Drame à Deyvillers - 2 juillet 1895

Un drame a Deyvillers. — Un crime a été commis vendredi soir a Deyvillers. La victime est un nommé Pierre Robert, âgé de 55 ans, domestique au service de Mme veuve Guerre, âgée de 36 ans, cultivatrice. Le meurtrier est un manœuvre d’Aydoilles : Charles Fays dit Macou, âgé de 38 ans.Vers 4 heures du soir, comme la veuve Guerre rentrait avec son domestique, elle trouva Fays chez elle, près de la porte de la cuisine ; il était en état d’ivresse. C’était, parait-il, un habitué de la maison. Aucune parole ne fut alors échangée. La veuve Guerre et son domestique repartirent peu après dans la campagne.A leur second retour, vers 6 heures, Fays était toujours à la même place. Pierre Robert, suivant la déclaration de sa patronne, lui aurait dit : « Tu me menaces d’un casse-tête ; mais moi je n’en ai pas besoin. » Comme preuve immédiate, il lui porta plusieurs coups de poing sur la figure. — Question de femme, de jalousie, dit-on. D après la même déclaration, Fays se leva sans rien dire, sortit et revint au bout de cinq minutes, avec un gros bâton. Mais comme Robert le menaçait de nouveau, il se sauva, abandonnant son arme. Son adversaire le poursuivit jusque dans le cimetière et lui porta plusieurs coups.Cependant Fays revint encore, jeta une grosse pierre dans la porte de la cuisine, se retira une troisième fois pour reparaître enfin, vers 7 heures, avec un revolver. « Si tu veux, me voici », dit-il à Robert. Comme celui-ci s’avançait, Fays tira un premier coup, sans l’atteindre, puis quatre nouveaux coups, à bout portant. Le domestique, blessé, put regagner sa place, mais il dut bientôt s’aliter en disant : «J’ai reçu le coup de la mort.»Son meurtrier se présenta encore vers 11 heures du soir. Il prit une échelle, passa par la fenêtre du grenier et arriva près de sa victime.A titre de consolation, il lui dit : « Tu n’en as pas encore assez. » I1 se coucha ensuite sur le plancher et ne partit qu’à 6 heures du matin. A 10 heures, Robert succombait à ses blessures. Samedi, le parquet d’Epinal s’est rendu à Deyvillers, accompagné de M. le docteur Couturier, médecin légiste, qui a procédé à l'autopsie du cadavre. Il a déclaré que la mort de Robert était le résultat d’une hémorragie interne occasionnée par deux balles reçues : la première à la face intérieure de l’épaule droite, la deuxième dans le flanc droit, à dix-sept centimètres au-dessous du mamelon. Pendant ce temps, la gendarmerie se mettait à la poursuite du meurtrier, qui s’était d’abord rendu à Aydoilles, puis s’était dirigé vers la forêt des Adelphes, en disant qu’il allait se pendre. Le bois a été fouillé sans résultat. Fays ne s’était pas en effet suicidé. Dimanche matin, on le signalait au faubourg d’Ambrail. Mais il avait l’œil au guet. Apercevait-il de loin les aiguillettes d’un gendarme, il prenait à nouveau la fuite et parvenait à se dissimuler. Cependant, vers 11 heures, il fut arrêté au débit Coquillon, à la Gosse, par un agent de police en bourgeois.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges le 2 juillet 1895