Hagiographie de St-Auger - 23 août 1922

Chroniques VosgiennesL'hagiographie de St-Auger
M. l'Abbé MAUGENRECuré d'Aydoilles
Il y a deux sortes d'hagiographies, celle qui est partiale et celle qui est vraie. La première est une opération frauduleuse, une conspiration contre la vérité ; elle tronque ou falsifie les textes, elle passe sous silence ou elle frelate les faits qui gênent les besoins de sa cause. L'hagiographie vraie est celle qui jaillit de tous les témoignages fournis par les documents de la tradition. La vérité historique n’est pas subjective ; elle ne dépend pas de l'imagination des écrivains ; ou bien elle existe ou bien elle n'existe pas ; elle ne s’invente pas.Appliquons ce principe à l'hagiographie de Saint Auger, inséparable de celle de Saint Goëry et de ses deux filles, Sainte Précie el Sainte Victorine. Ou bien Saint Goëry est fondateur de la ville d'Epinal, comme l'a déclaré « Le Télégramme » dans ses numéros du 10 août et du 19 septembre 1921, ou bien il ne l'est pas ; il n'y a pas de milieu, il n'y a pas de fondateur présumé. Ou bien Saint Goëry a fondé un monastère spinalien en faveur de ses deux filles ou bien ce monastèren'a pas existé.Ou bien Saint Auger a été le coadjuteur nécessaire au Pontife-Roi pour fonder, diriger et gouverner le premier monastère spinalien où vécûrent et mourûrent l'abbesse Sainte Précie et sa sœur Sainte Victorine , vierges, ou bien Saint Goëry n'a pas eu besoin de coadjuteur si ce monastère n'a pas existé.Où découvrir la véritable tradition concernant ces grands personnages qui sont la gloire de notre région ? La vérité hagioraphique sur Saint Goëry se trouve dans la tradition authentique de l'antique église de Metz. La vérité hagiographique sur Saint Auger se trouve dans la tradition authentique de l'insigne chapitre Saint Goëry d'Epinal.L'évèque Meurisse, suffragant du prince-évêque de Metz Henri de Bourbon en 1634 témoigne dans son Histoire des Evêques de l'Eglise de Metz page 120, (Edit. Anthoine, Metz, 1634) la vérité hagiographique sur Saint Goëry suivant la tradition de cette église de la capitale de l'Austrasie : « Si Goëric, dit-il, se retira quelquefois aux « déserts de la Voge pour vaquer à la méditation. Et il y fit mesme bastir un beau monastère en l'honneur de Saint Maurice et en faveur de ses deux filles, dont l’aisnée, nommée Précie, fut la première supérieure. Cette abbaye est assise sur le bord de la Moselle, sur un fond que Saint Goerie achepta, et par succession de temps, la multitude des dames ou des Religieuses qui s'y sont retirées, sa grandeur, son estendue et les grands biens qu'elle possède y ont attiré tant de gens qu'on a basty une ville à l'entout qui se nomme Espinal. C'est de là qu'Espinal appartenait autres fois aux Evesque de Metz: »Jean Ruyz, doyen de la Collégiale-de St-Dié, confirme ce témoignage dans ses Antiquités sacrées de la province de Vosges, 1618, ainsi que Mgr Jean Claude Sommier, prélat du Pape, Conseiller de S. A. le duc Léopold de Lorraine, grand Prévôt de St-Dié, dans le Procès-verbal de la translation des reliques de Saint Goëry et de ses filles Sainte Précie et Sainte Victorine, le 18 janvier 1723. Nombreux sont les autres témoignages en faveur de Saint Goëry, fondateur d'Epinal.L'hagiographie vraie de Saint Auger existe comme celle de Saint Goëry. Ses reli- ques, son tombeau, son oratoire, son ermitage, sa source miraculeuse, son pélerinage existent, son histoire n’est pas une « Légende ». En présence de ces faits très objectifs, nous consultons un manuscrit provenant des Archives de l'insigne chapitre de Saint Goëry d'Epinal, écrit à l'occasion de la translation des reliques de Saint Auger, de son oratoire à l'église Saint-Maurice d'Epinal, le 27 juin 1644. C'est un discours analytique de la vie du Bienheureux Auger, inséré dans la vie de Saint Goëry. L'auteur est un prêtre spinalien, au service des dames de Saint Goëry, témoignant que sa relation renferme exactement l'antique tradition de leur chapitre. Dans ce précieux document, Saint Auger est plusieurs fois désigné comme Evêque, coadjuteur de Saint Goëry dans la fondation du Monastère des Epines, ainsi nommé dit-il, parce qu'il fut construit au milieu des Epines et des ruines du Castrum Calvi Montis, remplacé par le château d'Aubéron, détruit par une invasion allemande.Sainte Précie et Sainte Victorine sont désignées comme les « anciennes élèves et les filles spirituelles de leur « Directeur » St Auger. »Ce témoignage est confirmé par une inscription sur plomb de l'église Saint Léon de Toul de 1512, par les Requêtes et les actes des Abbesses d'Epinal, par les Règlements de leur chapitre, etc. La vraie hagiographie de Saint Auger atteste donc qu'il est Évêque, puis Abbé, puis Anachorète, du VII° siècle, contemporain de Saint Arnoul, coadjuteur de Saint Goëry, et, par conséquent, qu’il n'est pas ab bé de Senones, ni bénédictin.À l'imitation de Saint Colomban et de ses successeurs immédiats, les premiers fondateurs ou abbés des monastères vosgiens avaient deux domiciles, leurs ermitages, construits en bois, à distance de leurs couvents, et leurs monastères, où ils préparaient leurs postulants à la vie religieuse et à la vie apostolique.Tels furent dans les Vosges Saint Amé, Saint Auger, Saint Dié, Saint Hydulphe, Saint Gondelbert.La réforme des religieux colombanistes par les bénédictins de Saint Benoit d’Aniane n'eut lieu qu'en 816. Suivant la règle bénédictine, les abbés et les religieux de cet ordre vivaient en communauté, et non pas isolés dans des ermitages. Nouvelle preuve que Saint Auger suivait la règle de Saint Colomban. C'est aux religieux colombanistes du monastère des Epines que plusieurs paroisses de la région sont redevables de leur fondation ou de leur restauration.Le tombeau de Saint Auger que l'on croit être du XIV° siècle ne porte pas l'inscription « Benoit Saint Auger... Saint Benoit. »Certains bénédictins voulant accaparer les gloires de l'ordre de Saint Colomban, ont imité leurs anciens confrères de Tuit, près Cologne, lors de la découverte de nombreuses reliques ursuliennes en 1155.I1 paraît que le fait s'est renouvelé à l'oratoire de Saint Auger. Les historiens qui bâtissent sur des faux méritent plus que de l’indignation.Saint Auger n'a jamais été le « benoit ermite de Deyvillers ». Deyvillers n'existait pas à son époque, mais seulement un châ- teau et un domaine de Notte, appelé Nottancourt.Aydoilles a toujours eu le droit d’avoir Saint Auger pour anachorète de son territoire. Aydolium est un ancien territoire. Aydolium est une ancienne tribu celtique par où les Romains ont fait passer la voie romaine d'Aydoilles à Luxeuil que Saint Auger a fixé son ermitage pour communiquer facilement avec les monastères de Saint Romary et de Saint Walbert. Malgré les empiétements des gouverneurs d'Epinal qui ont accaparé, au XVIe et au XVIIe siècle, une bonne partie des territoires d'Aydoilles et de Saint Auger, toujours les curés du Ban de Vaudécourt et de la Mère-Eglise d'Aydoilles ont été les curés de Saint Auger. Depuis 1617, tous les actes paroissiaux de Saint Auger sont dans les archives d'Aydoilles.Spinalienus et Aydoliens sort frères ; ils respecteront leurs droits. Il y a des vérités hagiographiques qui ne peuvent être connues que par le raisonnement ; ce sont des problèmes à résoudre pour trouver un inconnu. La logique a des points de ressemblance avec l’arithmétique ; elle opère par syllogismes. C'est par ce moyen que nous croyons avoir découvert que le siège épiscopal de Saint Auger était celui de Toul. En effet , les vraies traditions de Metz et d'Epinal certifient que Saint Auger était évêque austrasien contemporain de Saint Arnoul et de Saint Goëry, dans la première partie du VIIe siècle.Or la vie de Saint Didier de Cahors, écrite au VII° siècle, nous apprend que l'évêque austrasien « Austrasius », vivant à l'époque de Saint Arnoul, était évêque de Toul. Donc Saint Auger était évêque de Toul : ce qu'il fallait démontrer. De même que Abbo n'est pas inscrit dans les chronologies des Evêques de Metz parce qu'il s'appelle encore Saint Goëry, de même que Saint Dié n'est pas inscrit dans les chronologies épiscopales parce qu'il s'appelle encore Deodat, Dieudonné, etc., de même que Leudin, évêque de Toul, fut pour un temps considéré comme un autre personnage que Saint Bodon, alors qu'il portait deux noms différents, de même Saint Auger fut désigné sous le nom d'Austrasius parce qu'il était austrasien. C'est sous ce nom qu'il est inscrit dans les chronologies les plus exactes des Evêques de Toul, c'est-à-dire dans dans l'Ordo du diocèse de Nancy, qui a choisi le catalogue inséré dans l'Histoire du diocèse de Toul, par M. l'abbé Guillaume, ensuite dans le Sistème chronologique historique des Evêques de Toul, par François de Riguet, grand prévôt de Saint-Dié, ensuite dans l'Histoire ecclésiastique et civile de la Lorraine, par Dom Augustin Calmet, abbé bénédictin de Senones.Il est donc absolument acquis que Saint Auger est le même personnage qu'Austrasius, qu'il est inscrit sur les listes des Evêques de Toul, soit au quinzième, soit au seizième rang, et qu'il est mort vers l’année 656. Sa vie n'est donc pas entièrement inconnue. Il est également acquis que Saint Auger ne fut pas abbé de Senones. Un abbé n'est pas un « évêque »: Un abbé de Senones n'a pas été le directeur des filles de Saint Goëry. Un abbé de Senones n’est pas du VIIe siècle. Aucune chronologie des abbés de Senones ne contient le nom de Saint Auger. Si un abbé de Senones avait démisionné pour vivre en ermite dans notre région, ce fait serait relaté dans l'histoire vosgienne. Donc cette opinion est une supposition gratuite qui ne repose sur aucun document historique, ce qui nous permet de la nier absolument.On a travesti Saint Auger et Saint Arnoul dans le « Pays Lorrain ». Triste comédie que nous déplorons, parce qu'elle porte atteinte au Culte de nos célestesProtecteurs.Ce qui a préjudicié à ce culte séculaire et salutaire, ce n'est pas seulement l'invasion des Suédois qui ont pillé et incendié l'oratoire et l'ermitage de Saint Auger vers 1635, c'est l'innovation de Monseigneur d'Osmond, évêque des deux diocèses de Nancy et de Saint-Dié, de 1802 à 1823, qui a supprimé les messes ef les offices du bréviaire de Saint Auger et des Saintes Précie et Victorine. Le Saint Siège condamne cette inqualifiable innovation. Dieu veuille qu'elle soit bientôt réparée !Se conformant à l'ancien Règlement du Chapître Saint Goëry d'Epinal, M. le chanoine Gand, vicaire général, supérieur du Grand Séminaire, M. le chanoine L'hôte, professeur, plusieurs curés et vicaires, tous les élèves du Grand Séminaire, chantèrent les vêpres d'un Confesseur Pontife lors de leur pélerinage à l'oratoire de Saint Auger, le 18 juillet 1907, en présence de plusieurs groupes de fidèles venant d’Aydoilles, de Fontenay, de Deyvillers, de Charmois-le-Roulier, de la Baffe et d'Epinal. Ils étaient dans la vérité.Dans les authentiques des reliques de Saint Auger, signés par Sa Grandeur Monseigneur Foucault, évêque de Saint-Dié le 25 août 1921, il est stipulé que Saint Auger est confesseur Pontife. Sa Grandeur est dans la vérité.Spinaliens, reconnaissez vos grandes gloires religieuses que beaucoup de villes de France et du monde vous envient. Votre antique monastère colombaniste des Epines et votre vieille cité spinalienne ont pour fondateurs l'évêque roi Saint Goëry, l'évêque de Toul Saint Auger, l'aïeul de Charlemagne, Saint Arnoul, le troisième abbé de Luxeuil Saint Walbert, deux princesses royales consacrées au Christ, Sainte Précie, abbesse, et Sainte Victorine, Vierges ; au VIIe siècle. Malheureusement, l'invasion hongroise les boches de 910, ont fait subir à Epinal primitif le sort de l'antique capitale de la Leucie, Grand, anéanti par l'invasion germanique de 364, le sort de Louvain, de Reims, de Verdun, de Soissons, d'Arras, de Douai, de Lille, par les horribles boches de 1914-1918.
Conservez-en un éternel souvenir.
L'abbé Aug. MAUGENRE.
Article publié par le journal Le Télégramme des Vosges le 23 août 1922