommes de terre. Il ne faut utiliser que du manioc doux, car le manioc amer contient un principe toxique. La préparation du tapioca au lait est bien connue, on ne procède pas autrement avec la farine de manioc. On commence par une close de 50 grammes par litre, puis on l’augmente toutes les quinzaines jusque 100 grammes. Le farine est délayée dans le double d’eau tiède, puis on ajoute la même quantité d’eau bouillante en brassant le feu. Quand elle s’éclaircit, on retire du feu. La bouillie peut se conserver deux jours, elle devient fluide au lieu de s’épaissir comme l’empois de fécule. Le veau est laissé 8 jours à la mère puis dans les dix jours qui suivent, on remplace progressivement du lait pur par du lait écrémé additionné de farine, la substitution doit être lente et progressive pour éviter la diarrhée. Les bouillies doivent être données tièdes et dans des vases très propres. Il convient également de surveiller le veau pour qu’il ne boive pas gloutonnement et de lui donner ses repas avec régularité, de façon à éviter les indigestions et toute fatigue de l’appareil digestif. D'après M. Dechambre, professeur à Grignon, et à Alfort, le veau doit consommer de 2 à 6 litres la première semaine, de 8 à 12 litres la deuxième semaine, 12 litres la troisième semaine, 14 litres à un mois. D’après M. A. Gouin, ingénieur agronome, il faut lui donner un litre de lait, pour 6 kilos de poids vif. On ne peut dépasser la quantité de 15 à 16 litres en raison de la capacité limite de l’appareil digestif, mais on peut augmenter la dose de manioc. A partir du deuxième mois, la farine peut même être remplacée par des cossettes crues, beaucoup plus économiques. Les molaires sont sorties et le veau peut commencer à manger un peu de bon foin ; c’est l’amorce du sevrage qu'on fait vers le troisième mois, mais toujours progressivement, pour éviter un arrêt dans l’accroissement de poids vif. Le lait écrémé est alors peu a peu remplacé par du thé de foin ou des infusions d’avoine données tièdes. Des études ont été faites à la Station expérimentale de l’Ohio (Etats-Unis), sur l’action des phosphates et sels calcaires sur le squelette. Le but des essais n’était pas d’observer les phénomènes de rapidité de croissance, de précocité, etc., mais de déterminer leur influence sur la composition chimique, la dureté, la résistance des os. On a pu observer que les os les plus durs étaient caractérisés par leur grande teneur en chaux et leur faible richesse en magnésie, mais ce qui met en évidence, l’importance de la chaux comme aliment des jeunes. Des essais d'enrichissement des rations en sels minéraux ont montré que la solubilité des préparations adoptées paraissait avoir une grande importance. Le carbonate de chaux précipité, la poudre d’os précipitée sont plus efficaces que le phosphate minéral moulu. Les gains en phosphore ont été augmentés par tous les principes contenant de la chaux que ce soit sous forme de carbonate ou de phosphate. En ce qui concerne la dureté des os, le carbonate de chaux précipité et la poudre d'os précipitée ont donné des résultats semblables mêmes supérieurs au phosphate minéral. En médecine, les phosphates ont été d’abord prescrit, sous forme de sels insolubles, puis de solutions acides, de phosphates organiques (décithines, glycérophosphates). En ce qui concerne l’alimentation animale, on recommande la poudre d'os précipitée, mais le procédé le plus simple pour faire entrer le phosphate de chaux sous une forme assimilable, dans la ration, c’est de confier à la plante, la fabrication des phosphates organiques, en épandant des scories sur les prairies et des superphosphates sur les céréales et les plantes racines. M. VARNEY.
Article publié dans le journal L'Express de L'Est