Retour du Dahomey - 28 novembre 1893

LA PLUME AU VENT
Un Vosgien retour du Dahomey.Nous avons rencontré ce matin un soldat du 3° bataillon d’infanterie légère d'Afrique, très bronzé et décoré de la médaille du Dahomey. «La colonne dont je faisais partie, nous dit-il, comptait 750 hommes; il n’en est revenu que 235. Pour ma part, j'ai été vingt-une fois au feu et je m'en suis tiré sans la moindre blessure. C’est beaucoup moins, d’ailleurs, les balles ennemies qui nous déciment que les fièvres et la dysenterie.» Les Dahoméens et les amazones sont bien armés de fusils à tir rapide; mais ils ne savent pas viser. Ils n’épaulent pas leur arme et se contentent d'appuyer la crosse sur leur cuisse. Nous entendions les balles siffler à un mètre au-dessus de nos têtes.» La lutte ne devient guère dangereuse que dans la brousse. Les guerriers de Behanzin savent admirablement s’y dissimuler et tuent nos soldats à bout portant.» C’est ainsi qu'un capitaine a été foudroyé en avant de sa compagnie. Un seul coup de feu lui avait logé dans le corps neuf projectiles. »Et comme nous manifestons ainsi notre étonnement : « — Le moricaud portait donc une machine infernale ? »« — Que non pas, répond notre interlocuteur. Il était simplement armé d’un long fusil avec un canon qui n’en finit plus et il l'avait bourré d’une dizaine de chevrotines. Ceux des Dahoméens qui n’ont pas une arme perfectionnée brandissent de vieux fusils à pierre qu'ils chargent jusqu’à la gueule. Pour eux, beaucoup de bruit signifie encore beaucoup de besogne. »Sur ces mots, notre militaire nous quitte ; il a hâte d’aller embrasser sa mère, Mme Benoît, qui l'attend à Aydoilles, où il est né, et où il va passer un congé de convalescence de deux mois.Jean Pinau.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges