Société de Girecourt - 11 janvier 1898

SOCIÉTÉ DE GIRECOURTAssemblée générale.Présidence du ministre du commerce.
La réunion s’est tenue dimanche matin, à la Bourse d'Epinal. Au bureau : MM. Guérin, préfet ; Guilgot, secrétaire ; Brice, administrateur du syndicat agricole. M. Figarol prend place sur l’estrade.L'assistance est nombreuse.Des semences de pommes de terre, gerbes de céréales, sont exposées ; des cartes agronomiques du canton de Châtel, Thaon particulièrement, sont placardées auprès du bureau.M. Guilgot, qui occupe le fauteuil, dit que l'honorable président de la société, M. Krantz, député, est retenu par une circonstance douloureuse : son beau-père est à l’agonie; M. Krantz offre à ses collègues de vives excuses.Plusieurs membres nouveaux sont présentés et agréés. Ils appartiennent à divers arrondissements.M. Brice donne la situation de la caisse au 9 janvier 1898. Elle est stationnaire.M. Guilgot cite des lettres de remerciements pour les dons faits aux sinistrés des arrondissements de Mirecourt et de Neufchâteau.Divers rapports sont présentés à la Société.M. Jaugeon, professeur à l’école supérieure de Thaon-les-Vosges, lit une note très détaillée sur la façon dont il a établi la carte agronomique de Thaon et la carte générale du canton de Châtel. Il décrit la composition du sol. Il ajoute des conseils sur les engrais utiles à chaque nature de terre. Un extrait des analyses est joint à la carte. Il serait extrêmement utile qu’un pareil travail fût fait dans toutes nos communes.M. Jules Favre en exprime le souhait. Le comice de Neufchâteau a déjà créé deux cartes, dont les auteurs sont, pour celle de Soulosse, l'instituteur, et pour celle de Bazoilles, M. Jolly, professeur au collège d'Epinal. Des analyses d’échantillons prélevés sur les deux territoires ont été pratiquées par M. Jolly, qui a donné des indications précieuses aux cultivateurs. Ces analyses du sol, consignées aux cartes agronomiques, présentent un haut intérêt. La société de Girecourt, en quelque sorte société départementale, rendrait un grand service en organisant, chaque année, une exposition de cartes agronomiques.M. Brice partage l'avis émis par l’honorable président du comice néocastrien. Mais il désire que, dans les analyses, on indique la solubilité de la matière : potasse, ou chaux, ou acide phosphorique.M. Jolly : On n’est pas encore arrivé à des résultats bien pratiques : on dosera les principes assimilables aussitôt que les découvertes de la science le permettront.M. Danguy fait ressortir l'importance de ce débat. Thaon a montré la voie dans laquelle il y a lieu de s'engager. Nous connaissons la géologie du sol vosgien, qui sert de base aux cartes agronomiques. Beaucoup d'écoles ont des cartes montrant à la jeunesse que la terre n’est pas une, comme le croient généralement les cultivateurs. Il ne faut cependant pas oublier les méthodes propagées par la société, en attendant l’heure encore lointaine où toute la carte agronomique des Vosges sera dressée.M. Brice : Nous avons, cette année encore, de nombreux rapports sur la culture comparée ; ils paraîtront au cultivateur vosgien. Par exemple, M. Bruder, d'Arches, s’est livré à des études sérieuses sur des espèces de pomme de terre.M. Poirson, inspecteur primaire, rappelle une circulaire ministérielle aux instituteurs, recommandant de faire des lecons expérimentales sur les substances nécessaires au sol. Mais bien des instituteurs n’ont pu y parvenir, ignorant la composition du sol.M. Jaugeon : Leurs mécomptes proviennent surtout de ce qu’ils ont opéré sur de trop petites surfaces.M. Chenal exprime le désir de voir le conseil général voter à cet effet une subvention.M. Brice : Pour simplifier, bien des villages ayant à peu près le même sol, on pourrait faire des expériences communes.M. Danguy : On peut reporter au 10000e Ia carte géologique au 80000e. L’instituteur doit faire des démonstrations sur le végétal, sur le sol ; mais pas.en vue de l’agriculture tout d’abord. Pour les cultivateurs, il faut le champ d’expériences.M. Jules Favre : C’est aux cultivateurs à pousser à la confection de la carte agronomique ; ils sont les premiers intéressés.M. Lederlin, maire de Thaon : L'habile travail de M. Jaugeon, sur le canton et sur Thaon, a coûté deux cents francs de frais extérieurs ; sans compter la valeur du travail personnel. Cette réalisation aura des résultats excellents dans le canton ; les cartes y seront répandues. L’honorable conseiller général lit une étude approfondie, relative à des expériences comparées. sur la culture des pommes de terre, sur les analyses féculométriques. Nous aurons, sans doute, occasion de revenir sur ces instructives expériences, qui sont longues, mais que les assistants ont écoutées avec un intérêt soutenu.M. Figarol recommande de tenir grand compte de la destination, selon que la pomme de terre doit servir à la cuisine, ou au bétail, ou à la féculerie. L'époque de la maturité importe beaucoup aussi. Un des grands obstacles de la Richter c’est qu’elle mûrit tardivement et permet à peine de semer du blé après la récolte. Quelquefois la maturité, selon les espèces, se produit à trois semaines de différence. M. Henry Boucher, ministre du commerce, entre à midi moins dix. Toute l'assemblée se lève. M, Guilgot lui cède le fauteuil.M. Jolly : Par la sélection, on hâte l’époque de la maturité ; des expériences faites dans le Nord le prouvent.M. Brice : Au lieu de recourir au semis, on devrait employer la greffe, pour les pommes de terre. Un instituteur qui habitait autrefois Haudompré, aujourd'hui à Domremy, a fait des essais très fructueux. M. Charpentier, instituteur aux Forges, près Epinal, conseille de faire des her- biers; il se charge, si on les lui envoie, d'indiquer gratuitement les noms scientifique et usuels, les propriétés des plantes pour l’art médicinal ou vétérinaire. Les enfants peuvent être employés à cet office.M. Henry Boucher s'excuse de prendre le fauteuil auquel il ne se reconnaîtrait aucun droit, n’était la douloureuse épreuve que traverse son ami, M. Krantz. On re- doutait pour le beau-père de l'honorable député une issue fatale. Le triste événement est venu hier frapper cruellement M. Krantz et sa famille. Le ministre se fait l'interprète des condoléances unanimes et l'assemblée ratifie ses paroles émues.Il ajoute que la fidélité ancienne de la société de Girecourt touche M. le président du conseil, qui attache un prix tout spécial aux travaux de nos cultivateurs, travaux attestant un progrès sensible.Le ministre remet les insignes d'officier du mérite agricole à M. Jules Galland, de Damas, doyen de la société, un de ses premiers fondateurs ; les insignes de chevalier à M. Camille Simer, secrétaire du syndicat agricole de Bruyères. Il associe aux applaudissements qui accueillent cette proclamation le nom de M. Guilgot, qui a reçu cette décoration il y a quelques mois, ainsi que celui de M. Pierrey. Il attache sur la poitrine de M. Pierrey, vice-président du comice, l'étoile en brillants que cette société et le syndicat lui offrent.M. Boucher énumère diverses mesures législatives très efficaces prises par le cabinet dont il fait partie et dont le gouvernement a obtenu le vote sans bruit, sans recours aux mille trompettes de la renommée. En premier lieu l’abaissement à 3 fr. du droit sur les alcools dénaturés. Cette amélioration promet un vaste avenir à la culture de la pomme de terre et de la betterave. Le Nord y voit un moyen de salut ; car pour lui se posait, d’une façon pressante, la question sucrière qui intéresse la France entière. Quelques efforts que l’on ait tentés pour garantir notre marché sucrier contre la concurrence étrangère, l'enchère des primes faisait disparaître l'effet de nos sacrifices et menaçait d'une décadence notre agriculture. Avant l’ouverture de la conférence internationale destinée à atténuer les conséquences de la lutte sur le régime des primes, il fallait assurer à nos plantes sarclées un emploi industriel tel que notre agriculture ne fût pas compromise. Un champ immense s’ouvre à l’alcool désormais ; grâce aux découvertes de la science, il sera prochainement utilisé en grand pour le combustible et l'éclairage.M. le ministre du commerce avait voulu créer un prix de cent mille francs pour primer l'appareil le plus pratique d’éclairage par l'alcool. Mais un brevet anglais, celui du bec Auer, réconforté par les jugements dé plusieurs tribunaux, a empêché l’industrie française d'utiliser l'incandescence avec l’alcool.Mais le problème se pose, plus étendu, depuis le vote de la loi sur les alcools dénaturés. M. Giffard, inventeur d'appareils ingénieux, a laissé sa fortune à l’Etat pour une œuvre utile. Sur le solde, 50000 ou 100000 fr. pourront être utilisés pour aider à trouver un moyen pratique d'assurer la comburation de l'alcool en vue du chauffage et de l'éclairage. L’automobilisme emploiera cette substance au lieu du pétrole ; le produit se développera considérablement. Il y aura lieu de créer des distilleries, non peut-être immédiatement, mais l’heure s'approche où il y faudra songer.M. Boucher, revenant sur la douloureuse nouvelle qu’il vient d'annoncer, invite les assistants à s’associer au deuil de M. Krantz. « Notre honorable président, ajoute le ministre, rend trop de services signalés pour que nous ne nous associions pas à son deuil, pour que nous n’envoyions pas l'expression de nos sympathies collectives à cet homme d’un noble caractère, d'un esprit élevé, qui représente avec tant dé distinction, à la Chambre, la 1re circonscription d'Epinal. » M. Boucher, après ces marques touchantes d'amitié, auxquelles toute l’assemblée se joint,remercie les rapporteurs, salue la présence de M. Figarol, qui se souvient d'être Vosgien. Il souhaite une année prospère à la société qui contribue tant à honorer la profession agricole, source de dignité, d'honneur et de liberté.LACHER DE PIGEONS. « A midi 35, au moment où les invités arrivent à l’hôtel de la Poste, la société Propatria lâche une foule de pigeons. Un de ces volatiles reste sur la balustrade d'une fenêtre au premier étage. Il se plait sans doute en la compagnie des agriculteurs.En même temps, fendant la foule, arrive à l’hôtel un automobile à pétrole, amenant de Nancy MM. Ponton d’Amécourt, officier au 79e ; Bellieni, opticien, et Bastien. La voiture à fait le trajet en deux heures et demie, soit trente kilomètres à l'heure.Le banquet.A une heure, dans la magnifique et vaste salle de la Poste, banquet.Deux cents convives environ, qui font honneur à un menu choisi. A la table principale, on remarque :MM. le ministre ; Guerin, préfet ; Juillard, maire ; Lederlin, conseiller général ; Conus, trésorier-général ; Figarol ; Guilgot, secrétaire de la société ; Boivin, sous-préfet dé Mirecourt ; Leybach, conseiller d'arrondissement, vice-président du crédit agricole ; Pierrey, vice-président du comice et du syndicat ; Jules Favre, président du comice de Neufchâteau ; Emile Stein, vice-président du crédit agricole ; Laporte, receveur particulier à Remiremont ; Danguy, professeur d'agriculture ; Jolly, professeur au collège ; Claudé, président de la société d’horticulture ; Poirson, inspecteur primaire ; Louis Boucher, maire de Docelles ; Perrigot, industriel à Arches ; Gazin, président de la société d’émulation ; Lapicque, vice-président du comice ; Galland ; Grandferry et Camille Simer, président et secrétaire du syndicat de Bruyères ; Chenal, trésorier du comice et du syndicat ; R. Perrout, secrétaire du syndicat ; Brice, gérant du syndicat ; Couchoux, vice-président de la société d’horticulture ; Jacquel, vice-président du syndicat d'Epinal ; Saunier, de Dogneville.M. Guerin, préfet, se lève au dessert ; il porte un toast à M. Faure, à M. le président du conseil, à M. le ministre du commerce. La période des souhaits n’étant pas terminée encore, l’honorable administrateur fait des vœux pour la santé personnelle du ministre du commerce et la longue durée du cabinet Méline. Il exprime les sentiments, non seulement de tous les Vosgiens dévoués aux personnes de MM. Méline et Boucher, mais de tous ceux qui ont le sens de l'intérêt national. Il regrette l'absence de M. Krantz, causée par une cruelle circonstance.M. le préfet prie M. Boucher de transmettre de vifs remerciements au gouvernement, en particulier MM. le président du conseil et le ministre de l'intérieur, pour les crédits accordés aux deux arrondissements de Mirecourt et Neufchâteau, dévastés par les orages cet été.Le cabinet ne cesse pas de témoigner sa profonde sollicitude aux cultivateurs. Aucune année parlementaire n’a été aussi occupée que l’année précédente à l'examen des questions agricoles — sans parler de ces interpellations sur la crise rurale, lesquelles n’ont pas convaincu la population agricole de la sincérité des amitiés qu’elle peut rencontrer dans certains groupes de la Chambre. Ce débat a permis à MM, Méline et Deschanel de relever quelques appréciations malsonnantes sur le paysan français, qui est l'honneur et la plus précieuse force du pays. Les critiques sur la cherté du pain ont permis au cabinet de montrer aux cultivateurs où sont ses vrais amis.L'orateur rappelle les discours de M. Méline sur diverses questions agricoles, qu’il a examinées avec sa haute autorité habituelle. Parlant en agriculteur, M. Guerin se félicite de voir un homme comme M. Méline à la tête du pouvoir ; il souhaite que la direction des affaires reste longtemps entre ses mains dévouées.M. Guilgot remercie M. Boucher d’avoir bien voulu accepter la présidence de cette fête. 11 boit au ministre et au président de la société, M. Camille Krantz, à qui vont les vœux et l'ardente sympathie de tous les adhérents.M. Figarol, président honoraire de la société, constate l’heureux accroissement qu'a pris la société depuis que M. Krantz la préside. Dans une causerie familière, toute spirituelle, où se manifeste sa compétence des choses agricoles, il se réjouit de voir les cultivateurs vosgiens perdre moins d'argent. Le gouvernement a accordé aux ouvriers de la terre le maximum de la protection qu'ils pouvaient attendre ; à eux de s'aider. Ancien adversaire politique de M. Henry Boucher, M. Figarol proclame hautement la reconnaissance que la France laborieuse doit au ministre du commerce et de l’industrie, l'effort immense que le cabinet Méline a accompli pour la protection intérieure et extérieure de l’agriculture.Un convive : « Vive la République ! »M. Figarol (continuant) : vive la République, monsieur; je n’ai en aucune façon attaqué la forme du gouvernement.L’honorable orateur rappelle les origines de la Société de Girecourt. Il donne un souvenir attristé et éloquent à M. Georges Ville, l’éminent agronome qui en fut le fondateur, qui poussa l'institution naissante dans la voie de la pratique scientifique et ouvrit une série d'expériences couronnées plus tard par tant de succès. Il rappelle que MM. Henry Boucher et Galland ont compté parmi les premiers initiateurs.Malgré les efforts du gouvernement, joints à ceux des agriculteurs, la crise reste ouverte. On a épuisé tous les moyens de la conjurer ; élever encore les droits est devenu impossible. Il faut aviser à d’autres moyens. M. Figarol engage ses auditeurs à supprimer les intermédiaires. Je vendais 18 sous, dit-il, du beurre que le consommateur achète 2 fr. 50 ou 3 fr. A un bout de la chaîne commerciale se trouve le producteur qui ne gagne rien ; à l'autre bout le consommateur qui paie très cher et, au milieu, l'intermédiaire qui ramasse tout. Mais, grâce à une initiative nouvelle, je place mon beurre à Paris, au prix de 1 fr. 75. Le nouveau système des colis postaux nous a infiniment aidés, les autres producteurs et moi ; c’est à M, Boucher que nous devons ce système inappréciable ».M. Figarol suscite les énergies rurales. Les syndicats eux-mêmes n'obtiennent pas le minimum de prix, On payait des fourches américaines 4 fr. 50 ; on les paie 3 fr. 35 ; l'orateur s'en procure moyennant 23 sous. À la vérité, il a acheté au fournisseur une automobile de 3000 fr.M. Brice : L'adresse de cette maison ?M. Figarol : Oh ! on ne vous enlivrera pas à ce prix ; il vous faudrait en acheter une trop grande quantité. M: Figarol, après avoir recommandé l'union des syn- dicats, boit à l'avenir de la société de Girecourt.M. Henry Boucher, ministre du commerce, dit en substance qu'il est touché par les toasts adressés au gouvernement et à sa personne en particulier. Il constate que la société doit tout à l’énergie propre qu'elle a montrée ; elle n’a rien emprunté, ni à la majesté du gouvernement, ni à la puissance de l'administration. M. Boucher se considère surtout ici comme un des fondateurs de l’association et M. le préfet comme un agriculteur breton. La société n’a obtenu aucune subvention ; elle n’a eu pour direction que son esprit d'initiative.Les fondateurs étaient au nombre de sept ; ils se réunissaient dans une salle d'école de Girecourt, assis sur des bancs étroits, qui leur rappelaient leurs jeunes années. Là, ils redevenaient écoliers pour écouter les savantes lecons de M. Georges Ville. Puis ils allaient boire, à l'auberge voisine, un vin gris dont ils ont gardé le gai souvenir. Ils étaient sept, comme étaient seulement quinze cent mille, au plébiscite, les républicains qui possèdent aujourd'hui la majorité. La société de Girecourt a prospéré, parce qu'elle avait pour base la science et l’idée du progrès. M. Boucher remercie les orateurs précédents pour les paroles flatteuses adressées à M. Méline. Il a été le témoin de sa vie, le compagnon de ses luttes anciennes ; M. Méline est le modèle de l’homme fixe dans ses convictions, calme, dévoué inlassablement à une cause juste. Le gouvernement doit sa stabilité à ce que sa politique a pour base l’intérêt agricole. Il est résolu à ne rien abandonner du vieux programme républicain. Il savait que le pays a besoin de la tranquillité, de la paix et veut pouvoir compter sur le lendemain. Il était sûr, en adoptant cette plate-forme, d’être servi par tous les suffrages. Les Vosgiens l'ont soutenu ; il a soutenu, lui, la cause de tous ceux qui travaillent et qui sont solidaires avec les cultivateurs.Les syndicats apportent un frein aux exigences du commerce ; mais on ferait de vains efforts pour le détruire. Il est rare qu’on ait de quoi se procurer une machine à pétrole pour acquérir des fourches au plus bas prix. Les syndicats accomplissent une œuvre de pondération, de liberté et non de privilège, d’oppression. M Boucher retient, des bons conseils donnés par l'honorable M. Figarol, qu'il faut se grouper autant et plus pour la vente que pour achat.Je suis heureux, ajoute-t-il, d'avoir personnellement, en créant les colis postaux agricoles de dix kilos, facilité aux cultivateurs un moyen d'aller au consommateur. Cette initiative répond aux besoins de fammilles très nombreuses. Cet accroissement de la vente changera sans doute l’organisation de la ferme, où l’on verra désormais circuler plus d'argent. Je salue cette association qui se crée entre celui qui consomme et celui qui produit, pour l'accroissement de la prospérité commerciale, Mais les intermédiaires auront à chercher les facultés de vivre : ils deviendront producteurs. Alors, n’aurait-on pas à craindre une surproduction ?Une industrie dans laquelle je trouve M. le Maire d'Epinal, assis à mes côtés, cherche aujourd’hui des débouchés nouveaux pour écouler ses produits. Il conviendra d'étendre le commerce agricole sur notre propre territoire ; nous devons entretenir ce rêve : que la prospérité publique s'augmente de manière que nos produits agricoles soient admis sur la table de ceux qui, aujourd’hui encore, sont pauvres ; que le marché français reçoive une extension ; que nous pratiquions une sorte de colonisation intérieure.À ce vœu vient de répondre le gouvernement en tendant à la suppression des octrois, au moins pour les boissons hygiéniques. Jusqu’ici, le père de famille mesurait le vin à ses enfants et à sa femme ; désormais il alimentera mieux la jeunesse qui est l’espoir de l’armée et de la République. Cette œuvre toute démocratique, le cabinet ne l’a pas annoncé ici à grand fracas ; il n’a pas fait entendre de revendications sociales. Il n’a pas formulé de promesses ; il a tenu sans avoir promis. Il continuera dans cette voie.Nous continuerons à apporter avec dévouement notre collaboration au grand citoyen qui préside le conseil ; je tâcherai de parfaire, pour mon compte, ce que j'ai entrepris, à l'avantage des travailleurs. Mon collègue Turrel a diminué le prix du transport des céréales ; j’ai créé les colis postaux de 10 kilos ; M. Méline cherche à affermir la protection des porcs ; je cherche à étendre les facilités sur le marché anglais pour nos produits de la ferme, pour le fromage sur les marchés de l’Amérique du Sud. Nous allons la main dans la main pour la défense des intérêts de quiconque travaille ou aux champs ou à l'usine. Soldats de la République, nous nous appliquons à assurer la grandeur de la patrie...Un convive : Et le blé ? atteindra-t-il un taux supérieur ?M. Boucher : Je n’en sais rien ! C’est une question qu'il faut poser plus haut qu’au gouvernement d’un pays. Il existe, au-dessus de nous, des forces qui régissent le monde. Posez cette question au climat, à celui qui dirige les saisons. Nous autres, pauvres hommes qui conduisons de pauvres hommes, nous ne pouvons que nous incliner devant la fatalité et faire de notre mieux pour que les fruits de la terre ne souffrent pas trop d’éventualités dommageables. Nous ne manquerons pas aux devoirs qui nous incombent. Les droits — M. Figarol l’a reconnu — ont at- teint le chiffre maximum. Nous n’avons pas cédé à la campagne menée par des gens pressés, qui ont cherché dans une hausse éventuelle une arme politique et sociale. Les mêmes sont venus reprocher au père de l’agriculture — qu'ils appelaient la belle mère da l’agriculture — de n'avoir pas fait hausser les prix. Les prix ont haussé. Alors ils se sont retournés contre lui, en l’accusant d’affamer le peuple, en criant que les pleurs des affamés retomberaient sur lui. Sans se départir de son calme, toujours hostile à l’exagération, il a répondu : «les droits actuels suffisent ; si, demain un danger menaçait l'alimentation; nous aviserions. » Mais il a sagement gardé le silence sur les moyens d'y remédier ; car la spéculation en eût profité avec empressement.Ceux dont je parlais à l’instant protégeaient ainsi la tourbe des spéculateurs. On annonçait une disette. Le pain n'a point dépassé quatre sous. Si la cherté de cet indispensable aliment devenait exagérée, nous trouverions moyen de sauvegarder le présent sans compromettre l'avenir, Le gouvernement est assez soucieux de l’unité de la patrie pour ne pas sacrifier les villes aux campagnes, qui elles-mêmes ont été longtemps sacrifiées. Je bois au calme des esprits, au sage examen des problèmes sociaux. Qu'il existe un parti agricole ; mais qu’il ne sépare pas ses intérêts de ceux du pays entier et de la République. Je porte un toast aux hommes dévoués qui, parmi vous, ont reçu, il y a quelques mois ou aujourd’hui, l'étoile, symbole du progrès agricole et du labeur. On a salué en M. Félix Faure le travail au pouvoir ; ici je salue le travail et l'honneur en la personne de vos lauréats.M. Galland remercie les premiers apôtres de la société, particulièrement M. Boucher, M. Figarol et le regretté M. Georges Ville. Quoique ayant 83 ans, l’honorable doyen se tient modestement pour un élève.M. le Ministre propose d'envoyer un télégramme à M. Krantz, président de la société, pour lui exprimer les sympathies de tous ses collègues et leurs profondes condoléances. Cette motion est cordialement accueillie par l'unanimité des assistants.M. Laybach se fait l'interprète de l’assistance en proposant d'adresser à M. Méline, président du conseil, ministre de l'agriculture, un télégramme lui exprimant la sympathie et les sincères remerciements de tous les convives.Cette proposition est acclamée.M. Guilgot remercie tous les invités.M. Jules Favre insiste pour que la société de Girecourt, devenue en quelque sorte association départementale, étudie les questions d'assurance agricole.M. le Ministre répond que le cabinet mettra à l’ordre du jour, aussitôt après le budget, si possible, un projet de loi sur ce sujet. Il ajoute que les causes des maux qui affligent la culture sont si multiples, si considérables, qu’on ne peut pas faire peser sur le budget de l'Etat les conséquences qu’ils entrainent. Il y a lieu d'organiser d'abord des caisses locales, puis de se solidariser par régions, puis de créér une contre assurance nationale pour obvier à l'insuffisance des groupements limités. Il faut commencer par la cellule, avant de songer à un corps organisé, puisant ses ressources dans la réciprocité des moyens. L’honorable orateur boit à M. Guilgot, qui personnifie à la fois l'industrie et l’agricuiture et à tous ceux qui, comme lui, travaillent à la prospérité commune.M, Gazin, président de la Société d’émulation, rappelle les encouragements qu’elle a donnés aux enseignements agricoles. M. Jaugeon a obtenu un de ses plus beaux prix; ily a deux ans, elle décernait à M. Galland une de ses plus hautes récompenses. Il boit à M. Krantz, président de la Société de Girecourt, et à son vénérable secrétaire, M. Guilgot.M. Perrigot remercie le ministre du commerce, qui lui a attaché sur la poitrine le ruban de la légion d’honneur. Industriel, il a trouvé dans l'office commercial, créé par M. Boucher, de précieuses lumières! Il avait demandé à M. le ministre son appui ; M. Boucher lui a répondu : « Débrouillez- vous. » Et M. Perrigot est allé en Autriche, en Roumanie, en Belgique, en Suisse, ouvrir des comptoirs. Le conseil était bon.M. Boucher : Vous avez appliqué le proverbe : « Aide-toi, le ciel t'aidera. » Vous avez eu confiance dans vos forces, dans votre intelligence commerciale, dans le bon renom de notre industrie française, dans la valeur professionnelle de nos ouvriers ; vous êtes revenu après avoir remporté de brillants succès, et voilà pourquoi je vous ai décoré.Ces discours ont été très applaudis.Le banquet, commencé à une heure, a fini vers quatre heures et demie.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges