Revue agricole - 22 décembre 1891

Revue agricoleM. Rivat, du Boulay.Extrait du rapport de M. Krantz :M. Rivat s’est conformé aux indications essentielles données par M. Aimé Gérard : labours profonds (25 à 30 centimètres), plantation régulièrement espacée à raison de 333 troches ou poquets à l’are. Il a employé à deux reprises le sulfatage le 1er et le 30 juillet, la seconde fois en remplaçant dans la composition de la bouillie la chaux par des cristaux de soude, de manière à la répandre plus facilement. Le premier arrosage a produit moins d’effet que le second, lequel a donné des résultats remarquables. Les pieds, convenablement traités à la floraison, ont eu peu ou point de tubercules gâtés, et ont rendu de 1/5 à 1/4 en plus. Le seul inconvénient reconnu, c’est le retard apporté à la maturité.Les conclusions qui sautent aux yeux, à l'examen des tableaux de M. Rivat, c’est tout d’abord la supériorité absolue, constante, quelles que soient les variétés ou les circonstances, des rendements obtenus avec des semences rondes au lieu de semences coupées. Cette supériorité varie toutefois, suivant les cas, dans des proportions assez larges : elle est de 20 à 22, de 19 à 23, de 32 à 33 ; elle va même, pour les Richter’s Imperator sulfatées deux fois, du champ n° 8, de 22 à 36. Cette conclusion est confirmée très nettement par les comptes-rendus de MM. Charles Colin, de Saint-Laurent, et Henry, directeur de l’école primaire supérieure de Thaon. Elle résulte également des expériences malheureusement très contrariées que j'ai poursuivies à Dinozé.Dans le champ n° 9 de M. Rivat, où depuis douze ans il n’avait pas été planté de pommes de terre, les rendements paraissent en général supérieurs, toutes choses égales d’ailleurs à ceux des autres champs. Ce résultat est conforme aux observations qu'avait faites M. Figarol, et qu’il serait intéressant de poursuivre en examinant si, comme il était conduit à le penser, un roulement établi entre diverses variétés de pommes de terre peut ou non compenser dans une certaine mesure les inconvénients évidents du retour trop fréquent des pommes de terre dans le même sol.La très grande utilité du sulfatage, lorsqu'il est fait à temps, ressort également et des observations si précises de M. Rivat et de celles de la plupart de nos collègues. Le sulfatage, qui ne représente pas une grosse dépense, a une action manifeste au double point de vue de la protection contre la maladie autant que de l’augmentation du rendement. Les effets sont aussi frappants que ceux du nitrate de soude sur la végétation des céréales, et l’emploi de la bouillie bordelaise serait dès à présent passé dans les mœurs si la pratique de ce procédé vraiment efficace ne se heurtait à deux obstacles : d’abord l'acquisition d’un pulvérisateur, dont la dépense est encore assez forte, ensuite la difficulté de trouver un moment pour cette opération, assez longue et minutieuse, à une époque de l’année où les belles journées, trop rares depuis quelques années, sont nécessaires soit pour la fenai son, soit pour la moisson. Et notez bien ceci, c'est qu'il faut encore, pour que le sulfatage réussisse, que le beau temps soit établi de manière que le lendemain du jour où l’on a fait l'opération, la pluie ne vienne pas enlever au procédé toute son efficacité. En ce qui me concerne, j'ai eu trop souvent la mauvaise chance de sulfater au moment où il allait pleuvoir. Mais je ne me décourage pas pour autant, je consulterai plus soigneusement le baromètre, et j'espère bien, à notre prochaine réunion, pouvoir vous apporter des résultats plus nets que ceux que je pourrais vous soumettre cette année. J'espère que nos collègues feront comme moi et qu'ils ne se laisseront pas arrêter par une première mésaventure. Le nitrate de soude, dont l'effet utile disparaît aussi quand il est trop tôt lavé par la pluie, serait abandonné, si l’on devait s'arrêter à de pareilles difficultés, et vous savez tous quelle consommation on en fait. Dans la seule vallée de Corcieux on a consommé cette année 30000 fr. d’engrais chimiques. M. Léopold Ferry ne me contredira pas, j'en suis sûr, si j’avance que sur ces 30000 fr. il avait au bas mot pour 15000 fr. de nitrate de soude.
Article publié dans le journal Le Mémorial des Vosges