Saint Georges soumis à la question

CHAPITRE VI.
SAINT GEORGES SOUMIS A LA QUESTION.
Arrivé à son palais, Dioclétien après s'être reposé un peu, donna ordre à son proconsul Maxence de faire lui même à Georges une réplique dans les formes, afin qu'il fut justifié, devant toute l’assemblée, de l'édit qu'il avait lancé contre les chrétiens, et qu’à son tour Georges fut regardé comme un imposteur en punition de la témérité avec laquelle il avait osé l’apostropher ainsi publiquement.Maxence s'étant assis sur un siège, fit approcher Georges, et il lui dit: » Qu'elle est ton audace, de parler aussi librement à notre auguste empereur. » « Si j'ai parlé de la sorte, répondit Georges, c’est que je le devais faire ; du reste, je n’ai dit que la vérité. » « Qu'est ce que la vérité, reprit Maxence ? » « Georges répartit : La vérité est Jésus-Christ même, que vous persécutez. » « Eh quoi ! ajouta Maxence, tu serais donc chrétien ? » Pour moi, dit Georges, je suis serviteur de Jésus-Christ, mon Maître, que je viens confesser sans crainte au milieu de vous, en rendant témoignage à la divinité de sa religion. À ces paroles de Georges, toute l'assemblée se livra au tumulte, et, l’on entendit une rumeur générale.Dioclétien avait accompagné Maxence dans la salle du conseil, il avait écouté en silence son entretien avec Georges. Fixant les yeux sur ce beau jeune homme, comme s’il ne faisait que de commencer à le connaître, l’empereur lui parla en ces termes: « J'ai toujours admiré tes nobles manières qui répondent si bien à la noblesse de ton sang. Je t'ai estimé digne des grands honneurs et t'ai élevé à de hautes dignités. Je n'ignore point avec quelle valeur tu as terrassé un redoutable monstre. Vois, Georges, en raison de ta prudence et de ta valeur, je t'ai toujours tenu lieu de père ; mais je m'aperçois maintenant que tu en abuses étrangement. Je t’exhorte donc à ne point quitter tout à fait ta dignité, à rentrer à mon service par le sentiment de la reconnaissance qui t'est si bien propre. O Georges ! écoute la voix de ton empereur que pourtant tu as outragé en trouvant à redire à ma conduite, écoute moi donc, car je t'aime encore : Aie pitié de ton jeune âge, ne prodigue point la jouissance de tes plus belles années à ton caprice, en t’exposant toi-même à des supplices horribles que j'ai préparés aux rebelles. Sacrifie seulement aux dieux, et je te comblerai de plus grandes faveurs que je ne l’ai fait auparavant, et ta piété sera heureusement couronnée par ma bienveillance. »Georges ne fut pas plus ébranlé par les menaces que par les promesses, d’un ton ferme il répondit à Dioclétien : « Plaise au ciel que par mes paroles, vous reconnaissiez, Ô mon Prince, votre erreur, et reveniez au vrai Dieu ; que vous lui offriez à l'avenir des sacrifices de louanges, lui qui en retour, vous donnera un royaume éternel. Ce royaume ne sera point fragile et périssable comme l’est celui dont vous jouissez à présent ; là vous régnerez dans une douce joie, dans une suave paix : les empires les plus florissants de ce monde ne sont qu’une ombre bien pâle de celui-là. Oh ! si vous vouliez, prince, goûter combien Dieu, notre Dieu est bon envers ceux qui l’aiment ; mais pour cela il vous faut pratiquer sa religion sainte et abandonner le culte des idoles. Pour moi, depuis que j'ai eu le bien de goûter la douceur de cette religion divine, j'ai renoncé à tous mes avantages temporels, afin de m’attacher plus étroitement au Seigneur, par le lien d'un perpétuel amour, d’une vive reconnaissance. Prince, soyez aussi sage que jusqu'ici vous avez été clément. Ne persécutez plus Jésus-Christ dans ses membres, n’exposez pas à l’éternelle damnation des âmes pour lesquelles ce divin Rédempteur a versé à flots un sang si précieux, en voulant les forcer d’abjurer une religion qui est la seule vraie, un culte qui est le seul légitime. Je vois que vous prétendez me gagner par vos caresses et par vos promesses flatteuses, ou que vous voulez m'intimider par vos menaces sévères et par les regards foudroyants que vous lancez sur moi. Mais sachez-le, prince, je ne crains pas plus vos menaces que je n'ambitionne vos faveurs. Ma seule ambition est celle de servir mon Dieu, de lui donner des preuves de ma fidélité, mon unique crainte est de lui tourner le dos, et de transgresser ses préceptes comme vous le faites, si j'adhérais enfin à vos propositions. J'espère cependant que la grâce de Jésus-Christ me fera triompher. Exercez donc sur moi, si vous le voulez, votre colère ; que viennent les tourments, les roues, les fouets, les ongles de fer, le cachot, l'épée ou le feu, enfin tout ce que vous pourrez inventer de supplices, je suis préparé à les souffrir pour Jésus-Christ mon Maître ; car, et j'aime à vous le répéter, pour Lui non seulement je ne redoute pas, mais plutôt j'ambitionne de mourir. » L'empereur furieux, excité d’ailleurs à se venger du Saint par le président Dacien, le lui remit entre les mains afin qu’il prononçât contre lui une sentence et veillât à son exécution, en punition de la résistance qu'il lui avait témoignée. Le cruel Dacien s’empressa d'exécuter cet ordre, il condamna saint Georges à être fouetté, chargé de chaînes, puis jeté dans une noire prison. Ensuite, il Le livra aux satellites. Ces monstres inhumains se jetèrent sur le Saint comme le tigre qui fond sur sa proie, et, les mains armées de lanières plombées, de nerfs de bœuf, ils le fouettèrent avec tant de rage que tandis que les coups sifflaient, ses vêtements comme sa chair volaient en l’air par mille lambeaux, le sang ruisselait de son corps le long des membres et trempait la terre. Le martyr avait les os brisés sous cette grêle de coups, ce qui ne l’empêchait point de bénir le Dieu sauveur qui lui donnait la force de participer aux tourments horribles qu'il avait soufferts dans sa passion. Il disait donc à Jésus-Christ ces touchantes paroles : « Seigneur Jésus, qui, avant moi, avez servi de jouet à un peuple ivre d'exercer sur vous ses cruautés ; vous qui pour moi avez eues les chairs sacrées déchirées par les fouets des bourreaux, donnez moi de souffrir avec patience jusqu'à la fin, d'unir mes tourments aux vôtres, afin que par là, je devienne agréable à vos yeux divins. »