Féculeries - 6 septembre 1860

COURRIER DES VOSGES, DU 6 SEPTEMBRE 1860. Féculeries.Le Conseil d hygiène et de salubrité publique, a été saisi d’une question qui intéresse au plus haut point l’avenir et la richesse du pays. C’est la question de la nocuité ou de l'innocuité des établissements où l'on fabrique la fécule de pomme de terre. Etablies autrefois sans autorisation et sans que personne ait élevé de réclamation, les féculeries sont maintenant l’objet d'attaques nombreuses et variées. Le Conseil a été chargé d'étudier cette question toute neuve encore, d’apprécier le dire des usiniers et celui des opposants, de faire droit aux justes réclamations des riverains, de sauvegarder en un mot les intérêts de tous. Il n’y avait pas jusqu’ici d'antécédents capables de permettre au Conseil de se prononcer immédiatement sur des faits qui n'ont jamais été soumis à l’étude, aussi a-t-il cru devoir nommer une commission composée de trois membres, chargés de visiter les usines nombreuses situées dans le rayon d’Epinal, de suivre la fabrication dans toutes ses phases, de conclure sur tous les points en traitant la question sous toutes ses-faces, et en appuyant ses conclusions sur des faits. C’est ce travail que nous allons publier, en laissant au Conseil toute la responsabilité des appréciations qu’il renferme. Léon Venzac.
Voyons d’abord, a dit l'honorable rapporteur, comment ou fabrique la fécule. La pomme de terre est jetée dans un appareil à lavage ; de là elle descend ou est portée dans un réservoir au-dessus duquel se trouve établie une râpe puissante, elle passe alors à l'état de pulpe ou de bouillie très fine, qui tombe sur un tamis agité d'un mouvement seccadé et arrosé d’une nombreuse quantité de petits filets d’eau. Là, une première opération se fait, la pulpe féculante la plus grossière arrive à l'extrémité du tamis, et tombe dans un réservoir où elle est reprise pour être employée à divers usages que nous étudierons plus tard ; la pulpe la plus tenue au contraire, entraînée par l’eau de lavage et de déplacement, descend sur de longues tables à peine inclinées où elle se dépose, sous forme de sédiment ou de précipité : c’est la fécule. L'opération est ainsi conduite pendant un, deux ou trois jours consécutifs, selon la valeur du cours d’eau et la puissance des machines. Quand ces longues tables sont suffisamment chargées, elles sont débarrassées de la fécule que l'on jette alors dans de larges cuves, où on l’agite en la mêlant à une grande quantité d’eau limpide. Au bout de quelques heures, la fécule s'est précipitée et l’eau de lavage, d’une couleur rouge briquetée, surnage ; cette eau est enlevée à l’aide d’un siphon, et la méme opération est répétée plusieurs fois, jusqu'à ce que le produit manufacturé ait atteint la pureté désirable. A ce moment, la fécule est reprise une seconde fois à la pelle, sous forme de grosses mottes, et portée sur des claies au séchoir, à l’air libre, où commence sa dessiccation. La première évaporation faite, la fécule se fendille ou est brisée, et on la porte en cet état, soit à l'étuve, soit au séchoir à air chaud. Au bout de vingt à quarante heures, la fécule réduite à l’état de grumeau, est parfaitement sèche et blanche, et livrée ainsi au commerce. On comprend que si les choses se passaient toujours de cette manière, l’industrie de la féculerie ne soulèverait aucune réclamation, tout au plus pourrait-on se préoccuper des conditions hygiéniques dans lesquelles sc trouve l’ouvrier, obligé de passer la moitié de sa journée au séchoir, dans une température constamment voisine de 60 degrés centigrades. Disons tout de suite que cet état, qui parait anormal, n’a jamais cependant été cause, jusqu’à présent, d’accidents quelconques chez ces ouvriers. Mais les eaux sédimentaires qui sortent des féculeries et qui vont se déposer au loin dans les prés, les canaux et les étangs, les détritus pulpeux, accumulés aux abords de l’usine et abandonnés à l’air libre pendant plusieurs mois, ont fourni matière à des accusations graves, dont il importe de vérifier la valeur. Afin de n'avoir plus à revenir sur cette question, notre commission, pénétrée du sentiment de responsabilité qui lui incombait, a voulu faire toutes les études possibles, signaler le danger et indiquer les moyens d’y parer. En conséquence, elle s’est posé différentes questions,et a été en chercher la solution dans les nombreuses usines établies près d’Epinal, dans un rayon de 15 à 20 kilomètres. 1re Question. — Les féculeries présentent-elles des dangers pour les ouvriers employés dans l’usine ? Notre position de médecin nous a mis à même de donner, à cet égard, les renseignements les plus positifs ; nous déclarons donc qu’aucun ouvrier des nombreuses féculeries que nous avons visitées, n’a été atteint de maladies, communes ou spéciales, et que les allégations faites à ce sujet sont sans aucune espèce de fondement. Un seul féculier nous a dit que l'ouvrier qui, dans son usine, surveillait le travail de la râpe, était pris tous les ans, au début de la campagne, d'un sentiment de malaise qui persistait ordinairement pendant tout le temps de la première semaine, sans qu'il fût néanmoins obligé d’interrompre son travail. Nous avons interrogé partout les contre-maîtres, les ouvriers et les manœuvres, en ayant l’air d'être poussé seulement par un simple sentiment de curiosité, et partout la réponse a été la même. Il nous a paru même que le travail varié et jusxqu’à un certain point intelligent, demandé aux féculiers, les mettaient dans des conditions de santé bien supérieures à celles de la plupart des autres industries. Votre commission, Messieurs, a cru devoir commencer son travail, par ce point essentiel, bien que personne n'y ait jamais songé. 2ème Question. — L’eau qui s’échappe d’une féculerie, qui a servi au lavage et à tous les besoins de la fabrication, peut-elle, en laissant déposer, au bout de quelques jours ou de quelques mois, soit aux abords de l’usine, soit au loin dans les canaux, les matières qu’elle tient eu suspension, produire, en se décomposant, des miasmes dangereux pour les habitants des maisons voisines ? Sur cent personnes auxquelles cette question serait posée, pas une peut-être n’oserait répondre par la négation. Mais nous avons pensé qu’il faut se défier des phrases toutes faites et des idées reçues sans examen ; dans cette question importante, au premier chef, l’opinion des savants devait être prise eu haute considération, c’est vrai ; mais elle devait céder le pas à l'observation directe. Nous avons donc étudie l'état sanitaire des usines dont voici les noms :Uzemain, Uriménil, Hozel, Dinozé, le Char-d'Argent, Chantereine, Olima, Thaon.Nous avons étudié également l’état sanitaire des vallées voisines, l'état sanitaire des habitations situées en amont et en aval, et nous sommes arrivés à ce résultat : c'est que les féculeries n’exercent aucune influence fâcheuse sur la santé des voisins. Certaines fabrications produisent des maladies spéciales parfaitement connues : le tremblement hydrargirique, chez les doreurs et tous les ouvriers qui manient le mercure ; la colique de plomb chez les peintres et vernisseurs ; le psoriasis ou gale des boulangers, chez les hommes qui manient les farines avariées, etc., etc. ; d'autres professions exaspèrent les maladies habituelles à un pays. Voyons donc si les féculeries ont donné naissance à une maladie spéciale nouvelle, ou si elles ont aggravé les maladies endémiques au pays. Nous n’avons point connaissance d’affections nouvelles, spéciales aux féculiers ou aux voisins des féculeries, et nous n'avons pas vu, dans les courses fréquentes que nous avons faites comme médecin dans les environs, que les fièvres paludéennes ou des affections que l’on rapporte généralement au voisinage des mares croupissantes, fussent plus nombreuses ou plus graves dans les localités où l’on fabrique la fécule que dans les pays où cette fabrication est inconnue. Nous n'aurions hasardé qu’avec défiance ces idées, qui vont à l'encontre des idées reçues, si nous n’avions eu, pour appuyer notre manière de voir, l'opinion d'un homme qui fait loi en pareille matière, M. Parent-Duchâtelet, opinion parfaitement identique à la nôtre et acceptée, dès 1832, par le tribunal de première instance du département de la Seine. Ajoutons que M. Orfila était alors le collaborateur de M. Parent-Duchâtelet. 3ème Question. — L’eau qui s’échappe d’une féculerie peut-elle servir à abreuver les animaux domestiques , ou présente-t-elle des dangers pour leur santé ?Tous les animaux domestiques boivent de prêférence les eaux chargées de principes étrangers aux eaux les plus limpides et les plus pures. Non seulement on a fait boire aux animaux les eaux qui ont servi au lavage de la fécule, mais on les a encore nourris avec les pulpes fraîches et les pulpes fermentées, résidus de la fabrication ; et l’on a pu ainsi, à l’aide de précautions, fort simples, obtenir une alimentation riche et rapide, et fournir à la boucherie des produits d’excellente qualité. Si nous avons traité cette question, c'est parce que nous l'avons trouvée soulevée par quelques riverains, jaloux et maladroits, et non parce que nous croyons la réclamation sérieuse. 4ème Question. — L’eau qui sort d'une féculerie peut-elle nuire aux poissons et aux autres habitants des étangs et des canaux, soit comme multiplication, soit comme accroissement ? Les expériences et les observations de Parent-Duchâtelet ne laissent aucun doute sur innocuité des eaux chargées de principes féculant, pour les habitants des étangs et des canaux. A l'appui de l’opinion scientifique, Parent-Duchâtelet apporte l’opinion de plusieurs marchands de poissons en gros, qui s’accordent à reconnaître que les eaux en question ne nuisent ni à l'accroissement, ni à la multiplication du poisson.Néanmoins, nous estimons que le Conseil ne peut encore se prononcer sur ce point.On a dit que certaines espèces, notamment la truite, s’accommodent mal de la présence de la fécule dans les eaux qu’elles habitent. Nous avons vu pourtant des réservoirs, situés près des amas de pulpes et recevant toutes les filtrations de masses considérables, contenir des truites qui se portaient parfaitement bien. De plus, nous savons de source certaine, que certains étangs, que l'on prétend dépeuplés, sont au contraire exceptionnellement riches ; mais nous croyons qu’il faut en appeler à l’expérience, avant de se prononcer sur ce point. Tout le monde sait que la richesse des ruisseaux, des rivières et des étangs est très variable. Il serait donc injuste et maladroit d'attribuer à la fécule une puissance de production ou de létalité quelconques. 5ème Question. — L’eau des féculeries est-elle utile ou nuisible aux terrains situés eu aval, notamment aux prairies qu'elle arrose ? Tout le monde s'accorde à reconnaître que les eaux féculantes transforment rapidement les terrains sans valeur en prairies productives ; c'est au point que certaines propriétés ont doublé et triplé de valeur, quand elles ont pu être arrosées pendant deux ou trois ans par les eaux fécondantes d’une féculerie. Mais ici la question est très complexe ; sur les terres sans valeur, les eaux très chargées de principe féculant exercent une action fertilisante énorme ; sur les terrains d'une valeur productive moyenne, les eaux féculantes ont des actions diverses. Il parait démontré que le premier effet est de détruire les joncs abondants des terres marécageuses ; mais, en même temps, elle donnerait à la végétation une impulsion tellement puissante, qu’elles transformeraient les herbes fines en fourrages mous et dépourvus de leur saveur habituelle.On a dit aussi que les eaux des féculeries, excellentes pour transformer un mauvais pré en pré de première qualité, seraient nuisibles au bout de plusieurs années, et qu’alors, pour nous servir de l'expression habituelle, elles pourrissaient le terrain. Nous avons dû, à cause de notre incompétence en pareille matière, recourir aux lumières des hommes pratiques, nous avons donc à plusieurs reprises parcouru les prairies désignées, nous avons fait faucher, dans beaucoup d'endroits, une certaine quantité de foin ; nous avons examiné avec attention, questionné minutieusement les personnes qui nous aidaient de leur expérience, examiné l'herbe et le terrain qui l'a rait produite et livré ces différentes coupes aux bœufs dont c'est l’alimentation habituelle. Eh bien, les animaux domestiques mangent ce fourrage avec avidité ; nous avons constaté qu'ils sont forts et gras ; qu’ils ont l'œil brillant, et le poil lustré, qu’ils présentent en un mot toutes les apparences d’une santé parfaite. Le sol sur lequel ces coupes ont été faites n'est point pourri comme on l’assurait, ce qui devait être admis avant tout examen, puisqu'on ne peut comprendre une végétation luxuriante, sur des racines à l’état de décomposition. Tout à côté de ces premières coupes, sur des terrains qui n’étaient pas arrosés par les eaux de la féculerie, nous avons pu constater que la végétation est plus rare, plus rustique, et que les joncs se mêlent aux graminées en proportion beaucoup plus forte. Aussi il nous a paru que la végétation produite par les arrosages féculants est d’une nature différente que celle due aux eaux pures. Elle est plus touffue, plus grande, plus riche, plus abondante et demande un soin de récolte différent. Enfin, nous croyons avoir trouvé le moyen de couper court à ces plaintes injustes ou fondées à l’aide du procédé que nous indiquerons plus tard. 6° Question. — L’eau des féculeries charrie-t-elle des détritus capables d’envaser les canaux, retenues «d’eau et étangs situés en aval ? Le fait parait incontestable, mais il ne faut l’accepter que sous toutes réserves. Si les féculeries jetaient dans leurs canaux, comme cela se faisait autrefois, tous les débris de la première fabrication, il est certain que dans un temps très court toutes les retenues d’eau seraient envasées, et que ce fait nécessiterait des travaux de curage très dispendieux. Les choses ne se passent plus aujour d’hui comme autrefois ; le féculier qui ne pratiquerait que la première opération ne pourrait soutenir, pendant deux ans, la concurrence que lui font ses confrères. Aujourd'hui les eaux de lavage n’entrainent plus que fort peu de débris végétaux, et l’on peut prévoir, dans un très prochain avenir, le moment où les eaux des féculeries sortiront pour ainsi dire filtrées de l’usine. On pourrait donc abandonner la solution de ce problème à l'intérêt du fabricant ; mais comme cette question a trait directement au moyen que nous voulons proposer pour éteindre toutes les discussions élevées aujourd'hui, nous nous réservons de la traiter dans le paragraphe suivant, qui sera le dernier. 7ème Question. — Les débris de la première fabrication déposés pendant l'hiver aux abords de l’usine et soumis au printemps à une seconde manipulation, subissent-ils une décomposition capable de produire des miasmes dangereux pour la santé publique ? Ce point capital demande un second exposé analogue à celui que nous avons fait quand il a été question de la fabrication de la fécule première. Nous avons dit que la portion de la pulpe de pomme de terre qui sortait après le premier tamisage était déposée aux environs de l’usine. Ces débris, qui s’accumulent pendant toute la campagne d’hiver, finissent par constituer une masse considérable abandonnée à l’air libre. Aux premières approches du printemps, cette masse, qui est quelquefois énorme, entre en fermentation. Le fait dominant est la fermentation acide, qui produit une odeur fade, aigrelette, tout à fait caractéristique ; en général, par un temps calme, quelle que soit l’élévation de la température, cette odeur, que les ouvriers ne sentent plus, ne s’étend que dans un rayon très restreint ; que par les vents de l’ouest et du sud, elle peut aller jusqu’à cent mètres environ: qu’elle est désagréable, mais, c'est tout. Elle constitue donc pour les voisins une incommodité, mais non un danger. Nous nous sommes assurés que le phénomène frappant pour les sens, c’est-à-dire la mauvaise odeur dégagée par la fermentation, se passe entièrement à la partie supérieure de la masse humide. Quand du mois de mars au mois de juin, époque où la fabrication est entièrement terminée, on s'approche de cette masse de débris, on remarque que la croûte superficielle, desséchée dans une épaisseur très minime, n'a plus d'autre odeur que celle du son, que la masse inférieure, la masse humide, a une odeur analogue, mais que la portion intermédiaire, c’est-à-dire celle qui est en train d'abandonner ses éléments aqueux est celle qui répand celle odeur désagréable dont nous avons parlé. On a cherché à utiliser avantageusement ces produits embarrassants, et pour ce faire on a employé différents moyens. Le premier consiste à enfermer une notable quantité de pulpes dans un sac de grosse toile et à la soumettre lentement à l’action d’une presse puissante : l’eau s’échappe alors par les mailles du tissu : la pulpe est réduite à l'état de galette que les animaux domestiques mangent avec avidité.Le deuxième consiste à pressurer plus énergiquement encore la pulpe, à la condenser dans un moule, et à la faire sécher au soleil pour être utilisée plus tard comme moyen de chauffage. Le troisième consiste à faire alterner la pulpe avec le fumier par couches successives afin de l’utiliser comme engrais.Enfin, on a trouvé le moyen de retirer de ces débris, par la méthode combinée de la presse et de l’évaporation au séchoir, différents produits féculants et une matière analogue au son, laquelle ne contient plus de fécule. Il reste à traiter une dernière question qui se rattache aux questions précédentes et à laquelle on a donné une grande importance. On assure que les débris sortant des féculeries et déposés dans les étangs et les canaux produisent une sorte de végétation dont l’aspect est repoussant et la présence dangereuse. Nous avons vu effectivement de ces végétations d’un gris jaunâtre accrochées aux herbes aquatiques et dont la longueur peut atteindre 10 ou 20 cent. Nous ne sommes pas édifiés sur la nature de ces espèces de moisissures, dont les analogues se retrouvent sur toutes les matières animales ou végétales déposées sous l’eau à l’état cadavérique ; mais pour établir qu’elles sont dangereuses pour l'homme ou pour les animaux, il faut qu’un fait vienne révéler leur valeur. En résumé, d'après les faits acquis et jusqu'à preuve contraire, nous pensons que les féculeries peuvent être des établissements incommodes dans un certain rayon ; mais qu’ils ne sont point dangereux. Nous pensons que l’incommodité dont la féculerie est la source, est en raison directe de l’incurie du fabricant. Nous pensons que les progrès de l’industrie par leur marche seule ne tarderont pas à faire disparaître les inconvénients attachés encore à cette fabrication. Enfin, nous pensons qu'en présence des immenses avantages que cette industrie procure au pays, elle a droit à la protection des esprits éclairés. Maintenant quels moyens employer pour amoindrir le mal et couper court à tous les procès ? Il nous parait simple, parce que nous avons vu de nos yeux sa réalisation dans l'usine modèle créée et dirigée par M. Kœchlin, à Thaon. Le moyen consiste à demander aux féculiers l’établissement de plusieurs fosses, profondes, disposées les unes au bout des autres, et capables de contenir tous les résidus de la fabrication que l'on ne pourrait utiliser à l'état frais, soit pour la confection des galettes, soit pour l'alimentation des bestiaux, soit pour la fabrication de l'engrais.Ces débris, emmagasinés dans des fosses de deux mètres de profondeur, revêtues de planches de chêne, sont recouverts d'une légère couche de paille, ce qui suffit pour empêcher la fermentation et le dégagement des gaz. Au printemps, à l’époque de la seconde manipulation, cette pulpe serait retirée des fosses par petites quantités, la fermentation n’aurait plus lieu qu'au moment demandé et sur la plus minime échelle possible, puisque l’on ne retirerait de la fosse que la quantité de pulpe nécessaire au travail du jour. Ce procédé ne détruit pas entièrement la mauvaise odeur, mais il la rend si peu sensible, qu’on peut désormais négliger d'en tenir compte. Une autre large fosse, pareille, mais moins profonde, recueille toutes les eaux qui s’échappent de l'usine ; chaque mois, cette fosse est vidée, la fécule qu’elle contient est lavée et séchée, et l’eau de lavage retourne se dépouiller dans la fosse des éléments féculants qu'elle tient encore en suspension. Ce procédé simple et peu coûteux permet d’utiliser la pomme de terre en entier. Désormais, il n'y a ni perte, ni mauvaise odeur, ni débris envasant les canaux, en sorte que le fabricant ne rendra plus, au riverain situé en aval, que des eaux filtrées ; et, au lieu d’essuyer des récriminations, il verra bientôt ses anciens opposants lui demander, comme faveur spéciale, de laisser s’écouler sur leurs prés un peu de cette eau féculante, qu’il est de mode, aujourd'hui, de trouver dangereuse, et qui est pourtant une source de richesse incontestable. Tel est, Messieurs, le résultat des recherches que nous avons faites, incompatible certainement au point de vue de la curiosité, suffisante pour l’utilité pratique. Nous n’avons point voulu en appeler, sur cette matière, à la chimie, qui est trop souvent un leurre et un danger. Nous avons suivi la marche de Parent-Duchâtelet, qui, dans une circonstance analogue, n'a demandé de lumière qu’à l'observation directe et au bon sens. Le rapporteur, Dr Boyé. Le Conseil d’hygiène et de salubrité publique a adopté ces conclusions à l’unanimité.
Article publié dans le journal Le Courrier des Vosges