Engrais chimiques - 17 janvier 1897

Société des engrais chimiques de Girecourt. — La réunion générale de cette Société a eu lieu dimanche à dix heures du matin, dans la salle de la Bourse, sous la présidence de M. Krantz, député, assisté de MM. Le Moyne et Guilgot.La plupart des membres de la Société étaient présents, M. Guilgot a donné lecture des comptes du trésorier qui indiquent une situation financière très satisfaisante et ont été approuvés par l’Assemblée.M. Krantz s'excuse de n'avoir pu convoquer les membres de la Société en 1896 ; et de n'avoir pas comme son prédécesseur M. Figarol préparé de rapport sur les expériences faites par lui ou sous sa direction, le temps lui ayant fait défaut.M. Krantz parle de la crise agricole actuelle, dit attendre avec confiance l’interpellation que doit adresser à ce sujet, M. Jaurès à la Chambre.M. Krantz donne ensuite la parole aux divers rapporteurs.M. Lederlin, de Thaon, rend compte d'essais très intéressants qu'il a fait sur la culture des pommes de terre et des avoines.Pommes de terre. — Sur les conseils de M. Le Bœuf, ancien professeur départemental, M. Lederlin a étudié l'influence sur le rendement de : 1° l'écartement des plantes ; 2° l'emploi des tubercules entiers ou coupés ; 3° les engrais chimiques complémentaires du fumier.Onze variétés ont été étudiées, ce sont : la Early rose, Professeur-Mœrker, l’Américaine hâtive, la Jaune d'Or, la Reine-du-Sud, la Czarine, le Docteur von Seydewitz, la Victoria Augusta, la hâtive de Zwickau, la Joseph Rigault, la Wilhelm Korn.Celles qui ont le mieux résisté à la maladie sont l'Américaine, la Rigault, la Wilhelm Korn, l’Early, Seydewitz ; celle qui a le plus pourri est la Jaune d'Or.Celles qui ont donné les plus grands rendements sont la Moœrker, 49000 kil. à l’hectare avec le fumier ordinaire, 54000 avec addition d'engrais chimiques ; la Czarine, 29000 et 27000 kil. : la Czewitz, 41000 kil. ; mais cette dernière était à peine mûre le 15 octobre.Comme rendement en fécule, la Victoria a donné 25,7 0/0 avec fumier, 25,5 avec engrais complémentaire ; la Mœrker, 23,1 et 21,2 ; la Wilhehm Korn, 22,2 et 19,6 ; la Jaune d'Or, 21,9 et 20 ; la Seydewitz, 23,5 et 22,7 ; la Rigault, 13. Cette dernière est une excellente pomme de terre ménagère. Devant la différence de rendement en fécule des pommes de terre cultivées avec engrais complémentaire, M. Brice, gérant du syndicat agricole, fait observer que M. Lederlin a mis 2 kil. de nitrate de soude à l’hectare, ce qui est beaucoup trop.Une discussion s'engage à ce sujet entre MM. Brice, Danguy, Favre et Jaugeon, de laguelle il ressort qu'il faut bien connaitre la nature des terrains, leur richesse en azote ou en phosphate avant de les exploiter.Avoines. — M. Lederlin rappelle que le poids spécifique exigé par l’intendance militaire a été fixé à 46 kilogr. à l’hectolitre. Ce chiffre n’est presque jamais atteint dans notre région, aussi l'autorité militaire a-t-elle décidé de descendre à 45,5 ce qui est encore insuffisant ; il faudrait obtenir la fixation à 45 kilogr.M. Lederlin donne les résultats obtenus avec de l'avoine de Flandre, qui a produit 518 kilogr. en grains à l'hectare ; l'avoine de Pologne, 355 kil. ; l’avoine blanche de Sibérie, 296 kil. Cette dernière a atteint le poids de 46 kil. à l’hectolitre.M. Lederlin présente aussi de belles avoines de pays, qui ont également produit 46 kilog. à l’hectolitre. À son avis, cette dernière, bien choisie, lui semble être aussi bonne que les avoines étrangères.En terminant, M. Lederlin met les lots de pommes de terre exposés à disposition des amateurs. M. Krantz le remercie de sa très intéressante communisation et le prie d'étudier pour l'an prochain les sols de sa contrée et d'en faire unrapport.M. Rapin-Dusapin, lit à son tour, une étude sur l'ensemble des plantes que l'on cultive dans les Vosges.M. Léopold Ferry donne des résultats de culture opérés par lui avec des engrais chimiques, en 1896, résultats très fructueux. Grâce aux engrais chimiques, dit-il, nos prairies sont couvertes d’une flore nouvelle très propice à l’élevage des abeilles. M. Krantz, approuvant l’idée de M. Ferry, le prie, pour l'an prochain, d'étudier de près cette question d’apiculture et d’en faire un rapport détaillé.M. Brice lit un rapport sur les expériences d’agriculture faites par les instituteurs de l’arrondissement d'Epinal, sous la direction de leur inspecteur primaire, M. Poirson. Quelques-uns ont obtenu des résultats splendides ; en revanche, d’autres ont fait fausse route.Banquet. — À midi un banquet de 120 couverts a été servi à l'hôtel du Louvre. Entourant M. Krantz à la table d'honneur MM. Boucher, ministre du commerce ; Guérin, préfet ; Juillard, maire ; Conus, trésorier général ; Chaudey, inspecteur d'académie, Lederlin, conseiller général ; Le Moyne président de la Société d'Emulation ; Claudé, président de la Société d’horticulture ; Lapicque, vice-président du comice, etc., etc.Avant les discours traditionnels, M. Krantz a remis, au nom des bureaux de la Société de Girecourt et du Syndicat, un charmant bronze, la Porteuse aux champs, de Bouillot, à M. Brice, le dévoué secrétaire-adjoint de la Société.M. Guérin, préfet des Vosges, boit à M. Félix Faure, à l'agriculture et à la Société de Girecourt.M. Krantz remercie M. Guérin et boit à M. Boucher, ministre du commerce.Il propose en terminant, d’envoyer un télégramme de félicitation, à M. Jules Méline, de boire aux Vosges, à cette vieille Société de Girecourt, initiatrice de la chimie agricole, qui sut allier la science à l’agriculture.M. Boucher, remercie au nom de M. Méline et du gouvernement qui dit-il veut mettre au premier plan toutes les questions agricoles.On va — parait-il — demander compte à M. Méline de son défaut de sympathie à la crise agricole. Des agriculteurs nouveau modèle que nous nous réjouissons d'entendre, sont possesseurs de souverains remèdes à tous les maux.D'après eux, le défaut de confiance serait une des causes de la mévente des produits ; il y aurait aussi, pour remédier à cette situation, de nouvelles et efficaces formules.Nous sommes curieux de savoir quel réquisitoire nous attend.Malgré toute notre bonne volonté, nous sommes souvent impuissants parce que nous avons un Règlement de Chambre très fâcheux.Il y a eu, durant celte dernière année parlementaire, deux cent vingt-deux questions et interpellations.Cependant, nous avons pu faire aboutir la loi sur les raisins secs qui occupa le Parlement durant des longues séances.Voici venir la loi sur les sucres, en laquelle l'Allemagne et l'Autriche Hongrie nous ont précédés.Qusnd au Crédit agricole, nous avons 40 millions, provenant de la Banque de France, tout prêts à lui offrir.M. Krantz demande que le gouvernement protège les bouilleurs de cru qui produisent le kirsch vosgien.Il recommande au ministre, pour le Mérite agricole, le dévoué secrétaire de la société M. Guilgot, M. Camille Simmer et d'autres, tous méritants.M. Krantz boit au doyen de la Société M. Galland, de Damas-devant-Dompaire.M. Juillard, dit qu'un maire de ville n’est pas en bonne odeur dans une société d'engrais chimiques, car il cherche par tous les moyens à la débarrasser des immondices ; il sollicite néanmoins l’honneur d’être inscrit parmi les membres de la société de Girecourt.Cette fête fut terminée à 3 heures.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges