Encore la prison, nouveaux interrogatoires, résurrection d'un mort

CHAPITRE X.
ENCORE LA PRISON, NOUVEAUX INTERROGATOIRES, RÉSURRECTION D'UN MORT, CONVERSIONS, LE SAINT VIS-A-VIS L'EMPEREUR, IL EST MIS DE NOUVEAU EN PRISON.
Le proconsul ayant appris la guérison miraculeuse de saint Georges en fit le rapport à Dioclétien ; celui-ci lui donna ordre de faire promptement jeter le Saint au cachot dans la crainte que les païens vinssent le visiter et ne fussent convertis à la vue d’une merveille si extraordinaire. L'ordre fut vite exécuté. Les satellites chargèrent le Saint une fois encore de lourdes chaînes et le menèrent en cet état dans la prison. Chemin faisant Georges chanta des Psaumes, se réjouissant des opprobres qu'il endurait pour le nom du Seigneur. Enfin étant entré au cachot il se mit à genoux pour rendre grâces à Dieu, puis il exhorta à la vertu ceux qui y étaient détenus avec lui pour la confession de la foi. Des païens qui s'y trouvaient pour crimes, touchés de ses pathétiques discours, demandèrent ce qu’il fallait faire pour être sauvé, à quoi Georges leur répondit : qu'il fallait croire en Dieu et recevoir le saint baptême, au moins en désir, puis prouver sa foi par ses œuvres, en vivant selon les règles de l'Évangile du Christ. Ainsi se passa la nuit. Le jour suivant, Georges fut mandé à paraître devant le tribunal. L'empereur voulut encore essayer lui-même de vaincre sa résistance. Il lui dit donc : « Georges, combien grande est ta présomption et ton imprudence de n’avoir point su redouter ces tourments que l’on vient de te faire subir. Veux-tu bien te rétracter, tandis qu'il est temps encore ? Écoute mon conseil : immole aux dieux. » Ausculta igitur mihi, et diis immola. Mais Georges répondit énergiquement à cette proposition, de manière que ceux qui siégeaient près de l’empereur purent l’entendre. « Non, je ne sacrifierai point à vos dieux, car je ne reconnais pour Dieu que le Créateur du ciel et de la terre, qui seul est le Dieu vivant et véritable que j'adore. Fortifié par son tout puissant secours, je suis disposé, sachez le, ô Prince ! je suis disposé à soutenir la rigueur des tourments que vous pourriez me faire subir. Exercez, si vous le voulez, sur moi votre rage, ordonnez les supplices, je les endurerai volontiers dans l’espoir d'être agréable à Jésus-Christ que j'aime, qui lui même m'a aimé le premier et s’est livré pour moi à la mort ignominieuse de la croix. Quant à ces idoles que vous vénérez, elles n’ont ni mouvement, ni vie, et elles sont par là même indignes des hommages que vous leur rendez, elles ne sauraient vous préserver des feux éternels auxquels seront condamnés tous ceux qui comme vous les honorent et mettent en elles leur espérance. » Dioclétien, outragé d’une telle réponse, ordonna que l’on frappât de nouveau le Martyr à grands coups de nerfs. Tandis que ce traitement s’exécutait, l’empereur Maximien qui aussi était présent, dit à Georges : « Jusques à quand, misérable, refuseras-tu de te rendre à nos avis ? Tu n'as qu'à sacrifier aux dieux, et à coup sûr nous te comblerons d’honneurs. « Pour moi, répondit Georges, je vis pour Dieu, lui offrant chaque jour des sacrifices de louanges, lui, mon Dieu, qui me délivrera de vos mains, me donnera les célestes honneurs et la gloire ineffable d’une bienheureuse éternité. Hé ! que ne renoncez vous à vos dieux pour adorer avec moi le seul vrai Dieu ?» Maximien reprenant la parole dit encore à Georges : « Si tu veux que nous croyons en ton Dieu, montre-nous quelques signes extraordinaires de la vérité de ta Foi ; par exemple ressuscite ce mort dont les restesreposent sous cette dalle que voici devant nous. » Volontiers, répondit saint Georges, il est aisé de vous prouver que le même Dieu qui a fait toutes choses de rien, peut tout aussi bien faire revivre des hommes qui sont morts depuis un long temps. Quand à vous, tant que le diable vous retiendra dans les filets de l'erreur, je ne sache pas que vous soyez disposé à croire au Dieu vivant. Vous en avez pourtant de puissants motifs qui se présentent de tous les côtés à vos regards. Ce Dieu est tellement bon qu'à l'heure même ou je l'invoquerai, il fera le prodige que vous venez me demander. Invoco et orabo ut signum hoc ostendat.Le Saint s'étant mis à genoux, éleva les yeux et les mains vers le ciel et dit : « Dieu éternel et Tout Puissant, qui voulez le salut de tous les hommes ; qui par votre Fils avez donné aux saints Apôtres et à ses disciples le pouvoir de faire des miracles et d'opérer des prodiges, exaucez maintenant la prière de Georges, votre petit serviteur, et ressuscitez le mort qui repose sous cette pierre, selon que Maximien me l’a demandé, afin que tous ceux qui en seront les témoins se convertissent à vous, confessent la grandeur de votre saint nom et celui de votre Fils Jésus-Christ. » A l’instant même un tremblement de terre eut lieu, la pierre sépulcrale se brisa, le mort qui reposait dessous apparût plein de vie aux regards étonnés des nombreux assistants. S’étant levé ferme, bien ferme sur ses pieds, il vint se prosterner devant saint Georges, et le pria ainsi : » Serviteur du Dieu Très-Haut, seriez vous assez bon pour me donner de la part de Jésus-Christ une marque de salut, qui garantit mon élection pour le ciel ?» Saint Georges lui répondit: « Mon fils, si vous croyez en Dieu qui de mort que vous étiez vient de vous rendre à la vie, vous serez sauvé. » — « Je crois au Dieu vivant, repartit celui-ci. Je crois aussi en Jésus-Christ son fils unique qui tout à l'heure m’a ressuscité d’entre les morts. »
Les assistants qui, presque tous, étaient idolâtres, à la vue d’une telle merveille, s'écrièrent : « Véritablement le Dieu des chrétiens vient de signaler sa puissance ! » et ils se convertirent au christianisme. D'autres, qui persistèrent dans leurs erreurs, attribuèrent la résurrection de ce mort à la magie, accusant même saint Georges de complicité avec les démons. De ce nombre fut Maximien, qui, pour se jouer du Saint, interrogea le mort ressuscité en ces termes : « Dis-moi, y avait-il longtemps que tu reposais ici ? » Le ressuscité répondit : « Je suis ici bien avant que Jésus-Christ vint sur la terre. Je me trouvais engagé aussi dans l'erreur de l’idolâtrie, lorsque la mort termina ma vie temporelle. Et Dieu, dans sa miséricorde, a permis que je fusse enterré en ce lieu, que mon âme y séjournât jusqu’à ce jour, où mes sens viennent de revivre. » Ce témoignage, sorti de la bouche même du ressuscité, ne contribua pas peu à affermir davantage, dans la foi en Jésus- Christ, les nouveaux convertis, et, à l'encontre, à faire entrer Maximien en fureur contre saint Georges. Il alla bien vite parler de ce qui venait de se passer à Dioclétien, qui sentit sa colère s’enflammer plus vive que jamais. « Ne pourrons-nous donc, à la fin, dit Dioclétien, nous défaire de cet imposteur, qui se moque de nos dieux et qui séduit ceux qui les honorent et les servent. Et, ayant fait venir le Saint : « Georges, lui dit l'Empereur, par quel esprit d’erreur fais-tu ces prodiges ? » Comment, répondit Georges, vous appelez esprit d'erreur l'Esprit saint, qui est l'Esprit du Dieu vivant qui parle par ma bouche ? Quel horrible blasphème ! Pourtant vous devriez savoir, ô prince, que ni les démons, ni aucune puissance autre que celle de Jésus-Christ, que vous-même avez autrefois adoré et servi, ne pourrait opérer cette merveille qui vous étonne ! Et comment, encore une fois, pouvez-vous penser que ce prodige et bien d’autres qui sont parvenus à votre connaissance, je les ai obtenus des démons, qui ne sauraient m’entendre si je les priais, qui n’ont aucun pouvoir d'eux-mêmes. L'Empereur, vaincu par la sage réponse de Georges, le fit mettre en prison, en attendant qu’il prit les avis de Maximien, pour ce qu’il y aurait à ordonner contre lui, puis il se renferma dans son palais, délibéra avec son collègue sur ce qu'il serait le plus expédient de faire à l’égard de Georges.