Satrapes locaux

Aydoilles. — Les satrapes locaux, — M. L. Colin, habitant Aydoilles, est un abonné au Mémorial. Il cultive une ferme située à 800 mètres de la féculerie et de la scierie Rémy. L’important fonctionnaire qui a accepté la mission de distribuer les lettres, les imprimés et les journaux dans la commune, autrement dit M. le facteur, a estimé que porter le Mémorial tous les jours à M. Colin était incompatible avec sa dignité. Il a proposé à M. Colin de remettre le journal tous les jours à ses fils qui fréquentent l’école du bourg. M. Colin, qui n’aurait ainsi reçu le Mémorial que le soir au lieu du matin, refusa. Que fit M. le facteur ? Il se plaignit. A qui ? Nous l’ignorons. Tant est-il cependant que le Conseil municipal se réunit et prit une délibération en vertu de laquelle : « Considérant que la situation de M. Colin, Louis, s'est améliorée sensiblement, le Conseil municipal et la Commission administrative du bureau de bienfaisance proposent de supprimer la pension mensuelle de 10 francs accordée à sa belle-mère Julie Lesergent. » Cette proposition fut votée par sept conseillers municipaux dont les noms sont couchés sur les registres. Un conseiller, indigné, quitta la salle en guise de protestation. Il est inutile de souligner les mobiles des conseillers blocards. Du moment que M. Colin s’était abonné au Mémorial, sa belle-mère n’avait pas besoin de secours. Or, celle-ci a 79 ans ; M. Colin, son gendre, a 7 enfants vivants. Il cultive la plus petite ferme d’Aydoilles. Désireux de se tenir au courant des nouvelles, il économise chaque jour sur son pain un sou pour acheter un journal. Mais ce journal n’a pas le don de plaire à la préfecture, et pour cause ; on l’a fait bien voir à M. Colin. Et pour que nul n’en ignore,un conseiller s’est écrié : « Ah ! s’il s’était abonné au journal blocard d’Epinal, ce serait différent. » De plus, et pour bien marquer le caractère de cet acte odieux d’arbitraire et de sectarisme, le Conseil a alloué, sur les 120 francs supprimés à la belle-mère de M. Colin, une somme de 60 francs au facteur qui, malgré tout, est obligé de porter le Mémorial à M. Colin.Ces faits se passent de commentaires. Mais ils ne resteront pas sans sanction et nous ferons voir aux satrapes d’Aydoilles qu'il y a encore une justice sous la IIIe République.Nous verrons si, à la complicité de la préfecture, s’ajoutera la complicité du Conseil d’Etat.Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges